UN 10 JUIN AUX FRANCOS: PHILIPPE B, LUJIPEKA, GAB BOUCHARD, ISABELLE BOULAY

par Rédaction PAN M 360

L’équipe de PAN M 360 se fait un plaisir de fourmiller un peu partout aux Francos, dans les recoins évidents et moins évidents, pour le public francophile. Suivez notre couverture!

crédits photos: Victor Diaz-Lamich

Philippe B ravit le studio TD

Samedi soir, 20h. La scène du studio TD est décorée d’un piano à queue, de quelques guitares, de claviers, et de petites concoctions lumineuses ressemblant à des lampes de sel. Dépouillé, simple, mais efficace. C’était un premier concert en six ans pour l’auteur-compositeur-interprète émérite Philippe B, qui vient tout juste de sortir son sixième album Nouvelle administration. Alors, à quoi pouvait-on s’attendre de ce grand retour? C’est ce que l’artiste a lui-même exploré de manière humoristique sur scène entre ses chansons. Allait-il revenir avec un projet techno? Un album instrumental au piano? Que pouvait-il bien faire pendant six ans? Finalement, nous l’avions sous les yeux: on se rend bien vite à l’évidence que le nouveau Philippe B est le même que le vieux, mais avec plus d’années et un enfant sous son aile. Alors « l’artiste préféré de ton artiste préféré » débute la performance avec la chanson titre de son nouvel album, et s’ensuit près de quatre-vingt-dix minutes de moments ravissants, touchants et bouleversants. On le savait déjà, mais voir les textes à tout raser de Philippe B prendre vie devant nos yeux leur accorde le double du poids, même si la livraison est des plus humbles. Avec deux musiciennes et choristes à la basse et aux claviers/synthétiseurs, tous les éléments nécessaires à la magie sont présents, et on a même droit à des surprises, comme un jam (« ou boeuf, comme ils disent en France », dit Philippe B) pour la chanson California Girl. Spectacle frappant, spectacle rare, spectacle mesuré.

Théo Reinhardt

Lujipeka enflamme le Club Soda

A person singing into a microphone
Description automatically generated with low confidence

Cette année, la programmation des Francos propose un bon nombre de rappeurs français et Lucas Taupin, plus connu sous le nom de Lujipeka, est assurément le plus captivant du groupe. Lors du premier samedi de l’édition 2023 du festival, l’ancien membre de Columbine, le collectif Rennais dorénavant inactif qui a connu son lot de son succès de 2014 à 2019, a offert une prestation impeccable au Club Soda. « Luji » a su transporter le public au sein de son univers déjanté et de ses différentes énergies, passant de sons très chargés teintés de pop à d’autres plus légers et introspectifs. Sur scène, l’artiste de 27 ans se démarque grâce à son énergie contagieuse, ses paroles atypiques et son excellente technique.

Le rappeur a débuté en force en interprétant son morceau Éclipse. Alors que le public avait les yeux rivés sur la scène et attendait son entrée, il a eu la grande surprise de voir qu’il débutait sa prestation directement dans la foule. Depuis son départ de Columbine il y a près de quatre ans, Lujipeka a déjà fait paraître trois EPs et son album Montagnes Russes. Il a connu une ascension fulgurante au cours de la dernière année. 

Tout au long de la soirée, le Rennais a proposé un heureux mélange de titres tirés de ses projets solos et les plus grands succès de Columbine tels que Pierre, feuille, papier, ciseaux et Chambre 112, au grand plaisir des gens amassés au Club Soda. Afin d’interpréter leur collaboration Victor Osimhen, la vedette a accueilli sur scène son confrère BEN plg qui venait tout juste de se produire sur la Scène Desjardins dans le cadre des Francos. Lujipeka a conclu sa superbe soirée avec Pas à ma place, son morceau solo le plus populaire à ce jour. Tout au long, la foule a chantonné les paroles du rappeur français, et il est évident que sa musique, autant en tant que membre de Columbine qu’en solo, a su traverser l’Atlantique et charmer le Québec! 

