C’est directement des confins de la galaxie – où il danse sans doute le french-cancan avec les étoiles – que le rocker belge Arno, qui nous a quittés le 23 avril dernier (2022) à 72 balais, nous envoie ce quinzième et ultime album intitulé Opex, nom de cet ancien quartier de pêcheurs ostendais où ses parents ont grandi.
Réalisé alors qu’il se savait envahi par le putain de crabe, le plus charismatique des rockers francophones contemporains avec Johnny (dont il aimait se moquer) lance, avec cette voix encore plus rauque que dans le passé, « Hier c’était le passé, aujourd’hui la vérité » dès le premier titre dans l’accrocheuse La vérité.
Armée de cette attitude rock décalée qu’il l’a toujours caractérisé, Arno reprend encore une fois une chanson du répertoire populaire qui pourrait être perçu comme ringarde pour lui donner sa couleur si particulière. Si hier c’était Les Filles du bord de mer, ce grand succès d’Adamo, cette fois c’est La Paloma adieu, où il est accompagné par celle qui en a fait un classique, Mireille Mathieu, avec laquelle il rêvait de chanter depuis des lustres.
Voix grise, il souffle péniblement dans ce titre où un oiseau parle de sa mort « Ma vie s’en va – Mais n’aie pas trop de peine – Ô mon amour adieu »,tandis que son accompagnatrice fait planer son timbre vocal dans les hauteurs, au-dessus d’une orchestration encanaillée pour un effet des plus bluffant.
Même de l’au-delà, le sympathique Belge nous rappelle qu’il est encore un éternel adulescent polisson qui aime rigoler avec les gros mots et la provoc, comme il le faisait toujours en entrevue. Il reprend d’ailleurs dans Boulettes, l’une de ses blagues salaces qu’il se faisait un plaisir de lancer à ses intervieweurs : « Quand je sens mon zizi plein, je le fais avec ma main gauche – Comme ça je pense que c’est quelqu’un d’autre qui le fait. »
Nostalgique aussi, il reprend, souffle court, son ancienne idole Elvis, dans une version rock de One Night With You où les guitares grondent leur colère sourde.
Puis, il redevient aussi touchant qu’il le faisait quand il nous torpillait le cœur avec l’une de ses puissantes ballades piano-voix (Les yeux de ma mère, Quelqu’un a touché ma femme, etc.), avec Court-circuit dans mon esprit. Un titre poignantoù il est accompagné par le célèbre pianiste néo-romantique Sofiane Pamart : « Je n’suis plus anarchiste – Ni parachutiste – J’ai perdu ma jeunesse mais j’aime encore Elvis – Les jolies chansons ne tuent pas la réalité – Maintenant, je paie mes conneries du passé – Il y a un court-circuit dans mon esprit – Save me, save me… »
Puis, en guise de conclusion, il nous envoie son dernier coup de gueule avec un titre bluesy-rock I’m Not Gonna Whistle. Non, Arno ne soufflera plus, mais si Bashung nous a légué son sublissime Bleu pétrole et Cohen son non moins superbe Thank’s for the Dance à titre posthume, Arno Charles Ernest Hintjens, cet ange noir de nos nuits blanches, ne sera pas en reste grâce à Opex.