Osheaga, jour 3 | L’heure est à la fête avec Jungle
par Jacob Langlois-Pelletier
Peu de temps après les dernières paroles du rappeur Hamza sur la scène voisine, de nombreux faisceaux lumineux ont procuré une teinte orangée aux festivaliers, couleur de Volcano, plus récent projet de Jungle. Sur les notes de Busy Earnin’, succès de 2014, le groupe soul-funk britannique a fait son entrée de manière remarquable.
Dès les premiers instants, les différentes pulsions de la formation ont fait danser la foule. La musique de Tom McFarland, Josh Lloyd-Watson et tout récemment, Lydia Kitto, est une des plus entraînantes et festives. Pas surprenant que les structures gonflables et les ballons se sont promenés parmi les amateurs tout au long de la prestation; l’ambiance était à la fête, c’est le moins qu’on puisse dire. Jungle a cette capacité à nous faire profiter de l’instant présent.
L’équilibre entre enregistrement et création en direct n’aurait pas pu être mieux balancé. Les trois protagonistes s’impliquent vocalement et contribuent avec différents instruments tels que guitare et synthétiseur. Les arrangements sont dansants et les voix aussi envoûtantes que sur disque. Deux percussionnistes et un bassiste complétaient le tout avec brio.
À deux reprises, des artistes ont apparu sur le grand écran l’instant d’un morceau. Ce fut d’ailleurs le cas pour Erick the Architect lors du succès disco Candle Flame, chanson sur laquelle la foule aura brûlé de nombreuses calories, soyez-en assuré.
Plusieurs fois, le groupe s’est adressé aux amateurs, autant en anglais qu’en français. Les Britanniques ont semblé ravis de l’accueil des Montréalais qui ont répondu présents en chantant leurs différents refrains ou en tapant des mains. Nul doute, la venue de Jungle aura été l’un des moments phares de cette fin de semaine de festivités.
Festival d’art vocal de Montréal 2024 | L’Audition : une soirée de découvertes
par Alexandre Villemaire
Le Festival d’art vocal de Montréal est entré dans le dernier droit de sa vingtième édition avec la présentation le vendredi 2 août du concert L’Audition à la Salle Claude-Champagne. Après un gala plein de promesses, des classes de maître public, une série de concerts à Verdun et à Saint-Denis-sur-Richelieu ainsi qu’une participation de quatre solistes à la représentation de la Symphonie no9 de Beethoven avec l’Orchestre de la Francophonie, le moment était venu de présenter au public montréalais, l’ensemble des jeunes artistes qui effectuent un stage à l’Institut canadien d’art vocal (ICAV).
Dans une soirée vocale accompagnée par l’Orchestre de la Francophonie, les 23 jeunes stagiaires de l’ICAV ont défilé pour présenter des airs d’opéra qui étaient captés sur vidéo pour être envoyés à des directeurs de maisons d’opéras. Cette soirée a confirmé nos impressions relevées lors du concert gala qui nous avait donné un bon aperçu des aptitudes et des personnalités vocales des différents chanteurs et chanteuses : de belles voix capables, mais dont certaines pâtissent d’un manque de projection. Le premier participant à ouvrir le bal, le baryton sud-coréen Keunwon Park, malgré un timbre chaleureux et une belle assurance, s’est empêtré dans un « Largo al factotum » du Barbier de Séville, inégale où on perd de son intelligibilité dans le grave qui peine à percer par-dessus l’orchestre. Dans ce même registre, le ténor Brian Alvarado, qui avait fait montre d’une voix puissante et assurée lors du gala, a donné une performance en demi-teinte de l’air « Sois immobile » tiré de Guillaume Tell de Rossini, marqué par une visible fatigue, malgré une belle douceur dans la ligne vocale.
