À l’orée du 39e FIMAV, Michel Levasseur explique le changement de garde à venir

Entrevue réalisée par Alain Brunet

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Le 9 mars dernier, Michel Levasseur et Joanne Vézina, annonçaient leur retraite du Festival international de musique actuelle de Victoriaville, dont le couple assumait respectivement les directions artistique et administrative et partageait la direction générale. 

Ingénieur forestier de formation, Levasseur avait fondé le FIMAV au tournant des années 80 après avoir vécu un moment au Royaume Uni, où il fut mis au parfum de la mouvance avant-gardiste « rock in opposition », soit l’un des fondements de ce corpus que Levasseur se plaît toujours à qualifier de « musique actuelle ».  Avant-rock, free jazz et musique contemporaine avaient été les fondements auxquels Levasseur est resté fidèle tout au long de ces plus de quatre décennies d’activités annuelles. 

Le directeur artistique du FIMAV a ensuite étoffé son approche en y ajoutant une dimension électronique, une autre bruitiste et un volet rock plus élaboré. Au fil du temps, les plus grands noms de l’avant-garde en musique improvisée se sont produits à Victo, de Sun Ra à Cecil Taylor en passant par John Zorn qui y revient cette année. D’importants contingents en provenance du Japon et de l’Asie s’y sont également illustrés, sans compter de grandes délégations d’artistes venus d’Europe et des Balkans.

Vu les capacités de production et d’accueil dans les Bois-Francs et la volonté inébranlable de sa direction de le maintenir en région, là où il avait commencé, le FIMAV n’a pas connu de croissance quantitative depuis très longtemps. Force est de déduire que le couple Levasseur-Vézina a estimé que la taille atteinte était satisfaisante et que quelques centaines de festivaliers (dont plusieurs venus des quatre coins du continent) remplissaient son mandat d’événement d’envergure internationale et conférait un prestige très spécial à Victoriaville, une ville d’entrée de jeu pas particulièrement encline à de telles propositions artistiques. Malgré une modeste affluence de publics très spécialisés, la marque du FIMAV a su maintenir sa réputation acquise dans les années 80 et 90.

Avec le sentiment du devoir accompli, Michel Levasseur s’entretient avec PAN M 360 sur sa décision ferme de quitter la direction de ce festival qu’il a fondé au tournant des années 80.

PAN M 360 : Comment se fera votre départ, Michel ?

MICHEL LEVASSEUR : On part peu après le festival, mais on n’a pas la relève encore. Il n’y a personne pour entrer en fonctions dans les prochains mois, mais dans les prochaines semaines ça va s’activer. Ça fait d’ailleurs cinq ans qu’on est à la recherche de professionnels plus jeunes pour venir nous aider, avec qui on aurait passé quelques années avant de passer le flambeau. Ça n’a pas marché pantoute. Le milieu n’a pas embarqué, il n’y a eu personne avec une compétence solide dans le milieu culturel d’avant-garde. Certains sont venus pour des contrats spécifiques mais… personne ne répondait vraiment à l’offre d’emploi pour s’installer à Victoriaville.

PAN M 360 : Toujours rien pour l’instant?

MICHEL LEVASSEUR : On a des contractuels, mais pas vraiment de personnes qui envisagent rester et prendre le relai.

PAN M 360 : Et personne au Québec ne s’intéresse à cette perspective d’emploi?

MICHEL LEVASSEUR : Oui ça se manifeste depuis que nous avons annoncé notre retraite. Nous avons eu beaucoup de courriels, des centaines de commentaires sur Facebook. De partout dans le monde, des travailleurs, des bénévoles, du public, les musiciens et tout… ce fut comme une traînée de poudre!  Pour nous c’est émouvant.  Ça nous envoie le message que ça en a valu la peine. Et avec l’annonce de notre départ, le milieu a finalement réagi.  On a reçu des lettres d’intention, des CV, je parle ici de personnes qui ont déjà fait de la programmation, qui travaillent présentement dans des organismes en production.  

PAN M 360 : Au moment où l’on se parle, vois-tu  un candidat ou une candidate vraiment solide, avec une vision ? 

