Si Gaston Miron avait été un rockeur, il aurait sans doute ressemblé à Daniel Boucher. Bien sûr, il lui aurait fallu faire des séries de 75 à 100 redressements assis tous les matins pour que se résorbe sa panse, mais rien n’empêche qu’on l’imagine bien, feu notre tonitruant poète, Gibson SG en bandoulière, haranguant un auditoire rapaillé. Gaston aura tout de même transmis, par métempsychose poétique, sa manière de manier la matière lexicale à Daniel Boucher. Ça, on l’a constaté dès 1999 à la sortie de Dix mille matins, magistral premier album de Daniel.
Voici que Boucher nous en propose un septième, d’album, qui s’intitule À grands coups de tounes, vol. 1. Daniel persiste dans le mode opératoire qu’on lui connaît : mettre à profit fort judicieusement les trucs rock conçus par les pionniers, du milieu des années 1960 au début des années 1980. Sept chansons dont l’enregistrement s’est étalé sur quelques années, dans le sud-ouest de Montréal, au studio Tone Bender du musicien Jean-Sébastien Chouinard, qui a coréalisé À grands coups de tounes, vol. 1 avec Boucher.
Avec ses neuf minutes et dix-huit secondes, Les grands déçus domptés du grand lundi docile prend l’allure d’un de ces jams aux guitares s’entrelaçant grassement du Neil Young et Crazy Horse période Everybody Knows This Is Nowhere, avant de se clore sur un chant africain. La ballade Je te cherche encore représente le paroxysme du romantisme. Daniel déclame ensuite Les gâteaux de fête à l’intention d’une amoureuse, sur fond country-blues. Le musicophile entend, dans Grand beau grand gars, un hommage au fils ado de Daniel ainsi qu’aux harmonies guitaristiques d’Alex Chilton et Big Star. Durant les six minutes d’À grands coups de coude, ça groove grave tandis qu’une tondeuse de barbier branchée dans un ampli à lampes nous frôle les oreilles. L’ange contient un tiers de colère et de douleur d’homme blessé, puis deux tiers d’apaisement chez les mouches à feu de Roxton Pond. Daniel nous termine ça avec un souhait lysergique intitulé La paix dans le monde.
Daniel Boucher s’est fait trop discret, ces dernières années. Espérons qu’À grands coups de tounes, vol. 1 nous le ramènera à l’avant-scène.