C’était une soirée frisquette! Le vent pinçait nos visages. Mais, une fois à l’intérieur de la Cinquième salle de la Place des Arts, c’était les cordes des violons, des altos, des violoncelles et même celles du piano qui étaient pincées, et il y avait beaucoup de chaleur à l’intérieur.
Un programme double audacieux nous attendait : Sources, une suite crée par la pianiste Marianne Trudel en 2016 et Focus, une suite pour cordes et saxophone conçue en 1962 par le compositeur américain Eddie Sauer, interprétée ici par Yannick Rieu. Le liant de ces deux œuvres, c’était l’ensemble à cordes ECO de l’Orchestre national de jazz de Montréal, dirigé par Jean-Nicolas Trottier. Une vingtaine de musiciennes Un programme double audacieux nous attendait : Sources, une suite crée par la pianiste Marianne Trudel en 2016 et Focus, une suite pour cordes et saxophone conçue en 1962 par le compositeur américain Eddie Sauer, interprétée ici par Yannick Rieu. Le liant de ces deux œuvres, c’était l’ensemble à cordes ECO de l’Orchestre national de jazz de Montréal, dirigé par Jean-Nicolas Trottier. Une vingtaine de musiciennes (il y avait un homme, toutefois) aux violons, altos et violoncelles – il y avait un homme, toutefois.
Au delà de l’aspect musical, cette soirée comportait humainement quelque chose de magique. Marianne Trudel avait un besoin impérieux de communiquer avec les spectateurs. Elle a demandé à l’éclairagiste d’allumer les lumières, afin qu’elle puisse nous voir pour nous parler.
C’est ça aussi un concert. Une rencontre.
La suite Sources est dédiée à l’eau, sous toutes ses formes. Ça part du fleuve Saint-Laurent, près duquel Marianne a grandi, jusqu’à la pénurie éventuelle d’eau potable, en passant par la pluie. Une suite musicale liquide, qui en plus de l’ensemble à cordes, mettait en vedette les deux anciens comparses de la pianiste, le percussionniste Patrick Graham et le contrebassiste Étienne Lafrance, qui formaient le groupe jazz Trifolia dans la décennie précédente.
Nous nous sommes donc immergés dans cette musique. Au départ, le dialogue méditatif entre piano et cordes m’a rappelé Arbour Zena, de Keith Jarrett (1979), un néo-classicisme cérébral mais fluide. Petit à petit, des éléments plus jazz, plus dissonants sont apparus. Marianne Trudel a commencé à improviser et elle sait faire. Le travail de Patrick Graham aux percussions très diverses, du tambour autochtone aux mini-cymbales gamelans, est époustouflant de subtilité.
Puis est arrivé un moment magique : quelques membres de l’ensemble à cordes ont délaissé leurs partitions écrites pour plonger dans l’improvisation. J’ai eu des frissons. J’en aurais pris un peu plus – au terme du concert, cependant, nous avons appris que ces improvisations étaient finalement écrites à la manière d’impros. Rusée Marianne!
Nous sommes arrivés à bon port avant de relarguer les amarres pour revoyager en musique avec Focus.
Grâce à la présence dans la salle de l’animateur et écrivain Stanley Péan, nous avons appris que cette pièce a déjà été présentée à Montréal en 2005, dans le cadre du FIJM, par David Sanchez.
D’entrée de jeu, la différence dans les arrangements de cordes par rapport à Sources est frappante. Ici, on est plus dans les pizzicati et les changements rythmiques audacieux.
Cela a déjà été dit, l’américain Eddy Sauter était très inspiré par Béla Bartok (1881-1945) quand il a composé cette suite. La brillance de Sauer est de jumeler cette inspiration du compositeur hongrois, féru de folklore, avec le jazz. Ça donne un jazz de chambre très inspiré et parfumé des ambiances new-yorkaises de Broadway.
Focus a été écrite pour le saxophoniste américain Stan Getz, qui s’est fait connaître pour ses collaborations avec les musiciens brésiliens comme Joao Gilberto. L’idée était de laisser le saxophoniste improviser autour des arrangements de cordes.
L’excellent Yannick Rieu était tout désigné pour prendre la place de Stan Getz. Il s’est totalement approprié l’œuvre à sa façon, aux saxophones ténor et soprano. C’était un Yannick Rieu plus introspectif et moins explosif qu’entendu dans d’autres concerts. C’est la musique qui voulait cela. À un moment toutefois, les cordes se sont tues pour laisser Rieu faire un long solo comme il en a le secret.
Après deux heures de concert, nous étions rassasiés.
Cependant, une chose me turlupine : pourquoi faire une seule représentation de ce concert qui a mobilisé beaucoup de monde et d’énergie?
Je comprends que c’est une musique nichée. Parallèlement à ce concert, il y avait une foule immense qui faisait la queue pour assister au spectacle de Mireille Mathieu à la Salle Wilfrid Pelletier. La Cinquième salle n’était pas à fait pleine mais presque. C’est David contre Goliath.
Mais je souhaite de tout cœur à ces artistes de pouvoir rejouer ensemble. Et de faire croître leur public.