Jacob Langlois-Pelletier

Gab Bouchard transporte la scène Hydro-Québec

À 23h30, c’est l’invité surprise Gab Bouchard qui est attendu par une immense foule de jeunes exaltés. Une prestance scénique, une voix puissante, des musiciens impressionnants, tout était au rendez-vous pour le concert de Grafignes, l’album récent de cet auteur-compositeur-interprète. Les moments doux et lourds s’alternent, l’album étant maintenant bien connu, la foule chante les chansons, et les musiciens se font plaisir à eux et à ceux qui les regardent en s’emportant par voie de leurs instruments. S’il y a un bémol à ce spectacle, c’est bien les niveaux débalancés du son. Trop de basse pour peu de claviers, une guitare lead qu’il fallait chanter pour se la faire entendre, et une voix souvent difficile à distinguer. Mais bon, peut-être ne faut-il pas y être en tant que musicien pointilleux… c’est la joie des festivals, après tout! Les chansons ont été jouées, les ondes sonores envoyées, reçues, et converties en chaleur. Lumineux et revigorant.

Théo Reinhardt

Isabelle Boulay: ne plus rien se refuser

Lorsqu’elle a complété son cycle de chanson consacré à Alain Bashung, Isabelle Boulay s’est enquise à ses fans: “M’aimez vous encore” ? 

C’est dire l’inquiétude légitime de la chanteuse populaire face à ce changement à son répertoire. Ça passe ou ça casse ? 

Entre Luc Plamondon et Jean Fauque, entre Daniel DeShaime et  Alain Bashung, il y a effectivement plus qu’un océan. La distance culturelle est beaucoup plus considérable entre Paris et Montréal qu’entre Bâton Rouge et Matane. Il y avait là pour la chanteuse populaire le risque de créer un schisme malencontreux. Petit risque, somme toute. Car Isabelle Boulay a donné samedi soir le meilleur récital qu’il m’ait été donné d’observer depuis son émergence il y a plus de 3 décennies.

Au Théâtre Maisonneuve, on a certes vu une part de la foule un tantinet perplexe, mais on a vu une autre part de la foule ravie, expressive. Le public d’Isabelle Boulay est plus composite que jamais il ne l’a été: celui de la première ligne, celui qui a aimé la chanteuse de variétés, férue de chanson keb, de country keb, de chanson cajun et autres variantes de l’americana francophone. Samedi soir, on avait affaire à un accompagnement d’exception, plus rock en certains moments, plus compétent sur toute la ligne – Philippe Turcotte (claviers et direction), Olivier Laroche (guitare), Alex Kirouac (batterie), Frédéric Beauséjour (basse et contrebasse), et un gros merci à Jocelyn Tellier (guitares), que l’on peut qualifier de musicien central au sein de cette formation.

Lors d’une séance en studio, je me souviens avoir conversé sur ce paradoxe avec un des principaux réalisateurs de ses albums, nul autre que Benjamin Biolay. Ensemble, nous déplorions discrètement qu’Isabelle n’exprime l’étendue réelle de ses goûts à travers son répertoire. 

Encore aujourd’hui, Isabelle Boulay n’a rien renié de ce qu’elle a accompli une vie durant. Côté Bashung, elle s’est approprié la portion la plus américaine de son répertoire, sauf La nuit je mens, une des plus belles du répertoire bashungien (sinon la plus belle) qu’elle a enrobé d’une réelle américanité. 

En somme, elle assume pleinement son parcours dont la France occupe une part congrue, et ça ne fait certes pas de tort à l’isolationnisme culturel keb franco, dominant et déplorable depuis un demi-siècle. Au tournant de la cinquantaine, Isabelle Boulay a décidé de ne plus rien se refuser et ainsi bonifier une offre chansonnière témoignant de la pleine assomption de ses goûts. Celles et ceux qui s’en plaindront sont d’ores et déjà remplacés par de nouveaux arrivants, contribuant à ce lustre inhérent aux grands interprètes de la chanson francophone.

Alain Brunet

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