Un 3 juillet au FIJM et en marge: Herbie, Domi, JD, Nate, Cynic, Atheist…

par Rédaction PAN M 360

Au Festival International de Jazz de Montréal, les experts de PAN M 360 assistent aux concerts qui secouent les mélomanes. Suivez notre équipe !

Herbie Hancock, verdeur phénoménale !

Le piano est un instrument propice à la longévité de son utilisateur, Herbie Hancock en a fait lundi la brillantissime démonstration, lundi soir à la Salle Wilfrid-Pelletier. Aucunement diminué par l’âge qu’il a (83 ans!!), le plus respecté des pianistes vivants sur la planète jazz témoignait d’une verdeur phénoménale, d’une articulation exemplaire et d’une vivacité d’esprit sans pareil. On aurait pu lui pardonner certains manquements, remarquez, on n’a vraiment pas eu à le faire. 

Herbie y est allé d’abord d’une ambitieuse Overture introduite par un passage carrément électroacoustique (pas aussi« weird » que l’annonçait son concepteur) assortie d’éléments, riffs ou thèmes tirés de son immense répertoire, connu de tout jazzophile qui se respecte –  Butterfly, Chamelelon, Rockit, etc. 

Certaines œuvres au programme ont été jouée intégralement et transformées par les sidemen, et pas les moindres : le trompettiste Terence Blanchard, le guitariste Lionel Loueke, le bassiste James Genus et le batteur Jaylen Petiniaud, ont conféré leur personnalités respectives à l’œuvre du plus cool des octogénaires actifs sur la planète jazz. 

Il était prévisible que fusse rendu un hommage à Wayne Shorter, ami de toujours avec qui il avait joué Footprints, un standard de feu le saxophoniste et compositeur, jadis magnifiée par le Miles Davis Quintet dont ils étaient tous deux parmi les membres éminents.

Il était toutefois moins prévisible qu’une part congrue de ce programme fut constitué de pièces  jazz-funk, notamment Actual Proof (album Thrust) et  Come Running to Me (Sunlight) avec Vocoder, ancêtre de l’Autotune. 

Pour conclure? Le mégatube Chameleon  (Headhunters, album homonyme),  bien évidemment. Pour ce, le leader a choisi d’exploiter son synthé en bandoulière et improviser avec chacun de ses collègues plutôt que de s’exécuter au piano dans le bridge. D’aucuns auraient préféré la structure de l’enregistrement originel, mais notre monumental Herbie a choisi le risque d’une relecture en règle, pour le meilleur ou pour le pire. 

N’est-ce pas ce à quoi on doit s’attendre d’un grand jazzman ? Oui, et on lui pardonnera ses choix artistiques moins intéressants qu’à l’escale précédente.

Alain Brunet

Domi & JD Beck, ze phénomène de l’heure

Tout le monde se les arrache, bien au-delà de la planète jazz. La propulsion virale de ces deux artistes à peine sortis de l’adolescence n’a d’égal que leur talent. Domi (Domitille Degalle), originaire de Nancy, et JD Beck de Dallas et réunis aux USA alors qu’ils étudiaient au Berklee College of Music, faisaient déjà l’objet d’un vrai buzz. 

Un concert plutôt poche, paresseux et décousu de Robert Glasper m’avait conduit à migrer vers ce concert des plus rafraîchissants, donné dans un Club Soda bien rempli. C’était peu de temps après la sortie de Not Tight, un premier album prisé par un vaste public, bien au-delà du jazz.

 Un an plus tard, le phénomène a pris de l’ampleur. Anderson.Paak, Snoop Dog, Thundercat ou même Ariana Grande enregistrent à leurs côtés, c’est dire leur pouvoir attractif.

On avait eu droit sensiblement à la la même matière que lundi à la Wilfrid, alors que Domi a multiplié les prouesses de sa main droite, rapidité extrême et précision extrême de l’articulation, et ébloui de sa main gauche qu’elle utilise à la manière d’une basse électrique, notamment lorsqu’elle joue du Jaco Pastorius ou du Wayne Shorter, époque Weather Report.

Comment expliquer ce buzz? Par la jeunesse de ses protagonistes , par l’esthétique visuelle assortie de décors naïfs des plus sympas, par leur look d’ados qui se fichent de tout… et surtout par cette hallucinante virtuosité acquise à un si jeune âge – tournant de la vingtaine. JD Beck a déjà absorbé et maîtrisé maintes techniques de ses prédécesseurs, son petit kit de batterie et ses emprunts à la musique électronique impressionnent. Quiconque apprécie les instrumentistes d’un tel niveau se délecte à coup sûr, même avec les problèmes techniques auxquels ils ont dû faire face devant le public de Herbie Hancock. 