Également du lot des voix qui ont offert de belles prestations, mais dont certains aspects méritent encore de l’attention, la mezzo-soprano Hannah Cole et le baryton Matt Mueller doivent travailler leur diction française, car mis à part ce détail, leur présence scénique était tout à fait juste et captivante. Parmi les voix à retenir, et surveiller, notons le baryton Geoffrey Shellenberg, le ténor Mischael Eusebio, qui a offert un air du chevalier Des Grieux sensible. Mentionnons aussi la soprano américaine Abigail Sinclair – convaincante Reine de la Nuit –, les Canadiennes Zoe McCormick et Mary Jane Egan, qui ont chacune présenté deux interprétations senties et maîtrisées de « Donde Lieta » tirées de La Bohème ainsi que la Chinoise Yang Liu et l’Espagnole Natalia Pérez Rodriguez qui ont interprété l’air de Turandot « Signore Ascolta » avec un lyrisme distingué. Dirigé de manière habile par Julien Proulx pour la plupart des morceaux au programme, l’orchestre a également été dirigé par trois chefs stagiaires, une nouveauté dans le programme de l’ICAV. Des trois, Daniel Black et Simon Charette ont démontré les meilleures aptitudes au niveau de la sensibilité et de l’esprit des pièces qui leur était imposé. Madeleine Krick a cependant eu de la difficulté avec la synchronicité entre l’orchestre et le soliste, notamment dans l’air « Quanto è Bella » avec le ténor islandais Pétur Úlfarsson. Elle s’est rattrapée sur le même air par la suite avec l’Américain Diego Valdez. Ses actions et ses gestes sont cohérents avec les intentions qu’elle souhaite donner à l’orchestre, mais elle devra peaufiner sa communication avec les solistes et mieux anticiper leurs actions.
Malgré les quelques accrocs mentionnés, et ceux bien personnels que les chanteurs et chanteuses se feront à eux-mêmes, aucun des artistes qui ont foulé la scène n’a à rougir de leur prestation. Ils ont relevé l’exercice la tête haute et repartiront de cet exercice, quelle qu’en soit l’issue, avec de nouveaux outils, des réflexions pour nourrir leur parcours et leur construction en tant qu’artiste. Et cela, c’est exactement ce à quoi l’on s’attend de la formation qui leur a été prodiguée.
Le point culminant de cette édition sera la présentation de l’opérette La Chauve-Souris de Johann Strauss, à laquelle se greffera The Four-Note Opera de Tom Johnson, mis en scène respectivement par Lorraine Pintal et Joshua Major. Le rendez-vous est donné au Salon Richmond les 10 et 11 août dans un événement qui s’annonce pétillant, enchanté et plein d’humour où ces jeunes voix et ces jeunes artistes lyriques seront mis de nouveau en valeur.
Osheaga, jour 2 | The Smashing Pumpkins : Nostalgie, quand tu nous tiens
par Jacob Langlois-Pelletier
Le passage des Smashing Pumpkins à Osheaga samedi ne pouvait pas mieux tomber; il y a un peu plus de 48 heures, la prolifique formation américaine dévoilait Aghori Mhori Mei, un 13e album en carrière.
Contrairement à ce que l’on pouvait s’attendre, Billy Corgan et sa bande ont fait fi de cette sortie et ont opté pour une sélection de leurs plus grands classiques, et ce aux grands plaisirs des amateurs agglutinés devant les deux plus grandes scènes du festival.
Vêtu d’une soutane noire, Corgan a enveloppé le Parc Jean-Drapeau de son rock mélancolique et de sa voix nasillarde qu’on lui connaît si bien. À ses côtés, on retrouve ses collègues de longue date James Iha à la guitare et Jimmy Chamberlin à la batterie ainsi que Kiki Wong, guitariste recrutée il y a quelques mois.
Sur scène, les Smashing Pumpkins exubèrent la même détermination et envie qu’il y a 30 ans. Dommage que cet état d’esprit ne se traduit pas dans leurs récentes sorties.
À quelques minutes de la fin, le crépuscule s’amorce et les premières notes de la célèbre 1979, tiré de l’excellent Mellon Collie and the Infinite Sadness, se font entendre. C’est à ce moment que la foule s’est faite la plus bruyante et le résultat fut sublime. L’euphorie provoquée est une énième preuve du pouvoir de la nostalgie.
Décidément, les plus grands succès du band de Chicago ne mourront jamais, idem pour leur influence sur le rock alternatif.
Osheaga, jour 2 | Denzel Curry : sans failles, mais sans éclat
par Jacob Langlois-Pelletier
S’il y a bien un rappeur qui ne cesse de se renouveler à chaque sortie, c’est assurément l’américain Denzel Curry. À la mi-juillet, le Floridien a fait paraître King Of The Mischievous South Vol. 2, une mixtape débordante de collaborations donnant suite à un premier volume paru il y a une douzaine d’années. Dans cet opus, il explore le dirty south, sous-genre issu du Sud des États-Unis.
Âgé de 29 ans et plusieurs projets de grande qualité derrière la cravate, il est dorénavant juste de dire que Denzel est l’un des pions les plus importants du rap actuel.
