free jazz

Suoni: retour sur Luke Stewart + Tcheser Holmes + Aquiles Navarro + Keir Neuringer + Nicolas Caloia + skin tone + Geneviève Gauthier + Jason « Blackbird » Selman + Charlotte Layec + Dave Rempis + Tashi Dorji + Eric Hove

par Alain Brunet

Un festival international peut désormais avoir plusieurs dimensions, tant les réseaux culturels se sont multipliés de manière exponentielle au cours des dernières décennies. Les Suoni Per Il Popolo s’inscrivent dans cette réalité et on pouvait l’observer cette semaine à la Sala Rossa et la Casa del Popolo, notamment avec cette rencontre entre musiciens de Philadelphie et de Montréal, réunis sur une même scène. 

La soirée de lundi a commencé par une mauvaise nouvelle : Moor Mother, l’artiste la plus connue de l’aréopage from Philly, avait pris un vol qui s’est mal terminé car son avion a dû rebrousser chemin à cause d’un passager en crise. Moor Mother devait remettre ça au lendemain mardi et a finalement annulé son engagement. Ce fut donc l’occasion de découvrir ses collègues afro-américains, réunis sous la bannière du collectif Irreversible Entanglements (enchevêtrements irréversibles).

Luke Stewart (contrebasse), Tcheser Holmes (batterie), Aquiles Navarro (trompette, électronique),  Keir Neuringuer (saxophones alto + soprano , électronique), auxquels se sont  joints les Montréalais.e.s Geneviève Gauthier (sax alto),  Nicola Caloia (contrebasse), skin tone (mbira, électroniques, saxo), Jason « Blackbird » Selman (poésie et trompette) et Kim Zombik (chant).

La soirée s’est construite sur une série d’interventions typiquement free jazz, à géométrie variable. Saxo solo d’Aquiles Navarro, puis de contrebasse-voix-poésie (Caloia, Zombik, Selman), le tout entrelardé de mbira (instrument à lamelles de métal que certains nomment le piano africain), après quoi les artistes de MTL et Philly se sont progressivement mélangés jusqu’à ce que le quartette Irreversible Entanglements puisse conclure la soirée, ce qui fut également le cas le lendemain mardi.

À celles et ceux qui prêtent au free-jazz une forme redondante impliquant des techniques limitées de la part de leurs interprètes, sachez que la haute virtuosité est aussi au rendez-vous, plusieurs excellents musiciens de jazz plus conservateur s’investissent aussi dans l’improvisation libre. L’excellente saxophoniste Geneviève Gauthier, par exemple, brille dans plusieurs contextes différents, dont l’improvisation libre et (surtout) atonale. 

Le quatuor de Philadelphie, pour sa part, ne s’en tient pas aux formes convenues de free jazz, y greffant des grooves polyrythmiques, typiques du jazz contemporain ou carrément jazz-fusion, ce qui diffère considérablement de l’approche « swing déconstruit » des générations précédentes. L’influx de musiques électroniques via claviers, ordinateurs et autres technologies de pointe confère de nouvelles couleurs à l’improvisation libre. Assurément, la nouvelle génération de musiciens improvisateurs aborde le free-jazz en y enrichissant le discours de composantes typiques de la lutherie de 2024.

Autre observation faite le lendemain mardi à la sala Rossa, à la suite de la projection d’un concert groove mené par le saxophoniste Eric Hove et tourné dans la Biosphère du parc Jean-Drapeau, la mélodie et la tonalité/modalité ne sont pas exclues du discours soi-disant free, on l’a observé et savouré durant le duo que forment la chanteuse inspirée Kim Zombic et le contrebassiste Nicola Caloia, le meilleur du genre à Montréal depuis l’époque (de plus en plus lointaine) du tandem Michel Donato/Karen Young. 

On a observé de nouveau cette approche hybride  jeudi soir à la Casa Del Popolo, alors que la clarinette basse de la Montréalaise Charlotte Layec juxtaposait son jeu en temps réel avec une série d’enregistrements filtrés et recomposés de musiques surtout folkloriques. C’était aussi observable avec le duo mettant aux prises le saxophoniste de Chicago(alto et soprano) Dave Rempis et du guitariste Tashi Dorji, originaire du Bhoutan et installé à Asheville,Caroline du Nord. Si le jeu du saxophoniste, fort bon au demeurant, ne nous a pas appris grand-chose du vocabulaire free tel qu’on l’imagine, le jeu de Dorji s’est avéré fort singulier pour ses explorations de saturation, son approche percussive et autre recherches texturales via un vaste assortiment de pédales d’effets.

Reste à souhaiter que cette approche hybride saura trouver des publics moins confidentiels  et galvaniser les jazzophiles à une plus grande échelle.

Chanson francophone / indie pop / indie rock / prog

Philippe Brach aux Francos : party caniculaire sur la Place des Festivals

par Alain Brunet

En ce mercredi 19 juin aux Francos, Philippe Brach n’en était pas à son premier événement majeur sur la Place des Festivals; il a déjà fait l’expérience d’un public de masse et ça paraissait en ce soir de canicule, devant un parterre bien garni – quoiqu’un peu moins en fin de prestation.

Arborant une tunique d’inspiration hippie et psychédélique,  ainsi qu’un chapeau pour le moins spectaculaire, sorte de design composite inspiré des couvre-chefs de Jean Leloup, de Pharell Williams ou du Grand Schtroumph, l’artiste keb a offert un spectacle un tantinet hirsute, ébouriffé, néanmoins efficace malgré les poils qui dépassaient de tous bords tous côtés. 

