On peut dire que Dominique Poirier, 29 ans, a connu une année impressionnante. L’accordéoniste de jazz d’Oka a remporté la bourse Oscar Peterson 2024 qui, en plus d’un prix en argent, lui a permis de participer à au FIJM cette année. On peut comprendre que cette occasion rende nerveux n’importe quel artiste émergent. Il faut savoir que Poirier a appris à jouer de l’accordéon en autodidacte il y a seulement quatre ans. Personnellement, j’aurais eu la nausée ou envie de consacrer mon temps à quelque chose d’autre.
Heureusement pour nous, Poirier n’a choisi aucune de ces options et a plutôt impressionné en dirigeant un quatuor dans un spectacle d’une heure composé de standards bien arrangés de Billy Strayhorn et de Charles Mingus, ainsi que de compositions intéressantes de lui-même. Le guitariste Ben Gilbert, le bassiste Oscar Robertson et le batteur Shayne Assouline se sont joints à lui sur la scène du Rio Tinto.
La première chose qui m’a frappé, c’est la sonorité unique que le quatuor a obtenue en doublant l’accordéon et la guitare. Poirier et Gilbert ont joué plus d’une fois des mélodies brûlantes note pour note, et d’autres fois à l’octave. Cela a donné une texture épaisse avec un peu d’éclat. Poirier a eu besoin d’environ la moitié d’une chanson pour régler ses doigts, mais une fois qu’il a retrouvé sa dextérité, le reste des mélodies a été joué tout en douceur. En outre, ses solos contenaient un vocabulaire impressionnant et sa composition s’harmonisait bien avec la guitare. Il a manifestement beaucoup pratiqué en quatre ans.
Le reste du groupe était tout aussi impressionnant. Les (touches) noires de Robertson lorsqu’il marche n’auraient pas pu être mieux jouées, même avec un métronome. Son intonation était également solide comme le roc. Les quelques fois où il a eu droit à un solo, les mélodies étaient certainement de bonne qualité, mais la force de ses notions fondamentales était bien plus impressionnante. Un aspect que trop de bassistes négligent malheureusement. L’autre moitié des tâches rythmiques était bien sûr assurée par Shayne Assouline. Il faut dire qu’Assouline a un bon sens du swing et qu’il s’est bien débrouillé tout au long du spectacle, mais il excelle vraiment lorsqu’il joue de façon plus moderne (ce qui n’est pas surprenant quand on sait qu’il a participé à des centaines de jams au Turbo Haus). Malheureusement, seule une chanson à la fin du spectacle a permis à Assouline de montrer ses talents en matière de hip-hop. Il s’agit là d’un petit reproche par rapport à l’ensemble du spectacle.
L’utilisation de partitions sur scène constitue un problème plus important selon moi. Bien qu’elles soient utiles pour rappeler à un musicien la forme d’un morceau ou un passage particulièrement délicat, leur utilisation excessive peut entraîner une rupture entre le public et l’interprète. Le soliste le plus fort du groupe, Ben Gilbert, a présenté des lignes de qualité supérieure qui ont été quelque peu diminuées par le fait que son regard était fermement fixé sur ses feuilles de musique. Poirier a même regardé plusieurs fois dans la direction de Gilbert, sentant clairement la force de ses solos, mais le nez de Gilbert était pratiquement collé à son iPad.
La soirée s’est avérée fructueuse pour Poirier, quoi qu’il en soit, et je suis sûr que cette formation réglera les détails les plus fins si elle continue à jouer ensemble. Poirier s’est révélé être un arrangeur et un compositeur talentueux, en plus d’être un musicien compétent, usant d’un instrument très spécialisé. Je me demande ce dont il sera capable dans quatre ans ! Je suivrai cela de près.