MICHEL LEVASSEUR : On n’est pas loin de ça. Le grand défi, ça sera d’intégrer ces personnes à la vie de la région ici. Là, on assume à deux personnes trois directions : artistique, administrative, générale. Joanne et moi partageons ces rôles, et nous sommes les deux seules personnes à temps complet. Alors nous recherchons idéalement deux personnes qui se partageraient la direction générale. C’est un modèle qui marche bien, puis qui permet à l’organisme d’honorer ses budgets. Il faudra qu’au moins une des deux personnes vive dans la région pour rester proche du milieu et de tous nos partenaires locaux.

PAN M 360 : Ça sera  quand même difficile pour vous de lâcher du leste. Vos successeurs seront probablement différents de vous, ce qui est normal.

MICHEL LEVASSEUR :  Oui c’est normal, c’est sûr que ce n’est pas évident, pas facile de prendre une telle décision. Moi, je ne savais vraiment pas quand j’arrêterais, comment ça se ferait. Mais je viens d’avoir 70 ans, alors…

PAN M 360 : Il faut quand même rester très actif car sans stress, la vieillesse gagne du terrain beaucoup plus rapidement.

MICHEL LEVASSEUR : Ben d’accord mais il y avait trop de stress là où j’étais rendu… Et les trois dernières années avec la pandémie, ça n’a pas aidé. Ça use et on ne récupère  pas comme on a récupéré par le passé. On sortait d’un festival et, deux mois plus tard, on fonçait de nouveau, énergisés par nos succès artistiques. Mais… ces dernières années, on était rendus en août et on n’avait pas encore récupéré. Il fallait tout refaire de nouveau, les charges, le monde, la nouvelle programmation, etc.  Ça a été le coup fatal et nous avons pris la décision de quitter à la fin de l’année 2022, fin novembre début décembre.

PAN M 360 : Quels seront vos rapports avec votre relève? Continuerez-vous à faire de l’encadrement ? Comment envisagez-vous la passation des pouvoirs? Ça pourrait durer plus d’un an!

MICHEL LEVASSEUR : Non non, ça va durer 2 ou 3 mois. En décembre c’est fini.
On ne sera plus dans le bureau, je ne sais pas si je vais rester encore longtemps sur  le conseil d’administration… Présentement, en tout cas, ce n’est vraiment pas l’idée de nous éterniser là. On me demande si j’ai fait la programmation, c’est non.  Et quand j’ai fait la présente programmation, je n’avais pas pris la décision d’arrêter et ça adonne bien car on y trouve plusieurs éléments rétrospectifs. Mais je  n’ai pas l’intention du tout  (de m’incruster),  ni l’intention de passer une autre année. 

PAN M 360 : Des projets pour la suite des choses?

MICHEL LEVASSEUR : C’est encore trop tôt. Même voyager, ce qu’on a toujours fait avec le travail. Alors que là, ce sera différent.

PAN M 360 : Joanne et toi restez-vous propriétaires des Disques Victo?

MICHEL LEVASSEUR : Oui, mais je ne compte pas léguer ça à mes enfants! Nous avons 135 contrats à honorer, le label n’a pas de grande valeur monétaire. Mais ça me tente de continuer.  On vient de lancer une page Bandcamp avec un petit distributeur numérique, et j’ai plein de produits physiques à vendre encore. Je souhaite m’en occuper encore pour une dizaine d’années, si j’en suis capable sans perdre trop d’argent. Évidemment,  le chiffre d’affaires de la maison de disques a diminué drastiquement et je n’ai pas envie de mettre ma maison là-dessus. C’est vraiment un hobby, un peu comme aller à notre camp de pêche en Haute-Mauricie. J’y fait de l’aménagement forestier, d’autant plus que c’était ma profession au départ. On va donc trouver quelque chose à faire, c’est certain. Pour l’instant l’idée est d’arrêter puis de décrocher et avoir plus de temps. On espère trouver nos remplaçants pour septembre et les accompagner jusqu’en décembre.  Là, il faut que le monde réagisse si on veut que ça continue. Il y a une carrière à faire à Victo. 

PAN M 360 : Donc tu n’as vraiment pas l’air désorienté par ta décision!

MICHEL LEVASSEUR : C’est bizarre à dire, je suis vraiment surpris de moi même. Rien que de penser ne pas avoir une programmation à faire l’an prochain, je suis libéré. Il y a une grosse brique de moins sur mes épaules. 

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