Ses acolytes réunis en formation pop-rock (et non pop orchestrale comme c’est souvent le cas dans ses enregistrements), Gabriel Desjardins (claviers, direction musicale, arrangements), Marie-Anne Tessier (percussions), Simon Trottier (Fender Jaguar), Guillaume Bourque (guitares), Lisandre Bourdages (batterie) et Étienne Dupré (basse) ont bellement servi les chansons de leur employeur, dont celles tirées de son plus récent album paru l’an dernier, Les gens qu’on aime- Last call, Soleils d’automne, Tic tac, Un peu de magie, Révolution, ou OK Canada,  reprise hallucinogène et réharmonisée de l’hymne canadien. Encore en 2024, on carbure encore à ce type d’insolence, autre preuve que la question nationale est encore loin d’être réglée… Ben coudon.

En bon Keb tributaire de notre culture prog rock, post rock ou même métal,  notre hôte a fait une belle place sur scène au groupe Population II, dont parle PAN M 360 avec un enthousiasme consommé depuis quelques années déjà. Les fans de rock plus exigeants étaient ravis, inutile de le souligner, devant l’interprétation musclée de leur pièce C.Q.T.S. Dans un autre ordre d’idée et de divertissement, Lisa LeBlanc s’est aussi présentée sur scène aux côtés de Brach, Gibson SG en bandoulière, pour une version adaptée de Gossip, tirée de son excellent Chiac Disco.

Le reste du répertoire au programme, vous vous en doutez bien, était constitué  de chansons connues La peur est avalanche, Nos bleus désir, Né pour être sauvage, Le bonheur tousse moins qu’avant, Alice, Héroïne, C’est tout oublié, Mes mains blanches, Dans ma tête et Bonne journée, écrite il y a 9 ans et qui évoque une pluie de cendres sur Gaza, question de conclure sur un contraste frappant entre la tragédie moyen-orientale et cette température exceptionnellement chaude et clémente dont bénéficient  les Francos de MTL. Comme si de rien n’était…

Chanson francophone

Hommage à l’ami JP aux Francos… Écoute ça !

par Claude André

Sous la houlette d’Ariane Moffatt qui assurait la direction artistique et faisait office de maître de cérémonie, onze musiciens et choristes en plus plusieurs interprètes ont offert un hommage à celui qui nous a quittés le 27 avril dernier. 

Arrivé pendant la reprise de Je reviens chez nous  (hélas, votre serviteur n’a pas le don d’ubiquité) interprété par l’omniprésent Louis-Jean Cormier ainsi que Marie-Pierre Arthur, François Lafontaine et Ariane Moffatt, votre serviteur a ressenti tout de go l’ambiance des grands soirs. 

Avec 11 musiciens sur scène, et une pléiade d’interprètes, les Francos n’ont pas été chiches ! Sous le ciel immense et parmi de nombreux projecteurs, l’humoriste et chanteur Adib Alkhalidey tout vêtu de jaune en guise de flash à l’album mythique de Ferland, considéré par plusieurs comme le plus important du corpus québécois, nous a livré, ému, un témoignage qui nous a rappelé, en sa qualité d’enfant de l’immigration, à quel point Ferland a su lui insuffler une âme québécoise à travers son œuvre. Un artiste, a-t-il dit en substance, que même s’il ne connaissait pas personnellement, il a toujours eu l’impression de le connaître. Comme quoi l’art peut aussi servir à cela!

Moment jubilatoire :  la reprise de Le chat du café des artistes par Karkwa, Martha Wainwright et d’autres, dont un cœur situé sur une plateforme au milieu de la foule (bon flash). Lequel était composé de Ariane Roy, Thierry Larose, Lou-Adriane Cassidy, Soleil Launière et Marie-Denise  Pelletier qui avait chanté, plus tôt, Un peu plus haut un peu plus loin.

Comme il l’avait déjà fait avec Ferland qui n’en croyait ni ses yeux ni ses oreilles, Hubert Lenoir, accompagné de Karwka, nous a livré une version rock et endiablé de Si on s’y mettait. L’artiste de Québec, qui n’est pas trop sorteux ces temps-ci, a -t-il dit, ne pouvait rater cet hommage à un visionnaire qui lui a tant apporté musicalement. Par son charisme, sa fougue irradiante et son attitude frondeuse, Lenoir est dans une classe à part.  Il nous semble évident qu’une carrière à l’échelle internationale l’attend. Puis, avec Karkwa et consort, il nous a  rappelé de façon rock et extatique que God Is An American
L’hommage au Petit Roi, qui a aussi été ponctué de la grandiose La Musique, Le Petit roi, et autres Écoute pas ça, s’est terminé par Une chance qu’on s’a et Le soleil emmène au soleil. Clin d’œil sympa compte tenu de la chaleur accablante.

Crédit photo: victordiazlamich & rousseaufoto pour les Francos

Chanson francophone

Daniel Boucher, sérénité flamboyante

par Claude André

De retour aux Francos après plusieurs années d’absence, c’est un « bummer funambule », serein et porteur d’une énergie souriante et contagieuse qui, le mardi 18 juin, nous a montré de quel bois il se chauffe toujours.

« Choisir d’aller vivre en Gaspésie est la meilleure décision que j’ai prise dans ma vie », m’avait lancé Daniel Boucher lors d’une conversation téléphonique il y a quelques années. « Pourquoi? » « Parce que je suis heureux, man! »

Et ça paraît !

Enthousiaste, souriant, efficace jeu de pieds, celui qui a parfois été l’un des enfants terribles de notre showbizz a retrouvé son public dans une Cinquième Salle de la Place des Arts qui avait des allures de party de famille, tant la complicité avec ses fans était palpable. « On s’est ennuyé, han? » Moment de gratitude pour celui qui, à une autre époque, a connu des passes difficiles comme il l’a rappelé avant d’entamer la pièce Aidez-moi.

Dans une forme splendide, l’artiste qui s’accompagnait seul avec une guitare électrique et quelques pédales, a d’emblée planté son univers en y allant d’un poème bien senti, dont certaines lignes plairaient sans doute au poète Patrice Desbiens. Ce qui nous a rappelé, mais on le savait déjà, à quel point il est un excellent guitariste doublé d’une bête de scène fascinante. Et, à moins que ce ne soit une hallucination, même sa voix ne nous a jamais parue aussi efficace, juste et puissante, notamment dans le registre aigu.

