Sleaford Mods : Collection printanière

Entrevue réalisée par Patrick Baillargeon

Avec l’album double All That Glue, les Sleaford Mods se collent au jeu de la compilation en rendant enfin disponibles beaucoup de leurs chansons quasi introuvables sur disque. Les fans ne seront pas en reste puisque le groupe a ajouté plusieurs inédits en bonus. Le toujours très volubile Jason Williamson nous en parle.

Genres et styles : hip-hop / punk

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Nous avons joint Jason Williamson chez lui à Nottingham, coincé à la maison comme tout le monde. Vêtu d’une robe de chambre, entre deux fournées (Jason a souvent du pain sur la planche), le vindicatif chanteur du duo minimal rap-punk qu’il forme avec le beatmaker Andrew Fearn nous a causé de colle, de politique et du Brexit, de ses ennemis et bien sûr des Sleaford Mods.

PAN M 360 : Jason, pouvez-vous nous parler un peu de l’album et de son titre ?

Jason Williamson : All That Glue est le titre de la première chanson que nous ayons faite Andrew et moi, en 2012. Cette chanson n’est pas à proprement parler sur la compilation mais elle sera disponible en flexi disc sur la version « gold » de l’album. On trouvait que ce titre cadrait bien avec ce que sont les Sleaford Mods. Il y a bien entendu quelque chose de punk dans ce titre, tu vois ce que je veux dire? On est très dans l’éthique DIY, très minimale, très son de la rue.

PAN M 360 : A-t-il été difficile pour vous de choisir parmi toutes vos chansons? Vous avez tout de même une bonne dizaine d’albums et quatre EP.

JW : Ça n’a pas été trop difficile. Nous ne voulions tout simplement pas sortir un album de « grands succès » ou un album de « singles ». D’abord, nous ne sommes pas un groupe à « grands succès », nous n’avons pas vendu des millions de disques, nous ne sommes pas connus internationalement à grande échelle et nous ne voulions pas faire un album de singles parce que nous pensions que c’était trop évident. Nous avons plutôt rassemblé plein de choses de tous nos albums ainsi que quelques singles, et aussi des inédits.

PAN M 360 : D’où proviennent les chansons inédites?

JW : Les chansons plus obscures ont pour la plupart été enregistrées durant les séances de studio de nos albums et EP faits entre 2013 et 2016. Nous croyons que certaines d’entre elles méritent d’être connues parce qu’elles sont aussi fortes que celles qu’on retrouve sur les albums. Nous voulions aussi donner une couleur à la période couverte par All That Glue, c’est-à-dire de 2013 à 2019. Il n’y a pas de chansons live sur l’album, mais toutes les chansons ont été rematricées. Beaucoup de ces chansons sont très difficiles à trouver aujourd’hui parce que les albums dont elles sont extraites sont épuisés. Il était donc important pour nous de les rendre à nouveau disponibles.

PANM360 : Et en ce qui concerne votre matériel paru avant 2013, celui-là aussi est très difficile à trouver.

JW : Rien de ce que j’ai fait avant Andrew n’est sur cette compilation. Il y en a une autre intitulée Retweeted sur laquelle on retrouve la plupart de ces morceaux.

PANM360 : Sur les albums enregistrés avant la venue d’Andrew, vous aviez un son différent, avec plus d’échantillonnage et des sonorités souvent punk et 60’s, alors que vous préconisez maintenant une approche musicale beaucoup plus minimale et proche du hip-hop, avez-vous songé à revenir à votre son des premiers albums?

JW : Nous avons essayé plusieurs fois, mais ça ne marche pas, ce n’est pas nous. La musique d’Andrew est très personnelle et elle n’a pas besoin d’être très travaillée. Et je pense qu’utiliser des guitares comme je le faisais avant ne fonctionne pas. Andrew utilise des guitares, mais à sa façon. Il y a eu un temps et un lieu pour cette musique… Les choses évoluent, du moins c’est comme ça que je le vois.

PAN M 360 : Vous attirez en général un public plus âgé, qu’on ne voit pas si souvent dans les salles de concerts, pourquoi pensez-vous que vous plaisez tant au plus de 35 ans?

JW : Je pense que c’est une musique à laquelle les gens plus vieux s’identifient. C’est une musique qui commence à avoir de l’âge, beaucoup du punk et du post-punk. La première vague du punk authentique des années 70, c’est-à-dire. Elle possède beaucoup de ça, et beaucoup du punk de la nouvelle vague aussi. C’est généralement pour ça qu’il y a beaucoup de gens plus vieux à nos concerts. 

PAN M 360 : Beaucoup de vos paroles ont un angle socio-politique, pensez-vous que la musique puisse changer la politique ?

