Afrique / afrobeat / vaudou haïtien

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique – Afrovibes ouvre le bal

par Michel Labrecque

En ce mardi après-midi, très chaud mais nuageux, l’espace public du Festival Nuits d’Afrique était encore en gestation. Le village africain achevait de remplir ses étalages, une brésilienne donnait des cours de danse à un très petit public, toutefois très attentif.

Sur l’Esplanade Tranquille, une centaine de personnes étaient assises, dans la moiteur ambiante. Pas facile d’être le premier groupe à lancer la programmation musicale gratuite.

Cette tâche ingrate était celle d’Afrovibes, l’ensemble vaudou-afrobeat de Montréal, menée par le percussionniste Emmanuel Delly. Huit musiciens, une chanteuse, devant un parterre largement désert, au départ. Ingrat, vous ai-je dit. 

Mais ça s’est mis très rapidement à groover; le groupe est tissé serré. Un trio de percussionnistes, face à une batterie de trois guitares, un claviériste et un bassiste sans faille. Et la chanteuse qui enrobe tout cela de façon sensible.

Je n’attendais rien de ce groupe. C’était une affectation de couverture, autrement dit PAN M 360 m’avait demandé d’y aller. J’ai été agréablement surpris. Non pas qu’Afrovibes réinvente la musique, mais il livre une performance solide et hyper dansante. Les trois guitaristes, un Noir, une Blanche et un Blanc, sont hyper complémentaires entre les solos et les riffs. Le mélange entre les influences haïtiennes et africaines est richement intégré, avec un zeste d’Amérique. 

J’ai éprouvé du plaisir à écouter. 

Petit à petit, les gens sont venus danser. Un public de tous âges et toutes couleurs, fascinant à observer pour un journaliste. 

Afrovibes aurait mérité un meilleur créneau. Mais il faut bien que quelqu’un commence les festivités. Le groupe va tourner passablement au Québec cet été. À surveiller.

Je pose en terminant une petite question : pourquoi ce genre de groupe, québécois, est si peu présent dans les émissions de variétés de notre télé francophone ? 

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Électronique / musique traditionnelle mexicaine

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique – Pahua : Une véritable tornade latine

par Michel Labrecque

Pahua, de son vrai nom Paulina Sotomayor, est une DJ, productrice et compositrice mexicaine. Elle fait du folktronica, ce nouveau genre qui mélange sons traditionnels et musique électronique. 

Son spectacle a été présenté avec beaucoup de retard, ce qui m’a fait rater une grande partie du récital du brésilien Luis Salgado, au Balattou, qui était par ailleurs très bon, dans un registre très différent. 

Dès qu’elle arrive sur scène, Pahua enveloppe le public avec son sourire désarmant, son enthousiasme d’être parmi nous. Elle est entourée d’ordinateurs, mais aussi de percussions et de deux musiciens, un guitariste électrique et un percussionniste, tous les deux assortis d’énormes lunettes blanches. 

Pahua compose, chante et est également percussionniste. Ce qui donne en concert une version plus percussive que celle de son premier album, Habita, paru fin 2023. Le groove s’est rapidement installé dans la place et une majorité du public s’est mise à danser. Un mélange de cumbia et d’autres rythmiques latino-américaines ont attisé le Ministère. 

Les arrangements électroniques, mâtinés d’instruments traditionnels enregistrés, notamment accordéon, flûtes et trompette, ajoutent de la matière musicale au rythme. Il y a aussi des moments plus méditatifs, plus folk. 

Paulina Sotomayor sait aussi chanter et y prend visiblement plaisir. En plus, derrière la scène, défile sans arrêt une vidéo qui décrit à la fois l’urbanité et la nature du Mexique et de l’Amérique latine. 

Car, si Pahua est mexicaine et fière de l’être, on sent chez elle une volonté d’embrasser toutes les cultures latino-américaines. Elle va d’ailleurs, dans un projet futur, s’intéresser au baile-funk brésilien, nous a-t-elle dit en entrevue. 

Sur son album Habita, elle a multiplié les collaborations avec des musicien-ne-s de tout le continent, du Costa-Rica au Chili. Elle fait partie d’un écosystème plus vaste de folktronica, qui gagnerait à être mieux connu chez nous. 

Pahua est indubitablement une artiste mexicaine à suivre. Et le public du Ministère a semblé apprécier au maximum.