Puis, il a distillé ses tubes pour le plus grand bonheur de tous : Le poète des temps gris, Sympathique colley (un morceau qui aurait pu être écrit par Réjean Ducharme), Boules à mites, Le vent soufflait mes pellicules et Chez nous, dont la finale s’est transformée en refrain indépendantiste accrocheur. Puis, juste avant le rappel, ce fut La désise pendant laquelle une vingtaine de spectateurs (dont Biz de Loco Locass en fan parmi d’autres) sont montés sur scène pour effectuer la chorégraphie inhérente à la pièce et reprendre à l’unisson le refrain qui l’a rendu populaire au siècle dernier « Ma gang de malades, vous êtes donc oùùùùùùùù? ».

Si nous pensions au départ ne rester qu’une heure, en raison d’un conflit d’horaire avec l’hommage à Ferland de l’autre côté de la salle, le charisme et la fougue contagieuse de Boucher nous auront scotchés à notre fauteuil pendant un peu plus de deux heures.

Car ce n’est pas le moindre talent du Gaspésien d’adoption que nous rendre heureux et de nous faire rire, ce dont il a le don. Notamment lorsqu’il se paya gentiment la tête de Vincent Vallières, son ancien co-chambreur pendant un atelier de chansons chez Gilles Vigneault. Lequel Vallières jouait d’ailleurs audit hommage à Ferland en même temps à un jet de pierre.

C’est en partageant des anecdotes liées à ces séances d’écriture que Boucher nous a présenté Les gâteaux de fête, un morceau touchant écrit juste après avoir reçu de sa blonde la photo d’une échographie lui annonçant qu’il serait de nouveau papa.

Maintenant que l’heure de la rédemption a sonné, il faut impérativement qu’un producteur permette qu’on retrouve l’artiste avec une formation complète devant une foule immense. Car, comme il l’a rappelé hier, Boucher demeure l’un des plus beaux fleurons du corpus de la chanson d’ici.

Crédit photo : Victor Diaz Lamich pour les Francos

Chanson francophone / folk / pop

Aliocha Schneider aux Francos | Paysage de la Grèce, chaleur de Montréal

par Jacob Langlois-Pelletier

Mardi soir, l’auteur-compositeur-interprète et acteur franco-canadien, Aliocha Schneider, a transformé le Club Soda en une immense plage ensoleillée, où il fait bon vivre et tout est si simple. De retour pour quelques jours d’une série de spectacles en France, l’artiste de 30 ans a eu droit à un accueil des plus chaleureux lors de cette première de deux soirées aux Francos.

Après une première partie assurée par la talentueuse Rosie Valland, c’est au tour du principal intéressé de monter sur scène. Pour débuter, il s’amène seul, guitare à la main, puis présente Flash in the Pan, morceau provenant de son premier EP Sorry Eyes paru en 2016. Toutes les lumières sont rivées vers lui et la salle est plongée dans l’obscurité; on saisit tout de suite l’ambiance intimiste que souhaite y installer le chanteur.

« Il y a un an, je n’aurais jamais pensé avoir un Club Soda rempli devant moi. J’ai l’impression que c’est le début de quelque chose entre nous, et j’aime ça », dit-il avant de lancer les premières notes de Suspendus, la deuxième de la soirée.

Si Aliocha nous a transportés sur le bord de la mer aux Francos, il s’agit probablement aux abords de la Méditerranée en Grèce, là où il a écrit la plupart des titres de son album homonyme paru en septembre dernier, son troisième en carrière et premier en français. C’est d’ailleurs en majorité du matériel issu de son plus récent projet qu’il a offert à son public, allant de la superbe ballade pop L’Océan des Amoureux à Mexico, un air de bossa nova servant de fermeture à son dernier projet.

Outre les premiers instants de la soirée, Schneider est accompagné d’arrangements simples, mais efficaces de son band formé d’un claviériste, un bassiste et un batteur. Sur scène, le protégé de Jean Leloup est décontracté, authentique et multiplie les interventions avec le public.

La superbe réception de la foule est une énième preuve du lien particulier qu’entretiennent Aliocha et le public québécois. Pour plusieurs, la série télé québécoise Tactik a été leur première rencontre avec l’artiste, lui qui incarnait le personnage du jeune footballeur Carl Bresson. Au fil des années, le Québec l’a vu grandir sous ses yeux, autant en tant qu’acteur que musicien. Ce sentiment de voir un proche s’épanouir et trouver sa voie, c’est ce qui rend cette relation si spécial.

Après l’enfilade de morceaux Julia et Avant Elle, le parolier quitte la scène pour y revenir avec une invitée surprise, son amoureuse Charlotte Cardin. Il n’en fallait pas plus pour que la foule explose et se fasse plus bruyante que jamais. Après une excellente reprise de Rêver Mieux de Daniel Bélanger, les deux tourtereaux ont interprété, Ensemble, chanson abordant les difficultés des relations à distance, plus particulièrement de la leur. Ils s’échangent les regards et leur amour est contagieux; impossible de demander de mieux qu’un tel moment pour clore cette soirée.

Vers la fin mai sur ses réseaux sociaux, Aliocha Schneider annonçait que son spectacle prévu décembre prochain au mythique Olympia à Paris était déjà complet. Pas surprenant que sa pop langoureuse connaisse un tel succès en Europe; sa poésie est bien ficelée et rien n’y est laissé au hasard. Chapeau à lui pour cette transition francophone réussie.

Crédit photo : gracieuseté de Ludovic Rolland-Marcotte, @ludovicphotographie

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expérimental / contemporain

Suoni, un 17 juin | Réverbérations, voix et réflexions multiples

par Michel Labrecque

En ce début de canicule montréalaise, le festival Suoni Per Il  Popolo nous offrait un concert intriguant à la Sala Rossa…avec l’air climatisé.

