Au Festival International de Jazz de Montréal, les experts de PAN M 360 assistent aux concerts qui secouent les mélomanes. Suivez notre équipe !
Samara Joy déjoue toute méfiance
Crédit photo: Benoît Rousseau
Y avait-il lieu d’être méfiant ? Samara Joy gagne un Grammy, deux Grammys, révélation de l’année, album jazz de l’année. La fille a 23 ans, deux albums dont un autoproduit. Et voilà que le jury des Grammys décide qu’une chanteuse de jazz classique dépasse toutes les chanteuses pop émergentes de 2023. On écoute distraitement Samara Joy, on se dit bof, voilà une autre intégriste du jazz qui titille les bien-pensants de la culture américaine. Pas très excité, donc.
Et puis, je me dis qu’il ne faut quand même pas éviter le sujet, le snobber. Que ces victoires largement médiatisées, légitimement ou non, méritent notre attention. Ce n’était donc pas sans scepticisme que je me suis porté volontaire pour la couverture de Samara Joy. Et… une fois de plus, des idées préconçues s’écroulent. On l’entend pendant une courte apparition samedi soir, invitée du prodige pianistique Julius Rodriguez. Hum, ce n’est pas la réplique muséale de Sarah Vaughan, peut-être plus que ça. Puis on propose à PAN M 360 une interview avec cette jeune femme.
Elle est très grande, elle est brillante, elle est sympa. Aucune prétention. Deux heures plus tard, on se présente au Monument National. Elle a troqué sa tenue relaxe pour une robe de soirée et des talons. Elle entonne This Is the Moment, nos oreilles battent du pavillon, nos yeux s’écarquillent. Ce n’était donc pas un de ces choix incohérents et déconnectés dont les Grammys sont capables parfois.
Samara Joy a un registre d’alto mais peux pousser la note dans celui d’une soprano. Ce n’est pas seulement le résultat d’une technique rigoureuse, mais bien d’un don de la nature. La variété des timbres, des modulations, des variations de puissance, voilà autant d’atouts pour cette chanteuse exceptionnelle.
Super à l’aise sur scène, humble et fière, très drôle, divertissante au max. Elle sait s’approprier un standard tel Stardust de Hoagy Carmichael ou Chega de Saudade signée Tom Jobim, ou une adaptation vocale de Nostalgia composée jadis par le trompettiste bop Fats Navarro, ou encore l’hybridation de Stevie Wonder et Nancy Wilson, ou même ces lignes incandescentes en hommage à la grande Betty Carter, une influence somme toute plus évidente chez Samara Joy. Ce qui est une excellente nouvelle pour la suite des choses.
Alain Brunet
JaRon nous guide tous vers le cosmos
JaRon Marshall, le claviériste des Black Pumas, a ranimé la foule endormie de la scène Rogers en jouant 80 % de son premier album solo, earth sounds, dimanche soir au FIJM. Soutenu par un batteur et un bassiste fantastiques – avec lesquels il a commencé à jouer le même jour -, JaRon a entraîné la foule dans un tourbillon de jazz cosmique qui tenait à la fois de Return to Forever et de Pharoah Sanders. L’instrument principal était, bien sûr, deux claviers que JaRon maîtrisait avec aisance.
On aurait dit qu’il n’avait pas transpiré pendant ses solos de synthétiseur ou ses arrangements d’accords complexes. Le groupe a fait un excellent travail en gardant le groove pour le public, sans trop plonger dans le domaine du free jazz. JaRon est clairement un maestro qui aime le jazz émotionnel et nous avons eu la chance de le voir sur une scène plus petite et plus intime, car ce musicien pourrait facilement jouer sur les scènes principales dans un an ou deux.
Stephan Boissonneault
Elliot Maginot fait son nid sur l’Esplanade
À 23h, l’Esplanade de la Place des Arts voit se produire l’auteur-compositeur-interprète Elliot Maginot. Sur la scène, des guirlandes parcourent l’espace, grimpent sur l’équipement, délimitant le terrain de jeu. Pour agrémenter le tout, six hiboux décoratifs sont éparpillés à l’avant-scène et sur le matériel… cet animal qui est en apparence devenu le symbole de prédilection de l’artiste, à en juger par ses communications sur les réseaux sociaux.