Alain Brunet

Nate Smith et l’esprit du groove

Au deuxième soir de sa virée de trois concerts, le super-batteur Nate Smith a produit l’effet escompté : ravir les fans de groove en leur balançant la matière d’une obscure « beat tape » qu’il avait enregistrée pour ses 40 ans, « il y a de ça quelques années » comme il l’a souligné en pouffant de rire. Aux côtés de spécialistes de cet exercice, soit le claviériste Kiefer et le bassiste CARRTOONS, Nate Smith a mis de l’avant ce minimalisme soul-funk.

L’approche consiste à répéter pendant une dizaine de minutes ou plus une progression harmonique très simple, inspirée de la soul/R&B. Simpliste? Redondant? Nenni. Nate Smith et ses collègues chevronnés ont tôt fait de faire apprécier les micro-variations de ces grooves et d’ainsi en faire sortir toute la suavité. Cette facture existe depuis les belles années de CTI dans les années 70, un label enclin à la jazzification de la soul.

Le retour en force de la soul/R&B instrumentale via le hip hop dans le monde du jazz s’accompagne de phénomènes connexes dont celui-ci, revigoré par des instrumentistes doublés de beatmakers, forts d’une vaste culture de musiques populaires afro-américaines à l’ère numérique. Qui s’en plaindra?

Alain Brunet

Emmet Cohen, réincarnation du swing

Je mentirais si je devais écrire une critique complète du concert du Emmet Cohen Trio, lundi soir au Studio TD. Pour un artiste si profondément enraciné dans la tradition désormais presque centenaire du swing, ce fut une belle surprise, mais peut-être pas vraiment une surprise.

Avec ses performances électrisantes et sa forte présence en ligne, Emmet est maintenant une sorte d’icône du piano dont la mission est de maintenir vivant l’esprit du swing – et stride par moments.

En arrivant à mi-chemin de leur set, il y avait une sensation particulière dans l’air. Quelque part, l’esprit d’Ahmad Jamal était présent, alors que le groupe canalisait l’élégance et la théâtralité des arrangements du trio minimaliste-maximaliste de Jamal. Le dévouement du trio à engager le public était également louable. Cohen s’est fait un devoir de faire en sorte que la foule se sente partie prenante du spectacle, partageant des anecdotes et des idées sur la musique qu’ils étaient sur le point de jouer. Pour terminer la soirée, leur troisième rappel, ils ont absolument secoué le classique d’Ellington, Satin Doll, et à la fin du concert, nous savions tous que nous faisions partie de quelque chose de spécial.

Varun Swarup

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Focus and Elements : Cynic et Atheist enfin réunis

En marge du Festival de Jazz, Montréal accueillait hier soir deux sommités du métal progressif infusé de jazz fusion. Tous deux fort de 35 ans d’activité, Cynic et Atheist présentaient respectivement l’intégralité de Focus (1993) ainsi qu’une sélection de Piece of Time (1990), Unquestionable Presence (1991) et Elements (1993). Devant un Théâtre Fairmount bien rempli, les deux groupes ont livré une exécution irréprochable de leur répertoire.

Atheist impressionnait par son énergie inépuisable, laquelle s’arrimait par ailleurs sans problème avec la complexité des morceaux interprétés. Effectivement, il est rare de voir une combinaison aussi réussie de technicité instrumentale et de présence scénique si forcenée. Le chanteur Kelly Schaeffer, seul membre original de la formation, s’est entouré jeunes musiciens faisant la moitié de son âge pour composer sa dernière mouture. Cependant, la fougue de ses camarades n’avait d’égale que la sienne puisque Schaeffer n’a visiblement rien perdu de son charisme et de sa folie. Si rejouer des classiques aurait pu amplement satisfaire, surtout pour un lundi soir tranquille, Atheist a de loin dépassé les attentes.


Ensuite, Cynic a démarré son spectacle avec un rendu chronologique de son premier album, devenu un culte incontournable du death metal. Plus angulaires et agressives que les pièces récentes du groupe, ces compositions étaient interprétées avec toutes les nuances souhaitables. Notamment, l’interaction entre voix chantée au vocoder et voix criée était fidèle à l’album. Quant aux timbres de guitares, ceux-ci étaient soigneusement travaillés et adaptés à chaque section musicale via processeurs numériques. Après un bref hommage à l’encens aux défunts Sein Reinert (batterie) et Sean Malone (basse), Cynic a enchaîné avec quatre morceaux traversant leur discographie plus récente. Ces pièces parfois sereines, parfois intenses, mais toujours très dynamiques ont bien clôturé la soirée même si on en aurait pris davantage.

Laurent Bellemare

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