En 2019, Angel Olsen, l’une des coqueluches des auteurs-compositeurs-internationaux alterno, semblait opter pour un son plus pop synth-wave, avec All Mirrors; elle avait, grosso modo, troqué la guitare luxuriante et cosmique pour un mur de synthétiseurs analogiques et modulaires. Or, sur son nouvel album Big Time, elle s’est trouvé une place dans l’americana country. Ce n’est pas la première fois qu’Angel Olsen expérimente ce son, mais sur Big Time, sa voix opératique se marie ridiculement bien avec la guitare lap steel, les crescendo d’orgue country, les trilles de mandoline et le Mellotron chaud qui évoquent ce que faisaient, dans les années 70, Tammy Wynette ou Loretta Lynn. Elle a toujours voulu que ses disques donnent l’impression qu’un groupe joue en arrière-plan avec sa voix au premier plan; son souhait est désormais exaucé.
Il pourrait y avoir une raison thématique au passage d’Angel Olsen dans le mysticisme country de Big Time. Ce genre est lié aux périodes de perte et d’épreuves, et Angel en a eu sa part ces dernières années. Son père est décédé à peu près au moment où elle a filmé le puissant duo Like I Used To avec Sharon Van Etten. Quelques mois plus tard, sa mère s’en est aussi allée.
Compte tenu de ce double deuil, Big Time est empreint de chagrin. Il ne s’agit toutefois pas d’un album triste, mais d’une célébration des souvenirs chantés par l’une des voix les plus puissantes de la musique actuelle. Certaines chansons, dont Ghost On et Dream Thing, dépeignent également Angel en train d’accepter son homosexualité et ses nouveaux amours. On songe surtout à la chanson-titre, coécrite par sa partenaire Beau Thibodeaux, scénariste à HBO.
Right Now pourrait être l’un des titres les plus vulnérables et les plus impressionnants qu’elle ait écrits depuis l’époque de Burn Your Fire for No Witness. La chanson donne l’impression qu’Angel s’adresse à son passé. La fin est envoûtante et sinistre, avec sa ligne de guitare qui ressemble à une version moderne de la mélodie de Dies iræ.
Big Time est un album magnifique. Je dois admettre que l’ancienne Angel me manque, avec sa voix qui flotte dans la guitare réverbérée, mais cette nouvelle aventure semble la rendre plus confiante et plus à l’aise.