Débordant d’énergie sur scène, le MC rappe chacune des rimes de ses titres avec précision et finesse. Les festivaliers ont reçu exactement ce qu’ils obtiennent sur ses albums. Tout au long de sa prestation, Curry a multiplié les interactions avec la foule et déployé une aisance fascinante.
L’enfilade en baisser de rideau de ses titres les plus populaires Ultimate et CLOUT COBAIN | CLOUT CO13A1N a eu droit à une réception très bruyante de la foule, elle qui s’était montrée assez discrète depuis les premiers instants. Il faut dire que de placer le rappeur après le groupe punk Rancid et avant les Smashing Pumpkins et Green Day n’était peut-être pas la meilleure des idées…
Quoi qu’il en soit, la proposition du membre de la célèbre cuvée Freshman de 2016 fut honnête et bien balancée. Cependant, son offrande manquait ce petit quelque chose pour ne pas tomber dans l’oubli.
Osheaga, jour 2 | Olivia Dean, vent de fraîcheur en pleine canicule
par Jacob Langlois-Pelletier
En explorant la programmation de l’édition 2024, le nom d’Olivia Dean a grandement piqué ma curiosité. En épluchant sa mince et jeune discographie, j’y ai découvert une chanteuse soul inspirée par les grandes dames de ce genre musical. La Britannique cite les Carole King, Amy Winehouse, The Supremes et Lauryn Hill comme inspirations à sa musique.
Accompagnée d’un petit orchestre, la jeune artiste de 25 ans est vêtue d’une robe des plus colorées et se place aux avants du plateau. « Si c’est la première fois que vous me voyez en spectacle, j’ai une seule règle. Vous devez passer un bon moment! », lance-t-elle entre ses deux premiers morceaux.
C’est en grande partie du matériel issu de Messy, son seul album en carrière, que la native de Londres a fait découvrir à la foule. Elle a en aussi profité pour interpréter sa plus récente sortie intitulée Time, un morceau dans lequel elle explore des avenues plus rock qu’à l’habitude, ce qui lui va comme un gant.
Olivia Dean dégage une aura qui n’est pas de notre époque. Jazz, R&B, soul, pop; tout y est mobilisé. Visiblement captivés, les festivaliers ont scruté ses faits et gestes puis ont répondu présents vocalement.
45 minutes de prestation auront passé en un clin d’œil et on aurait voulu que ça ne se termine jamais.
Osheaga, jour 2 | New West, nouvelle sensation torontoise
par Jacob Langlois-Pelletier
Avec l’immense succès de leur titre Those Eyes, le collectif canadien New West n’a plus besoin de présentation. Cette année, les Torontois avaient la tâche d’ouvrir le bal à 14h.
Profitant d’une foule impressionnante pour un début d’après-midi en raison de l’arrivée imminente de la vedette Chappell Roan, le band formé de Kala Wita, Noel West, Lee Vella et Ben Key aura offert une performance inspirée et colorée.
Récipiendaire d’un Juno pour « Nouveau groupe de l’année » en 2024, New West propose un son diversifié dans lequel on retrouve entres autres jazz, R&B et indie.
Sur la grande scène du festival, Kala Wita a tout donné, se déplaçant de gauche à droite, chantant couché au sol et offrant des moments au piano. Cette performance aura permis d’en découvrir davantage sur la personnalité des différents membres du groupe.
Vocalement, Wita est juste et nous enveloppe avec des titres comme Stevie Nicks ou Guessing Game. L’échantillon est mince, mais l’avenir semble prometteur pour New West.
Crédit photo: Tim Snow
Osheaga, jour 1 : La maison japonaise contre la chaleur
par Lyle Hendriks
Alors que la chaleur (vraiment oppressante) de la journée s’installait, nous avons eu droit à un set phénoménal de The Japanese House, un groupe de dream pop britannique mené par la magnétique Amber Mary Bain. Soutenue par un groupe exceptionnel pour ce concert, Bain nous a pris doucement par la main et nous a entraînés dans son monde.
N’ayant jamais peur d’être un peu lent et sentimental, The Japanese House a offert un spectacle à faire swinguer. Le groupe a principalement joué des morceaux de son dernier album, In the End It Always Does (Dirty Hit, 2023), qui fait la part belle aux guitares acoustiques, aux rythmes décontractés, aux superbes harmonies à quatre voix et, bien sûr, à la voix captivante et parfaitement imparfaite de Bain elle-même.