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afro-funk / afro-latin / dancehall / musique du monde / reggae

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique 2024: Rumba de Bodas, torréfaction italienne

par Alain Brunet

D’Italie, de Bologne pour être plus précis, Rumba de Bodas illustre bien la culture des trentenaires européens en matière de groove.

Il n’est plus exclusivement question de funk, soul ou R&B adaptés aux saveurs du mois, mais bien d’une intégration plus globale, avec à la carte afrobeat, highlife, reggae, dancehall, ska, afro-latin, reggaeton et même quelques flirts housy… à l’italienne il va sans dire.

On parle de cette formation italienne invitée dimanche au Balattou. Rumba de Bodas affichait joyeusement son inclination à « l’exubérance et la liberté » et au « style cabaret qui perdure depuis 2008 sur les routes d’Europe ».

Et les voilà une première fois aux Nuits d’Afrique à MTL . De la belle visite, pour sûr.

Instrumentistes compétents claviers, guitare, basse, batterie, saxo et trompette, formation cohésive et motivée, le tout chapeauté par Rachel, une chanteuse explosive, habitée par le groove.

Rumba de Bodas incite à bouger, au moins hocher de la tête et remuer les épaules, certes, mais aussi suggère une écoute active. On peut dire que la qualité des arrangements et l’exécution sur scène attirent notre attention pour les bonnes raisons. Ces artistes ont leur patte et on en retient la griffe! À conserver dans le disque dur.

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Afrique / kora

PAN M 360 aux Nuits D’Afrique 2024 | Tous unis par la kora

par Michel Labrecque

La kora est une des inventions africaines les plus fantastiques. Cette harpe à 21 cordes, faite de calebasse (une grosse courge très dure) et de peau de vache, inventée à la fin du 17e siècle, a permis aux griots d’Afrique de l’ouest de créer une musique complexe aux possibilités harmoniques très riches.

Mon premier contact auditif avec cet instrument s’est produit à l’été 1979 (ça ne me rajeunit pas…) dans un bar post-hippie de Olympia, aux Etats-Unis, lors d’une assemblée de radios communautaires. On y jouait le disque de Mandingo Griot Society et tous les gens à notre table ont arrêté de parler; certains se sont mis à danser. « Qu’est-ce que c’est que cet instrument, c’est si beau », s’est écrié quelqu’un. Nous avons dû faire nos recherches plus tard. À cette époque, il n y avait pas d’internet ni de téléphones cellulaires. 

À partir du milieu des années 80, la vague musicale africaine a déferlé sur l’occident, nous amenant de multiples kora dans son sillage.  

La Nuit de la kora est devenue un incontournable du festival Nuits d’Afrique. Pour l’incarner en 2024, qui de mieux que Prince Diabaté, surnommé le « Jimi Hendrix de la kora ». Originaire de la Guinée Conakry, issu d’une lignée de griots, ces journalistes chanteurs traditionnels  mandingues, Prince Diabaté est un innovateur de la kora, ayant parfois fusionné avec la modernité, la pédale WahWah, le rap et la musique symphonique. Le prince de la « kora alternative », dit-on. 

Toutefois, au Gésu, ce 14 juillet, Prince Diabaté s’est présenté dans une formule plus intime, en solo, avec sa kora toute rouge, avec son nom gravé dessus. Est-ce par manque de moyens ou par souci d’authenticité ? Peu importe, le résultat a enchanté le public, plutôt nombreux.

Prince Diabaté fusionne totalement avec son instrument. Il arrive à en extraire des notes inconnues, inédites, parfois en cascades, parfois en douceur. Il chante aussi d’une voix agréable, ou déclame des paroles de chansons traditionnelles ou des compositions. Il lui arrive aussi de taper sur la caisse de son instrument avec force, pour créer des surprises rythmiques. 

Pour moi, il y a quelque chose d’étrangement intemporel dans cette performance. Je ne peux pas l’expliquer. Ce son, basé sur des traditions séculaires, est étonnamment actuel. 

En première partie, le malien devenu montréalais Diely Mori Tounkara, s’est présenté pieds nu, avec un chapeau sur la tête. « On va avoir du fun ce soir », a-t-il dit d’entrée de jeu. Diely est moins flamboyant que Prince Diabaté, mais son jeu plus méditatif, utilisant beaucoup la réverbération, n’est pas dénué d’intérêt, bien au contraire. Cet artiste émérite de la diversité montréalaise nous a fait passer un excellent moment. Pour couronner la soirée, les deux musiciens ont joué ensemble, improvisant un après l’autre en alternance.

