Louis-Jean Cormier / Quand la nuit tombe… quand un nouveau jour se lève

Entrevue réalisée par Alain Brunet

Quand la nuit tombe est le troisième album solo de Louis-Jean Cormier, la plus réussie et la moins consensuelle de ses offrandes discographiques depuis la suspension indéfinie des activités de Karkwa, le groupe qui l’a fait connaître dans les années 2000, de surcroît, le plus karkwaesque de ses opus ! La tournée de LJC devait démarrer incessamment, mais le contexte coronaviral en impose le report. Alors? Discutons virtuellement de ce nouveau chapitre créatif qui s’amorce… dans le confinement.

Genres et styles : chanson / folk / rock

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Premier sujet au menu des perceptions : des trois albums de LJC sortis depuis 2012, Quand la nuit tombe (Simone Records) est le plus proche de Karkwa.

On suggère cette observation à Louis-Jean Cormier, il opine du bonnet.

« Oui absolument! On a aussi fait ce constat au fur et à mesure qu’on avançait dans l’album. Ce n’était pas prévu et, finalement, je suis bien content. En fait, ça concordait avec le retour de François Lafontaine (aussi de Karkwa) dans ma vie artistique. Lorsqu’il a voulu changer de studio, je l’ai accueilli dans le mien, il s’y est alors installé avec son musée du synthétiseur (rires). J’étais alors en train de faire mon nouvel album, j’ai trouvé cool qu’il s’implique dans ce projet. Finalement, il a joué sur près de la moitié du répertoire. »

LJC insiste, le rôle de François Lafontaine a été déterminant dans la facture de l’album.

« Déjà depuis le début de la prod album, je voulais des chansons qui « sortent du haut-parleur », je voulais que ça déborde. Frank est entré là-dedans comme un chien dans un jeu de quilles, il fait tout tomber, c’est le fun de même! Nous étions heureux de retourner sur la planche à dessin. La prochaine étape sera de composer ensemble pour moi, pour lui, pour Marie-Pierre (Arthur), peut-être pour Karkwa… »

D’aucuns résument la facture instrumentale de Quand la nuit tombe : un album « avec pas d’guit ». Était-ce prémédité?

« Ce ne l’était pas… c’était parti d’une soirée un peu arrosée. J’ai pris des gageures avec mes chums, faire un disque sans guitares et aussi faire des chansons pour danser – alors que je ne me considère vraiment pas comme un artiste qui fait danser les gens. L’idée a fait son chemin, et voilà! Les artistes ont intérêt à se poser de tels défis, c’est toujours sain de créer dans la contrainte.

« Ce fut très enrichissant de faire un album axé sur le piano et les claviers. C’est plus vaste, ça laisse plus d’espace à la voix et aux mots. Le piano libère le décor, on y entend mieux la voix, les mots, les autres instruments. De plus, le piano est mon instrument premier; j’en ai joué pendant une quinzaine d’années avant de me perfectionner à la guitare. »

Cinq années séparent la sortie de Quand la nuit tombe et Les grandes artères. Cinq années charnières souligne notre interviewé.

« Ma vie a beaucoup changé, rappelle LJC : rupture amoureuse, garde partagée, nouvelle relation, sabbatique, voyages, réalisation d’enregistrements… Je me suis trouvé en Éthiopie, en Allemagne, en Californie (Los Angeles). Je me suis gavé de hip hop, de musique électronique, d’éthio-jazz, je me suis sensibilisé aux racines culturelles de ma copine éthiopienne (Rebecca Makonnen) – d’ailleurs, la chanson Les poings ouverts s’inspire directement de l’éthio-jazz.

« Ma blonde m’a aussi incité à plonger dans le hip hop, au point de me procurer des échantillonneurs et autres synthétiseurs, et de me creuser le cerveau afin de maîtriser ces machines. Pour citer un exemple, la chanson 100 mètres haies comporte des extraits de Debussy et résulte de cet apprentissage. Il faut dire que le côté classique de cette chanson provient de mes influences paternelles et de celles de mon frère, violoniste à l’Orchestre symphonique de Québec et (parfois) chez les Violons du Roy. »

Malgré l’absence de guitares musclées, fait observer LJC, Quand la nuit tombe n’a rien de doucereux.

