renseignements supplémentaires
Partenaire de la famille PAN M 360, le Quatuor Molinari peut compter sur la plateforme web durant toute sa saison 2023-2024 afin de fournir un maximum d’éléments de compréhension pour ses activités artistiques . À l’approche du solstice d’hiver, bouclons la boucle des activités publiques du Molinari : un second album consacré à Philip Glass, un concert sous thème de la danse transposée en musique, et un autre programme qui reprend des œuvres intégrées au répertoire du quatuor montréalais.
Fondatrice, directrice artistique et premier violon du quatuor, Olga Ranzenhofer répond aux questions de PAN M 360 avant le dernier droit de 2023.
2e ALBUM CONSACRÉ À PHILIP GLASS
PAN M 360: Sous étiquette Atma Classique, le Quatuor Molinari lance un second album consacré aux quatuors à cordes # 5 -6-7 de Philip Glass. Puisque l’opus est titré Intégrale des quatuors à cordes Vol 2, comptez-vous enregistrer les autres, soit le #8, le # 9 et les autres qui ne sont pas numérotés?
Olga : Oui nous nous sommes embarqués dans l’enregistrement de l’intégrale des quatuors à cordes de Philip Glass. Pour le moment, il en existe 9 qui sont numérotés. Le dernier quatuor a été composé en 2022, alors qui sait s’il n’y en aura pas un autre l’année prochaine! Nous prévoyons enregistrer aussi la Suite Bent. Il y a aussi Dracula for string quartet, mais on n’a pas le droit de le jouer sans la projection du film.
PAN M 360 : Rappelez-nous votre intérêt pour le compositeur et votre motivation à jouer ses quatuors à cordes.
Olga : Dès la première saison du Quatuor Molinari en 1997-98, nous avions déjà joué du Glass, c’était le Quatuor no.5. Par la suite, nous avons travaillé le 3e, Mishima, qui est très célèbre. Au cours des dernières années, nous avons commencé à réfléchir à présenter l’intégrale de ses quatuors à cordes. Vous savez combien nous aimons les intégrales! C’est toujours fascinant de suivre le parcours d’un compositeur à travers ses quatuors à cordes. Prenez par exemple son premier quatuor, qui était vraiment une œuvre exploratoire; suite à un voyage en Inde il a écrit ce quatuor qui est inspiré des ragas indiens. C’était un jeune Glass qui cherchait sa voix, et cette œuvre pose les bases de son écriture minimaliste. C’est seulement 20 ans plus tard, avec l’avènement de son second quatuor, que le premier a été créé. Dès le second, Company, une courte œuvre de 8 minutes qui accompagne la pièce éponyme de Beckett, on reconnaît le Glass qui deviendra une icône de la musique minimaliste.
PAN M 360 : Philip Glass est possiblement le compositeur américain le plus joué des depuis les années 80. Qui plus est, son influence dépasse largement le public de la musique contemporaine ou classique, plusieurs artistes pop le citent parmi leurs influences Pourquoi d’après vous ?
Olga : La musique de Philip Glass rejoint en effet un très large public. Les progressions harmoniques, les rythmes motoriques, les répétitions font de cette musique une musique très attrayante. Elle peut être tantôt dépouillée ou touchante, ou bien entraînante et ensorcelante.
PAN M 360 : Très brièvement, quelles sont les qualités des quatuors 5, 6 et 7 et quels sont les défis de l’interprétation pour chaque œuvre ?
Olga : Le 5e quatuor est un probablement son plus accompli, c’est une œuvre de maturité. Dans les cinq mouvements, on y retrouve toutes les qualités que je viens de mentionner. Il y a comme un réconfort à la toute fin lorsqu’on reprend le thème rêveur du 1er mouvement. Écrit plus de 20 ans plus tard, le 6e est très complexe et les événements musicaux se superposent et se succèdent très rapidement. On n’est plus dans la musique hypnotique mais plutôt dans une musique plus théâtrale et plus tendue. Il semble que Glass ait retrouvé le goût d’écrire des quatuors car le 7e a été créé à peine 9 mois après le 6e. Contrairement à tous ces autres quatuors, celui-ci est conçu en un seul mouvement. De plus, son caractère est plus intime que les précédents, l’écriture est moins jubilatoire et plus en demi-teintes.
PROGRAMME DANSES, 1ER DÉCEMBRE, 19H30, CONSERVATOIRE DE MUSIQUE DE MONTRÉAL
« Le concert du 1er décembre, intitulé Danses, présente des oeuvres pleines de vitalité et de mouvements. La compositrice Franghiz Ali-Zadeh nous dit que la danse est très présente en Azerbaïdjan, son pays natal, dans tous les événements importants de la vie, heureux comme tristes. Reqs, qui signifie danse, évoque les rythmes et inflexions des danses azéries. La musique de Béla Bartók regorge de motifs dansants et de rythmes envoûtants; son 4e quatuor en est un exemple éloquent. Enfin, l’unique Quatuor en sol de Claude Debussy, avec ses inspirations et origines multiples ne le rattache à aucun lieu ni temps. Ce qui fait de ce quatuor une œuvre unique, sans frontière. »
PAN M 360 : Quel fut le point de départ pour le thème de ce programme?
Olga : La danse est présente dans toutes les cultures et dans toutes les musiques. Même dans des musiques aux sources très différentes, on retrouve la danse. Debussy a été influencé par la musique et la danse balinaises lors de l’Exposition universelle de Paris de 1889 et son Quatuor à cordes nous fait entendre de nouvelles couleurs harmoniques issues des musiques orientales. Le folklore est très présent dans la musique de Bartók et les quatuors ne font pas exception. Le 4e a une vigueur rythmique impressionnante qui nous donne le goût de nous lever et de sauter. Et bien sûr Reqs, qui signifie Danses, de la compositrice azérie Franghiz Ali-Zadeh, est un feu roulant de différentes danses inspirées du mugham.