Vulnérable et dépouillé, The Japanese House fait preuve d’une douceur insouciante qui s’exprime clairement en live. Chaque membre du groupe reste strictement dans son domaine, et pourtant la musique afflue comme un raz-de-marée amical – douce, sucrée et englobante.
Bain rayonne de gentillesse entre les morceaux, semblant vraiment heureuse d’être là et de partager ses chansons. Elle a même interrompu le spectacle au milieu d’une chanson lorsque quelqu’un s’est effondré d’épuisement dû à la chaleur dans la foule, ne reprenant le spectacle que lorsqu’elle a vu un infirmier arriver sur les lieux. Ces moments de compassion et de gratitude n’ont fait qu’ajouter à la beauté mesurée du spectacle dans son ensemble.
Photos: Benoit Rousseau pour Osheaga
Osheaga, Jour 1 : Fcukers le fait avec les lumières allumées
par Lyle Hendriks
Pour la plupart des groupes musicaux qui débutent, recevoir un appel d’Osheaga un jour avant l’ouverture serait un rêve devenu réalité. Mais pour les Fcukers, trois groupes de NYC, qui ont apparemment réussi à attirer l’attention de Beck, Clairo, Yves Tumor et Julian Casablancas, en plus d’avoir fait une tournée sur quatre continents au cours de leurs dix premiers spectacles, j’imagine qu’obtenir un créneau dans le plus grand festival du Canada pour remplacer l’annulation de Sleater-Kinney à la onzième heure ressemblait à une affaire normale.
Cette confiance rayonnait de chaque membre alors qu’ils rebondissaient sur la scène, avec des breakbeats haletants et des lignes de basse sexy qui ont lancé les choses sur un ton plutôt sulfureux pour une performance d’après-midi. Il s’agit d’une musique de gens chauds, que l’on apprécie davantage en la faisant résonner sur les murs des toilettes d’un club sale pendant que l’on fait quelque chose d’illicite dans une cabine.
La chanteuse Shanny Wise semblait s’amuser comme une folle alors que la foule commençait à s’amasser devant elle, prenant son meilleur accent de fille de la vallée lorsqu’elle annonçait leur nom (qui se prononce « Fuckers », soit dit en passant) entre les chansons. La batterie fournie par Ben Scharf était vraiment immaculée, un hybride gracieux et mesuré entre des 808 en plein essor et des percussions en direct qui ont transformé ces morceaux de club en un mélange live irrésistible. Parallèlement, le DJ/producteur Jackson Walker Lewis nous a offert une combinaison exceptionnelle de basse analogique et de synthétiseur, qui ressemblait à un Terminator de la génération Z avec ses lunettes de soleil enveloppantes et sa performance aussi froide que de la glace.
Dans l’ensemble, les Fcukers sont venus pour faire la fête. Et même s’ils méritaient sans doute une émission de fin de soirée pour s’éclater, ils sont aussi très bien avec les lumières allumées.
Photos by Benoit Rousseau
Festival de Lanaudière | L’OSM et Payare au service de Mahler, un samedi parfait
par Alain Brunet
Ce fut un samedi 3 août tout simplement parfait au Festival international de Lanaudière, avec l’OSM et son chef Rafael Payare. L’amĥithéâtre Fernand-Lindsay y accueillait l’exécution exemplaire de la Symphonie no 7 en mi mineur de Gustav Mahler, seule œuvre au programme.
Fidèle à lui-même, le chef principal de l’orchestre montréalais a insufflé beaucoup d’éclat et de ferveur à cette œuvre magistrale, mettant en lumière tous les éléments de son orchestre essentiels à la réussite de son exécution. Entre autres ravissements, on aura remarqué l’excellence des cuivres et des bois, respectivement dans le premier et le deuxième mouvement.
D’une durée de 77 minutes, cette immense symphonie déclinée en 5 mouvements, aussi nommée Chant de la nuit, fut composée de 1904 è 1905. Intitulés Nachtmusik I et II, les mouvements 2 et 4 avaient été imaginés avant les autres et en constituent le corps thématique, empreint de mystère et de clairs-obscurs.
Mais… le premier (Langsam-Adagio) et le dernier mouvement (Rondo- Finale) expriment au moins autant de génie. Le sombre thème d’introduction et de conclusion du premier mouvement donne le ton à cette œuvre fantastique qui passe aisément de l’onirisme joyeux aux ambiances spectrales, ce qui semble dépeindre avec justesse le for intérieur du compositeur.