« Le mot s’est passé, je ferais un album piano-voix. Les gens vont faire le saut en l’écoutant! Ça bûche et j’aime ça ! Je ne dirais pas que c’est un album rock, mais c’est celui de mes projets solos qui pousse le plus en ce sens. En plus d’y chanter, j’y joue du piano, des synthétiseurs, du synth bass. Alex McMahon, un des meilleurs pianistes au pays, ne joue pas une note de piano dans cet album! Il y joue des synthétiseurs, mais surtout de la batterie, en simultané avec Marc-André Larocque. Ensemble, ils sont é-coeu-rants! Guillaume Chartrain, lui, assure à la basse électrique et à la synth bass. »

Le départ de la nouvelle tournée était imminent mais… le contexte pandémique a évidemment modifié le cours des choses.

« Nous avons une centaine de dates prévues, nous allons toutes les reprendre. J’ai vraiment hâte de retaper les planches! Brigitte Poupart assure mise en scène, Mathieu Roy sera aux éclairages. Sauf François Lafontaine, le band qui a fait le disque m’accompagnera – Alex McMahon, Guillaume Chartrain, Marc-André Larocque. »

Quant au volet littéraire de la démarche, la plume du parolier se serait affûtée selon ses propres dires.

« J’ai eu un dialogue très ouvert avec Daniel Beaumont, un « chum de texte » qui m’aide et ne se gêne pas pour me donner l’heure juste. Il m’évite ainsi de supprimer des extraits que je considérais inutiles, il peut me critiquer et plus encore. D’autres amis peuvent aussi le faire, je pense notamment à Martin Léon… Cette fois, en tout cas, j’ai plus écrit seul que par le passé. Il y a eu des moments de création fulgurante, les mains sur le piano et les mots qui arrivent en même temps. D’autres chansons résultent de courses à relais entre moi et Daniel, etc. Mon propos s’est clarifié, c’est relié aux épisodes récents de ma vie. Je cherchais à être à la fois clair et simple, sans négliger la profondeur et l’innovation. »

L’artiste croit aussi s’être mouillé davantage dans les sujets investis.

« C’est un disque où je mets mes tripes sur la table, plus que jamais auparavant. Je fais moins dans la description, je prends position. Par exemple, je parle à mon père, lui annonçant me retirer de la religion qui génère plus de marde que de bien. Je peux aussi aborder la question du racisme avec David Boudreault; tous deux hommes blancs et privilégiés, nous avons des compagnes de couleur, notre prise de conscience se fait à travers elles. »

Les expériences périphériques vécues par LJC l’ont aidé à prendre de la maturité. La bande originale du film Kuessipan (tourné chez les Innus de la Côte-Nord d’où il vient) lui a permis d’évoluer aux claviers, et le spectacle Serge Fiori / Seul ensemble du Cirque Éloize a aussi été un révélateur.

« Lorsque nous avons retravaillé ses musiques, Alex McMahon et moi, Fiori nous a ramenés dans le frisson, l’instinct, le cœur. Il nous a incités à ne pas être trop cérébraux, à conserver les enregistrements imparfaits qui portent les vraies émotions. L’émotion est supérieure à la propreté technique ! »

Plus audacieux, un peu moins pop, Quand la nuit tombe serait-il l’amorce d’un autre virage, depuis celui négocié en 2012 l’ayant progressivement mené de l’indie rock à la téléréalité et au succès grand public? Où en est Louis-Jean Cormier ?

« À l’époque de Karkwa, tient-il à rappeler, je n’étais pas le plus fucké des musiciens montréalais! Et du côté plus populaire, je suis souvent perçu comme un mouton noir. En fait, je me suis toujours vu dans l’entre-deux, je reste confortable même avec le cul entre deux chaises! Je suis capable de faire le pont, je peux faire chanter Klô Pelgag avec Marie-Mai. Je ne pense pas m’être travesti pour autant, m’être prostitué, avoir perdu mon intégrité.”

N’empêche…

« Dans ma sabbatique, relate le chanteur et musicien vedette, j’ai vécu un retour aux valeurs de l’art. Je suis allé au musée, au théâtre, j’ai lu, visionné plein de films de répertoire et de documentaires. Je me souviens avoir entendu Pasolini affirmer que la plus grosse erreur d’un artiste était de vouloir faire l’unanimité. Ça m’avait heurté… avais-je peut-être trop voulu plaire à tout le monde? J’ai donc choisi un projet audacieux, avec des « bombes » qui explosent à certains moments… tout en sachant que lorsque l’ADN d’une chanson est simple et efficace, ça ne vaut pas la peine de faire des pirouettes. L’audace n’exclut pas la simplicité. »

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