Cette triple affiche était étonnamment complémentaire : un jeune Kanien’keháka / Mohawk en quête d’identité contemporaine, une artiste multidisciplinaire en recherche ancestrale et une musicienne poète qui tente de gérer ses voix multiples.

Kahero:ton a ouvert ce bal expérimental, en compagnie du guitariste Grim Beverage. Nous sommes plongés dans un océan de réverbération, avec guitare, basse et synthétiseur. On entend aussi de nombreux extraits d’entrevues évoquant les crises antérieures vécues par les communautés Kanien’keháka / Mohawks du Québec et de l’Ontario. 

On sent que Kahero: ton cherche une voix plus expérimentale et contemporaine pour exprimer ses identités. Tout n’est pas forcément au point encore, mais on peut présumer que, d’ici peu, l’artiste, claviériste et bassiste arrivera avec une création plus affinée. A suivre.

En seconde partie, la musicienne, chanteuse et artiste multidisciplinaire montréalaise Sarah Rossy s’est présentée seule sur scène, avec une valise. C’était le point de départ d’un voyage à la recherche de ses ancêtres. Sarah est d’origine libanaise par sa mère et, avec cette performance, elle explore de façon métaphorique la venue de certaines communautés ici.

Pour l’accompagner, il y a une magnifique bande sonore, conçue par Sarah, avec des voix, des claviers et de multiples ambiances sonores incarnant le voyage. Elle chante aussi en direct, danse mime, parle. S’ajoutent des éléments visuels, créés aussi par la dame. 

Ce spectacle tranche radicalement avec les récentes sorties discographiques de Sarah Rossy, notamment Seemingly Insatiable Waves et The Conclusion, qui étaient plus proche du jazz et du folk éthéré. Ici, Sarah affiche davantage ses influences arabes. Elle n’a jamais caché la grande influence de la chanteuse Fairuz.

Tout ceci donne un spectacle franchement interpellant. La voix de Sarah Rossy est riche et polyvalente. L’assemblage sonore et visuel est complexe et touchant. L’artiste nous montre une fois de plus l’étendue de son talent et sa grande versatilité artistique.  

Sarah a été mon coup de cœur de ce concert. 

Pour clore la soirée en beauté, la suédoise montréalaise Erika Angell a offert sur scène une grande partie de son premier album solo, The Obsession With Her Voice, paru en mars. 

Entourée d’une batterie de machines diverses, séquenceurs, synthés, pédales d’effets, Erica nous a fait vivre dans un dialogue à l’infini entre ses voix et ses instruments. Les machines multiplient le son de ses voix transformées par les machines. Le son d’une clochette se réverbère à l’infini. La symbiose entre la femme et les machines fonctionne. 

Puis, arrive une autre femme, la batteuse fabuleuse Millie Hong, bien connue du milieu alternatif et jazz montréalais. Se produit alors une nouvelle symbiose à trois. Millie Hong, qui était présente discrètement dans An Obsession With Her Voice, s’éclate à fond sur scène, improvise autour de la voix d’Erika et des harmonisations générées par des machines. Parfois, on frôle le délire, puis l’apaisement revient. 

En toile de fond, si vous me permettez le jeu de mots, on trouve les œuvres visuelles de l’artiste Maxime Corbeil-Perron. 

En bref, ce fut une soirée musicale torride et fascinante, qui montre une fois de plus la grande pluralité du tenant musical montréalais.

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comédie musicale

Lili St-Cyr et les folles nuits de Montréal

par Claude André

Une comédie musicale rend hommage à la célèbre effeuilleuse, qui a contribué à la légende du  Red Light  montréalais. À l’affiche jusqu’au 22 juin au TNM.

Le Grand Prix de F1, qui s’est récemment déroulé à Montréal, et les divers débats entourant la prostitution généralisée en périphérie de cet événement, nous a rappelé que la ville des cônes orange fut aussi la Sodome et Gomorrhe de l’Amérique du Nord.

Cela ne date pas d’hier. Déjà, dans les années 1940, la « ville ouverte » qu’était la cité « aux 100 péchés » attirait son lot de noceurs et autres soiffards lubriques en raison, notamment, de l’absence de prohibition.

Parmi les acteurs de cette époque légendaire où les cabarets et les lupanars foisonnaient, la célèbre Lili St-Cyr a laissé une marque indélébile.

C’est son arrivée au Théâtre Gayety, avec en toile de fond une campagne électorale axée autour des bonnes mœurs, que raconte la comédie musicale dont le livret a été écrit par Mélissa Cardona, sur une musique signée Kevin Houle et une mise en scène de Benoît Landy, qui n’est pas sans rappeler le célèbre échafaudage de la représentation télévisuelle de la pièce Jailhouse Rock d’Elvis.

La trame de Lili St-Cyr, interprétée avec brio par Marie-Pier Labrecque, suit la formule inhérente à ce genre de spectacle qui a aussi des airs de théâtre d’été dans certaines répliques bon enfant et un ton plutôt badin.

Côté musical, notons les très belles voix de Kathleen Fortin (Jessie Fisher) et de Lunou Zucchini (Sophie Leblanc) qui ont su livrer des textes pertinents, mais manquant parfois de finesse, notamment dans les piétages et la quasi-absence de métaphores poétiques.

Au point qu’on peut parfois se demander ce qu’un Plamondon aurait pu écrire dans ce contexte? Ou un Jean-Pierre Ferland, qui avoua un jour avoir été un fan de la célèbre artiste de variétés.

Les musiques s’avèrent elles aussi très convenues et, disons-le, on est loin d’être ici au théâtre expérimental. Notamment la pièce blues, plus ou moins réussie, et une ballade à la guitare parfois « malaisante ».