Le public, majoritairement blanc mais avec une importante composante africaine était gagné. Il n’y avait plus de couleurs, d’ethnies, de langues, de différences. Tout le monde était uni par la kora.

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dancehall / reggae

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique 2024 | Queen Omega, du haut de son trône

par Sandra Gasana

Willy B Rose était à l’animation lors du spectacle tant attendu de la Reine du Reggae, venue accompagner l’Entourloop avec qui elle collabore depuis plusieurs années déjà. À ma grande surprise, nous avons débuté avec Queen Omega, le public étant venu majoritairement pour voir le groupe français qui compte plusieurs fans à Montréal. 

L’icône du reggae Trinidadienne était accompagnée pour l’occasion par The Royal Souls, composés par Ons Barnat aux claviers, Thomas Broussard à la guitare, Thierry « Titi » Lechauve à la basse et David Dub Akom à la batterie.

Ce sont d’abord les musiciens qui préparent le terrain pour accueillir la Royauté sur scène, dont la voix se fait déjà entendre au loin. Et quoi de mieux que de débuter avec Fittest, tiré de son plus récent album Freedom Legacy, un des morceaux phares. Avec sa longue robe orange, et son turban légendaire qui fait sa signature, elle débarque sur scène telle une reine. Elle enchaîne sans transition avec Make a Sacrifice, durant lequel il y a eu un petit souci technique avec le micro, suivi de Judgement, avec la participation du public sur le refrain. Elle saute sur scène, fait des pas de militaires par moment, bref cette Queen est en bonne forme physique.

« C’est bon d’être ici Montréal », dit-elle en anglais, ne parlant pas la langue de Molière malgré ses nombreux séjours dans l’Hexagone. Sur Dirty Minds, elle parle de corruption qu’elle veut éradiquer avant de poursuivre avec Bite the Dust.
« Je sens votre énergie, merci beaucoup. C’est le temps du renouveau », annonce-t-elle.
Elle fait une magnifique reprise d’Amazing Grace, qu’elle a renommé Jahmazing Grace, en y ajoutant sa petite touche, mixant reggae et dancehall. Par moment, nous avions l’impression d’être dans une église aux États-Unis. Elle saute en l’air, danse avec le guitariste, parfois en transe, chantant Glory et terminant avec un Halleluia
Elle fait un saut en arrière dans le temps lorsqu’elle chante Ganja Baby, tiré de son album Away from Babylon, paru en 2004. « Bravo au gouvernement du Canada d’avoir légalisé la Ganja ici. L’herbe n’est pas une drogue, c’est une plante, mais il ne faut pas en abuser », rappelle-t-elle à l’audience qui semble apprécier ses paroles.
Elle est complètement en feu lors du morceau Elevate mais mon moment préféré de la soirée est sans aucun doute lorsqu’elle nous partage un nouveau son comme Head Above the Water, avec son message d’encouragement qui a suivi. « Même quand les choses semblent insurmontables, dites-vous que ça passera ! Ne baissez pas les bras ! », dit-elle sous des applaudissements d’appréciation.

« Est-ce que vous vous souvenez de I Can’t Breathe ? Vous vous souvenez de Black Lives Matter ? », demande-t-elle à la foule avant de jouer Elimination. Elle fait quelques pas de danse, fait même le robot à un moment donné, en plus de danser et sauter sur la scène. Une chose est sûre, cette reine a une présence scénique incontestable et est infatigable.
Elle ne pouvait pas partir sans rendre hommage aux femmes, ce qu’elle fait dans Black Woman. « Encouragez les femmes, aimez-les, vénérez-les ! » déclare-t-elle. Et en s’adressant directement aux femmes : « Femmes, gardez votre couronne sur la tête et gardez la tête haute ! Je vous aime. »

Elle a gardé le meilleur pour la fin, notamment le succès planétaire qui l’a fait connaître mondialement, le morceau No Love, suivi de Local, sur lequel elle se revendique comme une chanteuse internationale et une ambassadrice du Reggae. Cela a permis à la foule de se défouler à fond et d’être prêts pour L’Entourloop. 

Je suis restée sur ma faim car j’en voulais plus. Une heure de performance n’était pas assez pour les spectateurs venus voir Queen Omega. Espérons qu’elle reviendra pour un show complet très bientôt.

