Depuis sa fracassante explosion en popularité en 2019, Blood Incantation s’est laissé désirer pendant cinq ans avant de sortir un troisième album en bonne et due forme. Dans l’attente, les quelques à côtés parus ont tout de même pu faire miroiter l’évolution imminente du groupe. Absolute Elsewhere reprend l’essentiel de la fusion entre Morbid Angel et Pink Floyd, mais étend effectivement le registre stylistique et l’ambition des arrangements.
Blood Incantation est l’un des rares groupes de death metal underground à avoir percé la niche qui l’a fait naître, s’attirant les louanges d’un écosystème plus vaste de musique indépendante de tout genre. C’est bien cet avantage qui leur a permis, en 2022, de faire une escale fort bien accueillie vers le space ambient avec Timewave Zero, un long EP presque exclusivement composé aux synthétiseurs. Plusieurs se questionnaient sans doute à savoir ce que le quatuor ferait ensuite pour surprendre. Une synthèse des deux genres? Ce n’est pas tout à fait ce qu’Absolute Elsewhere révèle.
Ici, c’est bien une musique orientée par les guitares qui parcourt tout l’album. À aucun moment la musique ne sombre-t-elle dans une nappe minimaliste de synthétiseurs. Ces derniers interviennent plutôt avec parcimonie, en complément à l’instrumentation de base, et permettent d’ouvrir la plage dynamique. Ces envolées psychédéliques développent le son consolidé sur Secret History of the Human Race (2019) avec le morceau instrumental ‘Inner Paths (to Outer Space)’, où le psychédélisme éthéré des années 70 prend le relais de la brutalité oppressante. Mais sur ce nouvel opus, on a bien plus. Des progressions en arpèges menant à des solos fort mélodiques, de la narration, des échantillons vocaux, du traitement sonore, des voix chantées et même de la flûte traversière. On se laisse aussi surprendre par des passages galopants ou en trémolo qui rappelle les tendances accrocheuses du métal scandinave. Tout cela se succède pourtant très naturellement dans deux longues pièces en trois mouvements chacune.
Forcément, la musique est moins extrême qu’auparavant, laissant la place à une plus grande palette expressive. Ce n’est pas une mauvaise chose, pour un groupe qui s’abreuve aux théories extraterrestres et à la remise en question de la condition humaine. Quoi qu’il en soit, Absolute Elsewhere est une excellente trame sonore pour un voyage astral, même si fatalement confiné au psyché.