Quant à la mise en scène, elle s’avère parfois très efficace (les gérants de clubs qui parlent à la même téléphoniste pour rejoindre la vedette aux États-Unis), tandis que certaines scènes peuvent paraître inutiles, comme celle au Forum de Montréal.

Un bon spectacle néanmoins, dont certains boulons mériteraient d’être resserrés tandis qu’une vingtaine de minutes de cette représentation de 2 h 25 avec entracte pourrait aisément être retranchée.

On se dit aussi que pour le numéro d’effeuillage, qui devrait être l’élément culminant de ce spectacle consacré à l’une des plus légendaires effeuilleuses, il est dommage qu’on en soit resté à une formule si peu audacieuse. Surtout qu’il s’agit de rendre hommage à une artiste qui, elle, ne manquait pas d’audace.

Avec Maxime Dénommée, Kathleen Fortin, Roger La Rue, Marie-Pier Labrecque, Lunou Zucchini et Stéphane Brulotte.

chanson / rock

Des filles qui rockent

par Claude André

À quelques jours de la fête nationale du Québec, c’est l’avenir de la chanson d’expression française nord-américaine qui a déployé sa superbe hier soir au MTELUS avec le super trio Le Roy, la Rose et le Lou(p).

Après une première partie assurée par la courageuse Arielle Soucy et ses deux acolytes – hélas, quasiment inaudible du fond de la salle pendant les premières chansons –, c’est dans un ancien Métropolis chargé à bloc que s’est levé le rideau devant les trois récipiendaires du prix Félix-Leclerc de la chanson que sont Ariane Roy (révélation de l’année à l’Adisq 2022), Thierry Larose (deux fois finaliste du prix Polaris) et Lou-Adriane Cassidy (« coup de cœur » de l’Académie Charles-Cros en 2020).

Chacun assis sur un tabouret et guitare acoustique en mains – Le Roy au milieu, le Lou(p) à sa gauche et la Rose à sa droite –, les trois complices de 26 ans ont à tour de rôle interprété des chansons de leur répertoire dans une harmonie de voix qui n’était pas sans rappeler un célèbre quatuor anglais de Liverpool…

Le garçon du trio arborait d’ailleurs une veste sortie tout droit de l’époque Sgt. Pepper’s, l’un des nombreux clins d’œil souriants pour l’observateur quinqua qui écrit ses lignes.

À l’image du titre de ce happening triomphant, créé en 2022, qui fait référence au spectacle-culte J’ai vu le loup, le renard et le lion lequel avait réuni Robert Charlebois, Félix Leclerc et Gilles Vigneault à la Superfrancofête de Québec en août 1974.

Cependant, et contrairement à cette épique époque, il y a cette fois deux filles en tête d’affiche, dont les textes et refrains accrocheurs dégoupillent allègrement des thématiques intemporelles, comme le doute et l’insécurité, mais aussi une certaine confiance rebelle et un esprit frondeur mêlé de sensualité rock et de fougue déjantée.

Si Ariane fait penser à PJ Harvey, Lou – qui se démunit davantage de ses guitares que ses acolytes –, exulte, sautille, virevolte et se démène sur scène d’une façon qui ne déplairait pas à un Iggy Pop ou une Muriel Moreno (Niagara).

Parlant de refrains accrocheurs et de changement d’époque, il était réjouissant de constater qu’au parterre, pendant le rappel, des jeunes hommes chantaient à tue-tête un refrain de Fille à porter  (“ voudrais me croire amoureuse/Je ne serais plus une fille à portée de main”), juste après la touchante interprétation du tube « Ça va, ça va » par le Lou (p).

Avec une dizaine de musiciens sur scène, des allers-retours entre indie pop, folk et chansons ponctuées de solos de guitare pinkfloydesques, de passes musicales à la Pearl Jam et autres refrains à la Niagara, le spectacle s’est terminé par la remise du prix Félix-Leclerc de la chanson 2024 à Lou-Adriane Cassidy.

C’est une jeunesse ravie, enthousiaste et émue qui a quitté la vénérable salle de la rue Sainte-Catherine sous le regard d’un membre de la génération X, à la fois nostalgique et rassuré quant à la pérennité de la culture musicale d’ici en cette ère de postmodernité.

hip-hop

Yamê aux Francos de Montréal: un pari réussi !

par Sandra Gasana

Arrive sur scène celui que tout le monde attend, Yamê !!! Vêtu de rouge de la tête au pied, un pull sans manche et un pantalon en cuir, on entend d’abord des chœurs mais sans choristes sur la scène. Ensuite, sa voix résonne seule, puis elle est accompagnée par son clavier, également de couleur rouge.

Il ouvre le bal avec son tube Ayo Mba, que toute la salle connaît par cœur. D’abord juste avec le clavier, puis la batterie de Daryl embarque quelques minutes après. Le public est déjà en feu alors que nous ne sommes qu’au premier morceau. Les applaudissements semblent interminables. 

Il s’éloigne de son clavier le temps de la chanson Lowkey  et se met plus à l’aise pour danser en chantant, avec les influences africaines dans cette chanson.

Avant de jouer un morceau, il fait du storytelling afin d’expliquer le contexte et tente de le faire avec des anecdotes marrantes. 

« Je sais pas à Montréal comment ça se passe, mais à Paris, y a un truc que je kiffe quand même, ce sont les jam sessions », avant de jouer quelques notes au piano pour introduire ses musiciens, Romain et Daryl, et expliquer le concept des jam sessions. Et sans transition, il poursuit avec Business dans lequel il fait chanter l’audience. 
L’énergie monte considérablement lorsqu’il chante les premières notes de Call of Valhalla, que ma voisine dans la soixantaine connaissait par cœur. Il quitte de nouveau son clavier pour sauter sur scène devant un public en feu. « D’habitude on est plus nombreux sur scène mais à cause des billets d’avion et tout, on n’est pas aussi nombreux », confie-t-il, ce qui explique les voix des choristes qui ont été enregistrées pour combler leurs absences.