J’ai eu le temps de voir quelques minutes de l’Entourloop avant de partir. Je ne connaissais pas du tout le groupe ni le concept mais ce que j’ai cru comprendre, c’est qu’il s’agit d’un duo de DJ d’un certain âge, qui mixe des sons reggae mais aussi dancehall, dub, ragga, downtempo et hip-hop, accompagnés d’un trompettiste et deux MC qui animent la soirée en chantant et rappant principalement en anglais. La salle était principalement composée de français et sur l’écran derrière eux, des animations de toute sorte. Lorsque j’ai quitté le MTelus, le public avait l’air de s’éclater.

Crédit photo: Nuits d’Afrique

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afro-latin / arabo-andalou / chaâbi / flamenco / Maghreb / raï

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique | Youba Adjrad, grande voix pop d’Algérie

par Alain Brunet

Si le public amateur de raï, chaâbi, arabo-andalou ou même salsa, tarab et de culture amazigh (autochtone du Maghreb) savait la voix immense du chanteur algérien Youba Adjrad, le Fairmount aurait été secoué. De tels chanteurs de puissance ne sont pas légion.

Youba Adjrad est né en 1991 en Algérie, premiers pas dans la musique à 14 ans, études en musique à l’âge de 17 ans, inspiration d’un son père chanteur de chaâbi qui l’inscrit dans une école de musique classique en 2009. À la radio algerienne, Youba improvise quelques classiques de chaâbi algérien et même une chanson de son cru. À 21 ans en 2012, il participe au concours national Alhan Wa Chabab (La Super Star Algérienne), puis atteint la finale de Arabe Idol (saison 4). D’aucuns le situent parmi les meilleures voix arabes de la période actuelle. Le trentenaire vient certes de la pop et de la téléréalité, mais s’en affranchit et s’en distingue .

Croyez-moi, ce n’est pas de la frime. J’y étais pour le premier set vendredi soir et wow quelle voix, effectivement. Le groove est purement maghrébin mais aussi afro-latin, cela résulte de la rencontre de Youba Adjrad avec le percussionniste Youcef Grim. On indique que des musiciens montréalais ont pris part à ce projet – Bertil Schulrabe, Carlo Berri, Rafik Abdeladim, Ryan Kaouene.

Les quelques dizaines de personnes sur place étaient très heureuses d’être là, malgré le peu d’affluence pour un artiste de cette trempe. La prochaine fois, prédisons-le, ce sera fort différent.

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bossa nova / Brésil / jazz brésilien / música popular brasileira (MPB)

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique 2024 | Bïa & Maracuja, entre bonnes mains !

par Alain Brunet

Ses références à la fois brésiliennes et québécoises suivent leur cours, jusqu’aux Nuits d’Afrique 2024. Au Fairmount en ce jeudi soir, la Vitamina portait fruit, pour reprendre un terme véhiculé sur scène, non sans humour.

Montréalaise d’adoption depuis longtemps déjà, notre Bïa ne vieillit pas. Et les références qu’elle choisit ne vieillissent pas non plus. On aime sa culture de la MPB depuis les années bossa. On aime aussi sa culture de la chanson française d’Amérique ou d’Europe, aussi un trait qui la distingue. On aime sa finesse, sa classe.

C’était le vrai groove de là-bas mais aussi d’ici, c’était une vraie rencontre entre Bïa, ses potes du groupe Maracujà sous la gouverne de l’excellent musicien et chanteur de puissance Elie Haroun. Et bien sûr la rencontre avec le public ayant occupé tous les sièges disposés au Fairmount en ce jeudi soir.

Le set passé avec ces entités réunies a été apprécié. Voilà une belle table de samba, bossa nova, forró, maracatu, jazz aussi. Entre le répertoire original de chacun chacune et quelques standards bossa de Tom Jobim, on se sentait entre bonnes mains pour passer une soirée brésilienne sans secousse, sans vertige, néanmoins consistante, digeste, fort agréable.