Le concert d’Elliot Maginot débute sur une atmosphère sonore à laquelle vient s’ajouter quelques ondoiements de guitare. Un son planant qui fait à la fois monter la tension et relaxer les muscles. Alors que les musiciens se préparent, le public se réchauffe. Ensuite, c’est parti pour 55 minutes de folk-pop flattée, tantôt sautillante, tantôt contemplative, et surtout lumineusement teintée de saxophone, marimba, violoncelle et de touches ouest-africaines. La batterie résonne dans la cage thoracique et la voix de l’artiste dans l’esprit.
Elliot Maginot se distingue par cette voix pincée et pleine de souffle, et aussi par son interprétation intense mais contenue. Lorsqu’il chante, son corps et son visage se crispent d’émotion, et sa voix est traversée d’un frémissement – pas un vibrato – qui soulève les mots plus longs et les fins de phrases. Un chanteur peu commun, peut-être, mais un chanteur tout de même. On le comprend en le voyant sur scène.
Bref, spectacle charmant! Disons que la branche sur laquelle Elliot Maginot est perché ne donne pas trop envie de partir.
Théo Reinhardt
Blue Moon Marquee Brings transporte son Raspy Gypsy Blues au FIJM
Il était agréable de voir Blue Moon Marquee, un groupe albertain qui a débuté humblement en tant que duo, jouer devant une plus grande foule à la Scène Loto Québec. Ils étaient en compétition avec Vance Joy au même moment, mais les vraies têtes – la foule qui cherchait quelque chose d’un peu plus que du folk générique – ont commencé à grandir de plus en plus. Ce doit être la voix envoûtante et Tom Waits-esque d’A.W. Cardinal, ou la section rythmique, jouée par Jasmine Colette à la basse et à la batterie. Vous avez bien lu. Elle joue des deux et frappe littéralement les cymbales tout en jouant et en chantant. Rien de plus punk rock et DIY que cela. Sans elle, le groupe n’est rien.
Il s’agit généralement d’un groupe de deux musiciens, mais lors de ce concert, ils ont été rejoints par un clavier/orgue de style saloon qui a ajouté une toute autre dimension à la guitare solo bluesy et à la basse qui bat la chamade. Ce groupe est plein d’intensité et son énergie est sauvage et indomptable. Cardinal a terminé son set en chantant sans micro et sa voix rauque a porté jusqu’au fond de la foule. Ne manquez pas d’aller voir Blue Moon Marquee la prochaine fois que vous en aurez l’occasion.
Stephan Boissonneault
Vance Joy charme la foule du FIJM
Un peu plus d’un an après la sortie de son troisième album, In Our Own Sweet Time, l’auteur-compositeur-interprète australien Vance Joy foulait la grande scène du FIJM, en fin de soirée dimanche. Devant une place des festivals pleine à craquer, l’artiste de 35 ans a offert un heureux mélange de titres tirés de ses différents projets, et ce pendant près de 90 minutes. Placé au milieu de la scène, avec sa guitare ou son ukulélé à la main, Vance Joy était accompagné sur scène par différents musiciens, dont une trompettiste et un saxophoniste, procurant davantage de richesse et de profondeur à ses meilleurs succès. Tout sourire, l’Australien a débuté sa prestation avec Missing Piece, un morceau issu de son dernier opus.
À mi-chemin, Vance Joy a enflammé la foule lorsqu’il s’est emparé de son ukulélé pour son titre Saturday Sun pour ensuite ralentir le tempo avec sa ballade We’re Going Home. Lors de cette dernière, les gens amassés devant la scène ont brandi leur lumière, donnant lieu à un superbe moment. Sans équivoque, le moment fort du spectacle a été lorsqu’il a chanté son titre le plus populaire à ce jour, Riptide. C’était l’heure de la fête et la foule s’époumonait en chantant les paroles de la chanson. Alors qu’on croyait que l’interprétation de son plus gros hit signait la fin de sa prestation, l’artiste a surpris tout le monde avec une reprise bien réussie du succès de ABBA, Gimme! Gimme! Gimme!. Force est d’admettre que Vance Joy a su conquérir le cœur de millions d’auditeurs avec sa pop au fil des années, et nous en avons encore eu la preuve hier soir!
Jacob Langlois-Pelletier