Il s’amuse avec son batteur en improvisant des sons devant lui, qu’il reprend à la batterie, le tout en s’éclatant et en rigolant.
« Tous les projets d’Elowi ont commencé avec un piano-voix », nous apprend-il, avant de nous feinter avec une reprise de Isn’t she lovely, qu’il abrège tout de suite en avouant qu’il ne connaît pas les paroles. Le public est mort de rire. Et il opte plutôt pour Kodjo, qu’il interrompt en plein milieu pour raconter une blague, et poursuivre comme si de rien était. On voit bien dans son show l’influence de l’improvisation, rien n’est coulé dans le béton, tout est malléable.

Autre moment fort du spectacle, sa reprise inégalable de La Bohème, de Charles Aznavour, que tout le monde chante, sans exception. 

Il poursuit avec La Maille, seul au piano, puis avec ses musiciens qui prennent le relai pour Carré d’as, sur lequel il s’éclate sur scène. Cela lui a valu de longs applaudissements. « Je crois qu’ils sont très chauds là », dit-il au batteur.

L’apothéose du show était bien entendu durant Bécane, et encore une fois, on avait l’impression que la salle s’était transformée en grosse chorale, malgré l’absence des choristes. Il a profité de ce moment pour enchainer avec Bahwai pour garder le momentum, avec quelques pauses de batterie par moments. « Il m’a dit que le solo était trop long. Bon, c’était la dernière, ça va, fallait bien qu’on s’amuse un peu ! », ajoute-t-il en parlant de son musicien.

Belle façon de clôturer que d’avoir choisi Quête, qui ramène la touche afro à son concert et sur lequel le public s’est lâché. Bien sûr, on a eu droit à un petit rappel, Bécane, dans une version quelque peu différente de la première. « Merci Montréal d’être venu ce soir », conclut-il.
Avant de partir, j’ai dû demander à ma voisine dans la soixantaine comment elle avait entendu parler de Yamê. « C’est mon fils qui m’a fait découvrir cet artiste, et comme j’ai une moto, à chaque fois que je suis dessus, je mets la musique de Yamê à fond, surtout Bécane », me confie-t-elle. C’est ça Yamê, du plus jeune enfant aux grands-parents, tout le monde y trouve son compte.

C’est la chanteuse française Anaïs Mva qui a assuré la première partie du concert de Yamê aux Francos de Montréal, accompagnée uniquement de son guitariste. Très timide, elle interagissait furtivement avec le public, valsant entre des morceaux mélancoliques, comme Corps inerte et de la pop à la française. « Je suis contente d’être avec vous. On m’avait dit que vous étiez sympas mais là, je le vois en vrai », constate-t-elle.

Elle fait une reprise originale de Hey Ya!, d’Outkast, et invite le public à chanter avec elle. Elle termine avec la chanson XS, qui fait référence aux standards de beauté et les pressions que ça engendre sur les filles.

Photo gracieuseté des Francos

classique

Festival Classica |Un heureux Meslanges pour une fin d’édition en contraste

par Alexandre Villemaire

Le dimanche 16 juin se concluait la quatorzième édition du Festival Classica, dans le cadre intimiste du Foyer Saint-Antoine à Longueuil. C’est l’ensemble vocal à géométrie variable Meslanges qui est venu clore cette saison. En tout  23 programmes ont été présentés dans 6 villes, dont Longueuil, Boucherville, Saint-Bruno-de-Montarville, Brossard, Saint-Lambert et Montréal, mettant de l’avant le talent de différents artistes d’ici dans des projets qui sortent du cadre habituel et de l’ordinaire. Encore une fois cette année, le Festival Classica a effectivement proposé au public une programmation éclectique allant de la musique française en passant par le tango, le rock et le conte musical.

Co-fondé et dirigé par la soprano Marie Magistry, le quatuor vocal a cappella comprenant, en plus d’elle-même, la mezzo-soprano Marie-Andrée Mathieu, le ténor canadien d’origine libano-palestinienne Haitham Haidar et la basse William Kraushaar, a offert une mosaïque de la chanson française de la Renaissance à aujourd’hui où dominaient les thèmes de l’amour et de la nature.

Le concert était divisé en deux parties. La première comprenait essentiellement un éventail de chants de la Renaissance avec en toile de fond différents textes tirés du recueil de poésie Les Amours de Pierre de Ronsard. Bonjour mon cœur et Mignonne, allons voir si la rose étaient du lot. Parmi les morceaux les plus costauds du programme, nous pouvions notamment relever les Six chansons de Paul Hindemith, Le chant des oyseaulx de Clément Janequin et les deux extraits des Trois chansons de Maurice Ravel (Nicolette; Ronde).

Typique de la chanson parisienne, Le chant des oyseaulx fait usage de différentes onomatopées pour illustrer de manière idiomatique les multiples vocalisations de ceux-ci. Cette gymnastique vocale (et labiale!) exige une grande maîtrise, un certain abandon à la forme et à une certaine dérision. Quand le discours musical est saturé par des « fa-ri-ra; ty-py-ty; chou; thou-y thou; tu; frian; trr; huit » et autre, on ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire face à cette « cacophonie » organisée et pleine d’humour.

De forme plus statique et moins imitative, les défis des Six chansons de Hindemith résident dans leur harmonie serrée, truffée de chromatisme et d’intervalles ouverts, aux couleurs particulières. Pour les pièces de Hindemith notamment, c’est le type de pièce où chaque ligne vocale, prise individuellement, est relativement simple, mais lorsque mises en relation avec d’autres, provoque un résultat qui est souvent déstabilisant et rend difficile le maintien de sa propre conduite de voix. Les quatre chanteurs ont offert pour ce difficile cycle de huit minutes, une performance solide et assurée, passant avec aisance d’un numéro à l’autre dans un flot presque ininterrompu. Les deux extraits des chansons de Ravel étaient dans le même esprit avec l’utilisation d’harmonies étendues colorées.