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Afrique / rap

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique 2024 | Def Mama Def : Deux sœurs en art !

par Sandra Gasana

C’est ce qui ressort du spectacle de Defa et Mamy Victory, aka Def Mama Def, hier soir au Ministère, lors de la 38ème édition du Festival Nuits d’Afrique. Le duo explosif féminin sénégalais de l’heure est bien plus qu’un duo, ce sont des soeurs en art. Vêtues d’une combinaison moulante à capuche, lunettes fumées, elles arrivent sur scène accompagnées par Simsa à la batterie et Mr No One aux platines.
Entre rap et chant, les deux artistes se complètent et dialoguent musicalement sur scène. « On n’a presque pas dormi cette nuit tellement on avait hâte », nous confie Mamy Victory, aux cheveux teintés de bleu pour l’occasion. En plus de chanter et rapper, elles dansent parfaitement bien, jouent des percussions, le tout avec une énergie électrisante. « La prochaine chanson est pour les amoureux » nous disent-elles avant de nous enseigner le lembel, une des nombreuses danses du Sénégal.

Devant un public encore timide, elles ont réussi à monter la température dans la salle sur le morceau Jigeen, qui signifie femme en wolof. Justement, elles s’adressent à la foule dans leur langue maternelle à quelques reprises, au grand plaisir des Sénégalais dans la salle. « Cette fois-ci, nous allons au nord du Sénégal », nous avertit Defa, qui nous fait des pas de danse de chez elle tout en faisant chanter le public. Les deux artistes se taquinent beaucoup surtout lorsqu’elles abordent la question épineuse des ethnies. « Y a pas que les Toucouleurs, y a aussi les Sérères », se défend Mamy Victory.

Autre moment fort de la soirée, lors du morceau Oh Maliko, sur lequel tradition et modernité se marient de manière fusionnelle. La deuxième partie du concert s’ouvre avec des percussions, puisqu’elles nous dévoilent leurs talents avec cet instrument. Les deux femmes reviennent sur scène munies de bâtons et on sent tout de suite que le niveau va monter en intensité. La complicité des deux femmes se ressent durant toute la performance. À travers des regards, des sourires, des chorégraphies improvisées, on sent qu’elles ont du plaisir à jouer ensemble, tel un yin et son yang, valsant entre douceur et dureté. Douceur à travers la voix mielleuse de Defa quand elle pousse la note, et dureté par moments lors des raps torrides de Mamy Victory.
Un autre moment électrisant est sans doute lors du morceau Dieuredieuf, paru en 2022, et qui signifie merci en wolof. « On va chanter pour toute l’Afrique », nous annoncent-elles, dans une ambiance aux airs de discothèque. On a même eu droit à une petite séance de cardio durant laquelle elles nous ont fait bouger les bras, avant de revenir aux percussions accompagnées par leur DJ, qui s’y est mis aussi. Mon coup de cœur restera Kalanakh, qui figure dans le EP Oh Maliko, qu’elles qualifient comme « sonnette d’alarme annonçant leur prochain album », lors de mon entrevue avec elles. En effet, 2025 sera l’année de Djar Djar, premier album du duo. Avant de clôturer leur spectacle, elles ont tenu à rendre hommage à tous les artistes qui ont frayé leur chemin avant elles, entre autres Positive Black Soul (PBS) ou encore l’Orchestre Baobab, pour ne nommer que ceux-là. Seule déception : la communauté sénégalaise n’a pas répondu présente en grand nombre pour accueillir les deux sœurs en art, mais on va dire que c’est leur premier concert, sûrement pas leur dernier à Montréal. D’ici là, le bouche à oreille fera son travail, je l’espère.

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Brésil / forró

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique | Alberto Salgado transforme le Balattou en laboratoire percussif

par Michel Labrecque

L’auteur-compositeur brésilien me l’avait dit en entrevue : « Je fais de la MPB, de la musique percussive brésilienne », faisant un jeu de mot avec la signification réelle de MPB (Musique populaire brésilienne). Nous avons pu constater, jeudi soir au Balattou, qu’il disait vrai. 

Le guitariste et chanteur originaire de Brasilia nous a offert un concert en deux parties, constitué très largement de morceaux de ses disques Além do Quintal et Cabaça de Agua, ainsi que de l’album à paraître Tutorial de Ebo. La température a rapidement monté dans le club dédié aux musiques du monde.

Alberto Salgado est entouré d’un groupe musical restreint : Marcelo Marinho au cavaquinho, Valerio Xavier au pandeiro (petit tambour) et autres percussions diverses, et un joueur de triangle (ben oui!) occasionnel. Cela tranche avec la multitude d’instruments, y compris électroniques, qu’on entend sur ces enregistrements studio. En revanche, les accompagnateurs débordent d’énergie communicatrice. De quoi alimenter la Place Ville-Marie en électricité!