Chaque mesure de cette œuvre colossale comporte des procédés compositionnels extrêmement raffinés et complexes, on se dit en temps réel que son concepteur disposait d’une palette hallucinante. Les amateurs de musique moderne y détectent l’actualité criante du propos mahlérien, soit une réelle transition entre les périodes romantiques et modernes.
Autre caractéristique importante, l’insertion de musiques populaires (marches, valses, etc.) dans une œuvre aux formes visionnaires et cérébrales, ce qui produit une étrange impression d’entrée de jeu. Mais on finit par admettre ce trait de la personnalité créatrice de Mahler, on se rappelle qu’il a maintes fois procédé de cette manière au long de son parcours.
Voilà certes une des symphonies annonciatrices de cette première phase de la modernité, clairement démarquée par ses innovations harmoniques et orchestrales. Sous la direction de Payare, l’OSM en proposait une version éloquente où les séquences introspectives ont été transmises avec justesse et les moments les plus intenses sont soulignés à grands traits.
L’ovation de la foule fut assez puissante pour Payare revienne sur scène afin d’y récolter l’amour des mélomanes et de le partager avec ses interprètes. Lorsqu’il quitta définitivement, le tonnerre gronda et l’orage éclata un peu plus tard, lorsque nous étions à bord de la voiture. Samedi par-fait, disions-nous.
crédit photo: Annie Bigras pour le Festival de Lanaudière
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OSHEAGA 2024 : Mannequin Pussy nous mâche et nous recrache
par Stephan Boissonneault
J’adore voir un groupe qui n’a pas peur ou qui ne s’excuse pas d’emmener un public à travers ses croyances politiques et personnelles. Les punks thrash de Philadelphie, réunis au sein de Mannequin Pussy, forment un groupe de quatre personnes qui combinent le punk des années 90 et la musique de guitare thrash rapide/sludgy sous un tourbillon de batterie, de basse floue et de la voix de Marisa « Missy » Dabice.
C’est un groupe qui porte un message, celui de s’aimer soi-même et de dire un énorme Fuck You à tous ceux qui ne sont pas d’accord avec ce sentiment. Normalement, je n’aime pas les groupes qui font passer leur message tout au long de leur set, mais pour le set de Mannequin Pussy à Osheaga, c’était nécessaire et cela faisait partie du spectacle. Sur le plan instrumental, plusieurs groupes rappellent Mannequin Pussy – Amyl and The Sniffers (qui, fait amusant, jouent dimanche), Gouge Away, le groupe Hole des années 90 Live Through This , et même les Montréalais Whoredrobe – mais personne n’arrive à égaler la ténacité et la présence sur scène de Dabice.
Cette femme sait manier les mots et ses introduction aux chansons du dernier album, I Got Heaven, est magistrale et enjouée. Sain amalgame de sex-appeal, de rage débridée et de robe de bal pour vous attirer, parfois avec un murmure de call-girl sexy ou la gravité d’une femme punk en colère avec des cris douloureux. Elle veut vous exciter, vous faire croire que vous avez tout le pouvoir, puis vous l’arracher rapidement pour elle-même.
Cette femme pourrait facilement se trouver à la tête d’une secte, alors réjouissons-nous qu’elle diffuse un message positif, anticapitaliste, anti-guerre et anti-patriarcat. La figure de proue de Mannequin Pussy a une tribune et elle en est consciente. La rhétorique de Dabice sur l’hypocrisie de l’église était également palpable avant de plonger dans Split Me Open, et sa critique vicieuse des riches hommes blancs était littéralement de la musique pour les oreilles. En ce qui concerne son style vocal, on a l’impression qu’elle vous lit une histoire alléchante à l’heure du coucher, puis qu’elle vous lance un cri de deuil. C’est comme de l’ASMR poussé à travers un broyeur de bois qui crache. Il n’y a pas moyen de le dire autrement à ce stade.
Les autres membres de Mannequin Pussy méritent également des éloges. Le bassiste Colins Regisford est très précis et a son propre moment de chant qui fait penser à Bad Brains. La guitariste Maxine Steen a ce style hyper grunge et thrash metal qui rappelle un peu Anthrax, mais qui éclate ensuite en drones discordants. Je pourrais honnêtement la regarder jouer de la guitare pendant des heures. Le chaos sonore est maintenu par le batteur Kaleen Reading, ce qui permet à Dabice de vraiment s’éclater à certains moments.