La deuxième partie a été marquée par cette même thématique de l’amour et de la nature avec entre autres la fameuse pavane de Thoinot Arbeau, Belle qui tient ma vie, Milles regretz de Josquin Després et deux extraits des Chansons françaises de Francis Poulenc. Nos pièces coup de cœur de cette seconde partie ont été les Deux chansons op.68 de Camille Saint-Saëns. Calme des nuits  avec ses harmonies lumineuses et éthérées a apporté un moment de plénitude que Les fleurs et les arbres est venu contraster par son ton léger.

Comme son nom l’indique, les quatre voix se « mélangent » à merveille. Chacun des interprètes joue son rôle sans prendre le dessus sur les autres et fait ressortir sa voix quand le moment est opportun dans le discours, que ce soit la voix cristalline de Marie Magistry en passant par le son riche et boisé de William Kraushaar complémenter par l’agilité, la rondeur et l’éclat des voix de Marie-Andrée Mathieu et Haitham Haidar. Leur communication et leur sens du jeu transmettent un plaisir qu’il est important de souligner dans cette performance.

On ne tiendra pas rigueur aux légers accrocs qui se sont produits, notamment dans Il est bel et bon de Pierre Passereau, dans lequel les entrées extrêmement rapprochées, représentent un défi rythmique. Être pro, c’est aussi accepter et rire de ses accrochages et être en mesure de retomber sur ses pattes sans s’arrêter. En cela, Meslanges a offert une belle leçon d’humilité dans le cadre d’un concert qui, dans sa globalité, a été d’un sans faute et qui a été fortement apprécié par le public.

En guise de rappel, le groupe a interprété Le Pont Mirabeau, poème de Guillaume Apollinaire mis en musique par le compositeur canadien Lionel Daunais. Évoquant les thèmes de la mélancolie, de la nostalgie et du temps qui passe, cette pièce résumait bien notre état d’esprit à la fin de ce concert. Alors que nous venions de passer une heure suspendue à l’écoute des plus belles mélodies françaises, le retour à la réalité nous fait se sentir peiné de quitter cet univers et impatient de réentendre les voix de Meslanges.

indie pop / indie rock / punk rock

Élégie aux Francos- ouvertures romantiques et tentations punk

par Baby Lafrance

Formation originaire de Québec, Élégie a commencé la soirée de samedi en force avec sa chanson Amours modèles, tirée du récent album Romantisme, paru en octobre 2023 et par un «what the fuck» bien senti,  lancé par le batteur Antoine Boily-Duguay. L’énergie du groupe se fait sentir dès lors et donne au public un avant-goût de la suite. La formation interprète alors deux chansons de son répertoire avant de présenter brièvement le nouveau matériel en réserve. Élégie dose bien encore une fois son énergie, qui demeure bien présente sans nécessairement tout fracasser. 

C’est lors de la quatrième chanson,  Dédé,  que le quatuor commence réellement à se laisser aller vers le punk. La pièce s’entrecoupe d’un solide solo de batterie livré par Antoine Boily-Duguay puis se termine par un couplet chanté avec une technique vocale saturée (fry scream),  digne d’un groupe métal. Le bassiste joue avec ardeur et en profite pour bondir à plusieurs reprises tout en demeurant juste et précis. 

Le groupe enchaîne ensuite des chansons aux textes sensibles, des gammes d’émotions s’y couchent sur des mélodies bien calculées. Même si on sent les influences du punk rock à quelques reprises, la musique d’Élégie se veut beaucoup plus propre de manière générale. Le jeu de pédales n’est pas énorme et la sonorité des guitares est claire tout comme la voix du chanteur Lawrence Villeneuve. Élégie, qui se qualifie de new punk/post wave, parvient parfaitement à interagir avec son public, de sorte que celui-ci danse et saute sans relâche. 

Le quatuor prend une pause de ses compositions originales et entrecoupe la soirée afin d’interpréter une reprise de la chanson Covet du groupe britannique Basement, exécutée avec brio. 

Le groupe entame sa dixième chanson (supposément sa dernière) avec un solo de synthétiseur, suivi de la batterie et du reste des instruments. La foule hurle, tape des mains et s’exécute dans un mosh pit plutôt réservé. Néanmoins la fin laisse le public en haleine qui aussitôt en redemande plus. Comme la tradition le veut, ils sortent brièvement de scène avant de s’y installer à nouveau, sans oublier de mentionner le batteur Antoine Boily-Duguay qui crache alors sa bière sur la foule, dans un brouhaha de rires et de surprise.

La formation interprète alors deux autres chansons dont leur plus connue, Affects. Lawrence Villeneuve souligne la participation de celles et ceux qui sont dans le mosh pit, qui s’agrandit au fil des secondes. Ces deux chansons supplémentaires ne semblent pas satisfaire l’auditoire qui s’époumone et en redemande encore. Le chanteur revient alors sur scène pour annoncer qu’ils ne peuvent interpréter d’autres chansons puisque c’est la première performance du bassiste Samuel Bédard avec le groupe, mais propose tout de même de refaire la chanson «Dédé», à la satisfaction de tous. Cette fois-ci l’énergie bat son plein autant du côté des membres d’Élégie que du côté du public avant d’aboutir à une fin spectaculaire, avec le chanteur qui s’exécute encore une fois avec du fry scream avant de quitter la scène pour de bon, marquant la fin du spectacle. 