Marcelo Marinho est le John McLaughlin du cavaquinho, cette guitare minuscule aux notes aiguës. Il multiplie les envolées en solo, dévalant les notes par dizaine à la seconde. C’est lui qui assure la fondation mélodique du groupe, avec la voix et la guitare d’Alberto Salgado.

La guitare de Salgado est très percussive, c’est ce qui nous ramène à cette idée de musique très axée sur le rythme. Il y a des rythmiques de forró, de samba, d’afro-brésilien, souvent très subtiles. C’est une force essentielle de la musique brésilienne, au-delà de la Bossa-Nova et des formes plus connues chez nous.

C’est ce qui a fait que le Balattou s’est transformé en laboratoire percussif. En plus des musiciens, tout le public battait du pied ou tapait sur la table ou sur ses cuisses. Celles et ceux qui ne tapaient pas se sont levés pour danser.

Alberto Salgado et ses musiciens parlent un anglais très limité, ce qui les a privés de nous partager leurs univers au-delà de la musique. Mais ça n’a pas empêché le public de sentir la communion et le désir de partage.

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Afrique / musique traditionnelle ouest-africaine

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique | Guinée en cirque !

par Alain Brunet

Premier « gros » spectacles des Nuits d’Afrique 2024, Afrique en Cirque s’est déployé mercredi à l’Olympia de Montréal dans une salle pleine. Il avait de l’appétit pour ce cirque afro-québécois, axé cette fois autour de la culture guinéenne, typique de l’Afrique de l’Ouest. 

« J’ai travaillé pour presque tous les cirques québécois à l’international et j’ai trouvé qu’il manquait quelque chose, les acrobaties africaines me manquaient. J’ai donc voulu monter un spectacle qui parlait de mon pays d’origine qui est la Guinée », explique Yamoussa Bangoura, fondateur de la troupe. Multi-instrumentiste et acrobate, le leader de Kalabanté  s’est penché sur le legs traditionnel de Guinée, sa patrie d’origine, pour en tirer une série de tableaux musico-circassiens, échelonnés sur environ 90 minutes.

Dynamique, impressionnant, palpitant, divertissant, humoristique, festif, martial, athlétique, virtuose. Voilà autant d’épithètes pour décrire ces manœuvres  acrobatiques et chorégraphiques de haute voltige. Quatre hommes et deux femmes dont certain.e.s s’avèrent des contorsionnistes hallucinants, adaptent les arts du cirque aux traditions africaines. On en reproduit les pratiques quotidiennes et traditionnelles comme la pêche, le marché, la fête au village, sans compter quelques clins d’œil à la vie occidentale comme ce numéro hilarant de mâles musclés à la Village People.

Trois musiciens les accompagnent (basse, batterie, saxophone, pédales d’effets, etc.), sans compter le maître de piste qui est en fait le musicien principal (kora, chant djembé et autres percus) en plus d’être acrobate et directeur artistique de Kalabanté. Installé à Montréal depuis plus de deux décennies, Yamoussa Bangoura connaît fort bien nos pratiques circassiennes, parmi les plus innovantes au monde, bien au-delà du Cirque du Soleil. Percussionniste aguerri, il a insufflé la pratique des percussions à ses collègues acrobates qui contribuent régulièrement à marteler de gros tambours, dont les horizontaux rappellent un tant soit peu le kodo japonais.

La direction musicale est hybride, entre la musique traditionnelle mandingue et la musique moderne occidentale (funk, une touche de jazz, etc.). Rien de sorcier lorsqu’on connaît ces styles, mais solidement exécuté. De cette soirée, il faut surtout conserver le souvenir d’une appropriation légitime du cirque universel par la riche culture d’Afrique de l’Ouest.

Baião / Brésil

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique 2024 | Kirá a mis le feu au Balattou

par Sandra Gasana

Accompagné de son batteur, percussionniste, bassiste et guitariste, Kirá a lancé le coup d’envoi de la 38ème édition du Festival Nuits d’Afrique, muni de sa guitare. C’est une salle comble qui attendait le fils de Manu Chao au Club Balattou hier soir, alors qu’il en est à sa première visite dans la métropole.