JW : Non, non. Je pense que la musique peut changer un peu l’opinion des gens mais je ne pense pas qu’elle puisse changer la politique. Ce n’est pas une machine assez puissante pour influencer le monstre qu’est la politique. Le monde de la politique est vaniteux et affecte le moindre aspect de nos vies. On pourrait dire la même chose de la musique jusqu’à un certain point, mais je ne pense pas que la musique soit un véhicule assez puissant pour lutter contre la politique. Il y a eu des moments où la musique a bousculé le paysage social, il y a eu des moments où les politiciens ont dû en prendre conscience, mais en général, à mesure que nous avançons, que le monde devient plus petit, plus contrôlé par des factions de droite, la musique ne se retrouve pas sur le même terrain de jeu.

PAN M 360 : Que pensez-vous du Brexit ?

JW : Ça ne me plaît pas, c’est horrible. J’ai voté pour rester dans l’Union européenne. Nous sommes pas du tout prêts à ça, il n’y a rien qui le justifie, rien. S’il y avait une justification qui ait un sens, je ne dis pas, mais il n’y en a pas ! Ce ne sont que des intrigues politiques au profit de l’élite. C’est une idée néolibérale qui est tout simplement stupide. Ça ne sert pas la population, seulement quelques hommes d’affaires et c’est tout. Ce sera un désastre, un lamentable désastre.

PAN M 360 : Dans vos textes, vous écorchez souvent au passage plusieurs artistes, politiciens et autres personnalités, pensez-vous avoir beaucoup d’ennemis?

JW : (il rigole) Oui, j’imagine qu’il y a des gens qui ne m’aiment pas beaucoup (rigole). Je ne les blâme pas, vous savez (rigole encore). Je ne m’aimerais pas beaucoup moi non plus. Mais en gros, je les emmerde ! C’est une compétition, allez, montre-moi ce que tu as dans le ventre! Est-ce que ça te coûte quand tu fais ça? Autrement, ça n’a aucun intérêt. Beaucoup de gens prétendent être ce qu’ils ne sont pas, et ça pose problème. Ça va si vous voulez être Britney Spears ou One Direction, il y a une place pour cette musique, mais n’essayez pas de faire croire que vous êtes autre chose. Voilà ce qui me met en colère.

PAN M 360 : Vos paroles ne se limitent jamais à quelques phrases banales et évitent les nombreux clichés, qu’est-ce qui vous inspire? Est-ce que cette pandémie vous inspire?

JW : La vie ! Et des choses que j’écoute maintenant parfois. Avant, je n’écoutais que du hip-hop ou du punk, mais maintenant j’écoute toutes sortes de choses, parce que je ne suis plus le même, j’ai mûri. J’ai commencé à communiquer avec d’autres musiciens et pas nécessairement ceux qui jouent la même musique que moi. Oui, cette pandémie m’inspire, d’une certaine manière. Nous allons voir ce qui va se passer. C’est un moment tellement important de l’histoire qu’il faut le gérer correctement. On ne peut pas écrire n’importe quoi à ce sujet. Il faut que soit communiqué de manière à ce qu’on s’en  souvienne.

PAN M 360 : Pour la première fois de votre carrière, vous avez eu un  album dans le Top 10 avec votre précédent, Eton Alive, on se sent comment après ça?

JW : Très bien (il rigole). C’est bien d’avoir un album dans le top 10 – regarde, je me suis même fait tatouer Eton Alive sur le bras –, je suis vraiment fier de ça.  Aller de l’avant, c’est autre chose. Il faut toujours être attentif et ne jamais perdre de vue la qualité de ce qu’on fait. Il faut tout le temps que ça nous plaise et se demander si on aime vraiment ça ou si telle chose m’intéresse encore ? C’est pas mal plus ça qui me préoccupe.

PAN M 360 : Ressentez-vous de la pression pour le prochain album ? En avez-vous un en chantier ?

JW : Non, parce que nous ne nous mettons pas vraiment de pression. Les gens attendent un bon album et c’est ce qu’on va leur donner. Nous n’allons pas nous réinventer, ça ne sert à rien, nous n’avons pas besoin de le faire. Nous ne sommes pas un groupe de stade, tout ce que les gens attendent de nous, c’est d’être les Sleaford Mods et c’est ce que nous continuerons d’être. Oui, nous travaillons sur un projet en ce moment. Nous avons eu la chance d’entrer en studio au début de l’année, et nous avons réussi à faire trois bons morceaux. En ce moment, Andrew m’envoie de la nouvelle musique, alors j’espère que les restrictions seront assez levées pour que nous puissions aller en studio, au moins lui et moi, et quelqu’un d’autre.

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