En bref, c’est une soirée réussie pour le groupe Élégie qui a su montrer de quoi il était capable, tant dant son exécution instrumentale et vocale que dans  sa capacité à entretenir une foule sans relâche. La musique effleure le punk sans toutefois complètement baigner dedans, le tout dans une belle complémentarité avec les textes.

folk-pop / pop / rap

Un 16 juin aux Francos | Pomme, Marco Ema et KNLO

par Jacob Langlois-Pelletier

L’équipe de PAN M 360 se fait un plaisir de fourmiller un peu partout aux Francos, dans les recoins évidents et moins évidents, pour le public francophile. Suivez notre couverture!

Pomme, tout en douceur à sa « deuxième maison »

Alternant entre la France et le Québec depuis déjà huit ans, Claire Pommat alias Pomme a sans aucun doute réussi au cours des dernières années à se tailler une place de choix au sein du folklore québécois. Dimanche soir aux Francos, l’auteure-compositrice-interprète et musicienne française a offert ce qu’elle qualifie de « consolation collective », une soirée de balades douces et assumées, toutes plus intimes les unes que les autres.

C’est vêtu d’un costume de fée que la Française fait son entrée sur scène, au grand plaisir de la marée d’admirateurs et d’admiratrices amassées sur la Place des Festivals. Parlant d’admiration, c’est dans cet état d’esprit que la foule restera plongée tout au long de sa prestation, une ambiance qui détonne après le passage du rappeur Souldia et de Québec Redneck Bluegrass Project lors des deux soirées précédentes. En ouverture, Pomme propose Nelly, titre hommage à l’écrivaine québécoise Nelly Arcan provenant de son album Consolation. « Cette chanson signifie encore plus lorsqu’elle est chantée au Québec. Ici, c’est ma deuxième maison », a-t-elle lancé, sourire aux lèvres.

Entourée de champignons géants sur scène, énième preuve de la singularité de son univers, Pomme enchaine les morceaux, allant de chansons plus récentes comme Jardin à Pourquoi la mort te fait peur ? et Soleil, soleil. Elle a interprété cette dernière en compagnie des sœurs Boulay, elles qui avaient foulé la scène tout juste avant son arrivée. La présence des deux Québécoises était loin d’être la seule surprise qu’elle réservait à son chaleureux public; Safia Nolin et Ariel Angel se sont joints à elle autour d’un seul micro pour une version acoustique de Lesbian Break-up Song puis Klô Pelgag est venu pour sorcières.

En cette douce soirée de juin, l’artiste de 27 ans aura fait voyager les Montréalais et Montréalaises à travers toute une gamme d’émotions, frissons garantis. Mention honorable aux quatre musiciens et musiciennes — Paulien Denize au violon et mandoline, Zoé Hochberg à la batterie et guitare, Michelle Blades à la basse et guitare ainsi que Olivier Corentin aux claviers et guitare — qui l’ont accompagné avec brio, contribuant à l’atmosphère détendue et mélancolique à souhait. Pomme l’a mentionné hier, assurer un tel spectacle avec le style musical qu’elle propose n’est pas une mince tâche. Vu l’intensité de la soirée et l’accueil des festivaliers, force est d’admettre qu’elle a réussi le défi haut la main.

Crédit photo: Benoit Rousseau

Marco Ema, musique pop sympathique et personnage charismatique

À pareille date l’an dernier, Marco Ema foulait les planches des Francos au sein de sa formation Vendôme. Dimanche, c’est en solo que le natif de Thetford Mines a monté sur scène pour présenter plusieurs morceaux de Anyway, Mommy Love, son deuxième album en carrière. « Merci d’être là à la place de checker l’émission Survivor! », lance-t-il avec charisme avant de s’élancer.

Passant de l’indie pop au folk tout en prenant un détour vers le rock, Marco Ema fait danser la foule présente devant lui, elle qui est surprenamment imposante pour une prestation en début de soirée. De prime abord, le jeune artiste propose une pop bienveillante et lumineuse qui donne envie de danser. Et pourtant lorsqu’on écoute attentivement, ses textes sont poignants et y abordent des thèmes tels que le deuil de son père ainsi que les ruptures amoureuses.

Sur scène, il multiplie les interactions cocasses avec le foule; Marco Ema est définitivement une des belles « bibittes » de la relève québécoise. Son plaisir sur scène et sa chimie avec ses différents musiciens sont contagieux. Sa musique solo est davantage linéaire que ce qu’on retrouve avec son band Vendôme. Le Québécois brille dans cette avenue, ce qui est prometteur pour l’avenir.

Crédit photo: Jacob Langlois-Pelletier

KNLO, jamais sans la famille

Cette année, les Francos présente « Les soirées urbaines », une série de spectacles à saveur rap. Après Raccoon et Yes* lors des deux premières journées du festival, c’était au tour du rappeur KNLO de fouler la scène Desjardins. Accompagné de son DJ, l’artiste de Sainte-Foy a fait son entrée débordant d’énergie, prêt à faire danser les festivaliers.

Dimanche, KNLO a offert une prestation honnête en rappant l’intégralité de ses morceaux, faits d’armes dorénavant devenus une denrée rare chez les artisans du hip-hop. Tout au long de son set, le protagoniste était accompagné à la voix par Caro Dupont, chanteuse qui a su ajouter son grain de sel aux différents projets solos du rappeur au cours des dernières années.

Première surprise de la soirée, KNLO invite Le Youngin à se joindre à lui pour GLACE, leur titre collaboratif tiré de l’album 438. Au grand plaisir du public, KenLo Craqnuques avait plus d’un tour dans son sac; Eman, Robert Nelson et Claude Bégin arrivent sur le plateau. Alaclair Ensemble, réuni aux Francos en plein mois de juin, n’en fallait pas plus pour réveiller la foule. « Tout ce qui compte, yeah. La famille, la famille, la famille, la famille », chantaient bruyamment les gens amassés autour de la scène pendant leur interprétation du titre La Famille. KNLO a toujours eu ce côté rassembleur et sa prestation nous a une fois de plus donné l’impression que nous faisons partie de la famille!

Crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin

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