« Y a-t-il des Brésiliens dans la salle ? », demande-t-il. « Je suis content de partager ça avec vous », dit-il en anglais. Contrairement à plusieurs concerts donnés par des Brésiliens, celui-ci avait un public diversifié et multigénérationnel. Il alterne entre ses deux derniers albums, Semente de Peixe et Olho Açude, l’un étant plus introspectif et l’autre tourné vers l’extérieur. 

Le public s’est mis à danser très tôt dans le concert, et plus le spectacle avançait, plus c’était difficile de rester assis. Les chœurs étaient assurés par le percussionniste et le guitariste, alors que le bassiste se faisait discret. Parfois, dans la même chanson, nous avions un changement complet de rythme, mélangeant parfois le reggae avec du baião ou du maracatu. Nous avons eu droit à des solos de guitare époustouflants avant d’écouter le morceau Mar Mangão. « Là, nous allons à la mer, dans la côte est du Brésil », nous explique-t-il avant ce morceau.

C’est lors de la 2ème partie du spectacle qu’il dévoile son côté bête de scène, notamment lorsqu’il met de côté sa guitare pour mieux danser. La scène du Balattou était clairement trop petite pour les envolées de danse de Kirá.

« Nous existons grâce à vous, alors merci de nous faire exister, de nous faire jouer, chanter, d’être en vie avec nous », confie-t-il entre deux chansons.
On sentait une bonne synergie entre les musiciens, et Kirá interagissait avec eux souvent durant le spectacle. « Là, on va direct à Bahia » dit-il en portugais avant de laisser sa guitare de côté et là, c’est la folie totale sur scène. Il fait sauter le public, il leur fait faire des mouvements de danse, il leur demande de descendre au sol et de remonter en sautant, ce qu’ils font avec grand plaisir. Il remercie la foule en français, en espagnol et en portugais, changeant de langues d’une chanson à l’autre. Il prend le temps de remercier chacun des musiciens, le technicien de son et le festival Nuits d’Afrique, sous les applaudissements de la salle.
« C’est la dernière chanson, nous avons besoin de votre énergie maximale », demande-t-il avant de jouer son plus récent succès Bota Pra Rodar. « C’est la folie, cette chanson, au Brésil », nous apprend-il, avant de poursuivre avec deux ou trois morceaux, un peu plus rock. Je ne serais pas surprise de le revoir très vite à Montréal, sur une plus grande scène qui lui permettra de danser à sa guise.

Crédit photo: Nuits d’Afrique

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ambient / jazz

PAN M 360 au FIJM 2024 | Shabaka… flûtes alors !

par Alain Brunet

Après les flûtes désenchantées d’André 3000, le FIJM en salle se concluait par celles, plutôt enchanteresses, de l’Afro-Britannique Shabaka Hutchings, un des chefs de file du renouveau jazz à Londres comme on le sait depuis une décennie -The Comet Is Coming, Sons Of Kemet, Shabaka and the Ancestors, etc. Cette fois, le optait pour une collection de flûtes artisanales ou traditionnelle, essentiellement des flûtes japonaises shakuhachi.

Étant un authentique interprète d’instruments à vent (saxophones, clarinettes) avant de donner priorités aux flûtes asiatiques qu’il se permet d’africaniser dans un mini-album sorti il y a 2 ans (Afrikan Culture) et un autre lancé le printemps dernier (Perceive its Beauty, Acknowledge its Grace), il sait extirper des sons divers de ces petits instruments et construire des phrasés mélodiques tout à fait défendables. Les flûtes disposées sur la table sont jouées de différentes façons, certaines mode traversière, la majorité en mode flûte à bec. Chacun de ces bois émet des sonorités distinctes, leur interprète choisit souvent d’en exploiter les timbres tout en tissant des mélodies relativement limitées, vu les échelles de fréquences imposées par ces petits instruments à 5 trous dont l’atteinte de la justesse est toujours un défi.

Les accompagnements de ces flûtes solistes sont relativement sobres pour ne pas dire discrets, que ce soit la harpe de Brandee Younger (nettement plus engagée chez Makaya McCraven la veille), la basse de Junius Paul (autre sideman de Makaya) ou les percussions d’Austin Williamson. Cette soirée du samedi 8 juillet ne passera pas à l’histoire, nous n’en sommes vraiment pas aux premières expériences pour flûtes et jazz acoustique contemporain. Mais ce fut relaxant et agréable, même si peu excitant dans la conception comme dans l’exécution.

Crédit photo Benoît Rousseau pour le FIJM

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