PAN M 360 : Vous avez déjà joué la musique de la compositrice azérie Franghiz Ali-Zadeh. L’an passé? Pourquoi avez-vous choisi d’y revenir cette année avec l’œuvre Reqs ?
Olga : Nous avons été impressionnés par les sonorités et la beauté de la musique d’Ali-Zadeh lorsque nous avons joué Oasis l’année dernière. Nous avons donc décidé de continuer à explorer son œuvre. Il faut rappeler que Reqs a été écrit pour le Quatuor Kronos dans le cadre du projet Fifty for the Future.
J’ai été en contact avec Mme Ali-Zadeh et, grâce à un généreux mécène, nous lui avons commandé son 7e quatuor. Nous ferons venir Mme Ali-Zadeh à Montréal la saison prochaine pour un grand événement «Le Quatuor selon Ali-Zadeh» au cours duquel nous jouerons l’intégrale de ses 7 quatuors.
PAN M 360 : Comment cette œuvre est-elle construite?
Olga : La danse est très présente dans la vie des azerbaidjanais ; elle souligne tous les grands moments de la vie. Cette œuvre fait entendre les rythmes et inflexions des danses azéries mais dans un langage occidental.
PAN M 360 : Quel est le lien avec ce Quatuor en sol de Claude Debussy? Quelles sont les caractéristiques sommaires de cette œuvre et les défis que posent son exécution?
Olga : Le Quatuor en sol de Debussy est un des plus grands chefs-d’œuvre du répertoire pour quatuor à cordes, donc il y a beaucoup de modèles! Nous avons forgé notre propre interprétation en utilisant la nouvelle édition Bärenreiter. C’est un privilège de jouer cette œuvre empreinte de couleurs, de rythmes et d’harmonies si uniques. Le second mouvement est en effet une danse inspirée de la musique espagnole et rejoint donc notre thématique.
PAN M 360 : On enchaîne avec le Quatuor no 4 de Béla Bartók. Pourquoi le 4? Quel est le lien avec les autres quatuors au programme? Quels sont les défis de son interprétation?
Olga : La musique de Bartók est remplie de folklore et de danses. Son 4e quatuor ne fait pas exception. C’est une œuvre très forte, avec une écriture dense; les canons se succèdent de façon très serrée, l’énergie est à son comble avec des nuances extrêmes, des dissonances dramatiques. On adore ce quatuor!
PROGRAMME L’OEIL ATTENTIF, 16 DÉCEMBRE, 15H, FONDATION GUIDO MOLINARI
« Le premier concert de la saison 2023-24 de la série «Musique à voir» qui se tient à la Fondation Molinari, coïncide avec la dernière fin de semaine de la magnifique exposition « L’oeil attentif ».Notre concert « L’oreille attentive » fera vivre au public un parcours musical tout en finesse avec trois oeuvres canadiennes et une œuvre envoûtante d’Ali-Zadeh. »
PAN M 360 : Encore une fois, Ali-Zadeh est au centre de l’affaire. Comment avez-vous sélectionné son œuvre pour ce programme? Quelles en sont les caractéristiques?
Olga : Les concerts Musique à voir sont une occasion pour le Quatuor et le public de réentendre des œuvres qui sont au répertoire du Molinari. Reqs est une pièce envoûtante et pleine d’entrain et nous terminerons le concert de façon festive avec cette œuvre.
PAN M 360 : Pour la suite, vous plongez dans le répertoire local ou canadien. D’abord, présentez-nous brièvement le Quatuor d’Otto Joachim (1997).
Olga: Originellement conçue comme un trio à cordes, cette œuvre fut transformée par Joachim en un quatuor dont nous avons fait la création en 2000 pour souligner les 90 ans du compositeur. Otto Joachim a trouvé la source d’inspiration de cette œuvre à la suite d’une visite à Séoul en Corée du Sud. Ayant vécu pendant 16 ans en Malaisie et en Chine, ce retour en Asie en 1977 lui a permis de renouveler son intérêt pour la musique asiatique. Ce quatuor intègre des traces de musique coréenne avec des structures dodécaphoniques et aléatoires.
PAN M 360 : Puis le Quatuor no 7 de Brian Cherney. Mêmes questions : Pourquoi? Comment?
Olga: Nous avons commandé à Brian Cherney son 7e quatuor à l’occasion de son 80e anniversaire et l’avons créé au printemps dernier. C’est une oeuvre tout en finesse et délicatesse Nous allons faire une vidéo de ce quatuor en décembre et il sera accessible en ligne sur notre site Vidéothèque québécoise Quatuor Molinari (vqqm.ca), un site qui se veut un lieu de découvertes et de sources d’informations sur les œuvres pour quatuors à cordes de compositeurs québécois. Les œuvres nouvelles, les créations, sont rarement jouées plusieurs fois et le Molinari se fait un devoir de les rejouer et de les inscrire dans son répertoire pour qu’elles trouvent une place dans l’Histoire.
PAN M 360 : Vous concluez avec Quatuor no 2, Waves, de R. Murray Schafer, un de vos compositeurs de prédilection. Comment votre connaissance de cette œuvre a-t-elle évolué?
Olga: Plus on joue une œuvre, plus elle fait partie de soi. La principale difficulté de ce quatuor réside dans le fait que les mesures sont remplacées par des séquences de 6 à 11 secondes, dont les motifs sont joués en accélérant et/ou en ralentissant. Il faut donc avoir en nous cette notion de temps qui s’écoule. et cela s’acquiert avec le travail et la répétition. C’est une œuvre toute délicate, qui fait rêver d’être au bord de la mer en cette fin de novembre froide et grise!