Je suis curieux de voir à quoi ressemble le nouvel album et je doute sincèrement qu’il se rapproche de la messe de Mannequin Pussy en live.
« La dernière fois que j’étais ici, j’avais dit que j’allais revenir à Montréal et parler français. Mais je ne le parle toujours pas. Mais j’ai commandé mon souper en français ! », nous partage fièrement la chanteuse brésilienne Bïa Ferreira en anglais, alors qu’elle entame son deuxième concert à Montréal. Et tout comme la première fois, elle divise son concert en deux parties, l’une abordant l’amour et l’autre, revendicatrice et très engagée.
« Si vous sortez d’ici différents de lorsque vous êtes arrivés, alors j’aurai fait mon travail », ajoute-t-elle. Et c’est partie pour une entrée en matière sous forme de prière alors que sifflement, voix et guitare se mêlent pour nous livrer un beau cocktail sonore. En effet, elle est peut-être seule sur scène avec sa guitare, mais par moments, on a l’impression qu’ils sont cinq.
Elle nous sert également du Xote, un rythme musical brésilien qui se danse souvent à deux. « Quand j’ai écrit cette chanson, j’étais très en amour. Mais j’étais la seule qui aimait », nous dévoile-t-elle. Avec sa voix qui porte et son timbre particulier, elle maitrise son rapport avec le micro, sachant quand il faut s’en éloigner ou s’en approcher. Avec mon amie Juliana qui est tout aussi mélomane que moi, on se disait que sa musique était à la fois empreinte de blues, jazz, soul, gospel, le tout à saveur brésilienne. Sa signature reste le sifflement qui revient dans plusieurs chansons et qu’elle maitrise très bien, mais aussi les nombreux autres bruits qu’elle fait avec sa bouche, en plus du beatboxing. D’ailleurs, sur un de ses morceaux, elle rajoute un bout de Easy Like a Sunday morning, de Lionel Richie, ce qui surprend mais plait tout de suite à l’audience.
« La dernière fois que j’étais ici, c’était en février et il faisait très froid. Alors je me suis dit qu’il fallait que je revienne en été. Et je suis là ! » sous les applaudissements du public.
Sur le morceau Saudade, on a parfois l’impression d’entendre du cajón et parfois du piano, alors qu’elle fait tout cela avec sa guitare. Elle termine ensuite avec un rythme bossa nova, ce qui vient rajouter du relief au morceau. « C’est difficile de traduire Saudade. Ce n’est pas “Tu me manques”! C’est autre chose, c’est un sentiment qui te rend malade ! »
Bïa Ferreira est également une excellente conteuse. Elle prend le temps d’expliquer toutes les chansons mais même durant certains morceaux, elle nous raconte des histoires, parfois avec un débit vocal très rapide mais toujours théâtral. C’est le cas notamment sur Molho Madeira, qui va figurer dans le prochain album d’Ellen Oléria, mêlant des passages où elle parle et elle rap, valsant entre douceur et agressivité, tapant sur sa guitare qui lui sert de percussions.
« Toutes les églises ont une chorale. Alors pour terminer cette première partie, j’aurai besoin de vous sur la chanson Levante a bandeira do amor, aux accents de raggamuffin.
La deuxième partie, plus engagée et plus politique, débute avec un a capella reprenant Zé do Caroço, de Seu Jorge,un classique de la musique brésilienne.
Après un hommage à Leci Brandão, la reine du samba, elle débute la deuxième partie avec un morceau reggae très rythmé, avec un peu de beatboxing, ce qui donne le ton à ce qui arrivera. Elle rend d’abord hommage aux femmes à travers le monde dans Não precisa ser Amélia, dans laquelle elle crie par moments, laissant paraitre ses cordes vocales en pleine action. Le summum de la soirée à mon avis est lors de la chanson Diga não (ou Dîtes non !), dans laquelle elle dénonce le silence face au génocide qui sévit en Palestine. « En restant silencieux, vous choisissez un camp. Votre silence aide les oppresseurs ! » La salle participe fortement et prend son rôle de chorale très au sérieux, surtout sur le morceau A conta vai chegar (ou la facture va arriver) faisant allusion aux dettes liées à la colonisation.
Elle a terminé sur une bonne note avec Sharamanayas, principe qui consiste à garder ce qui est bon pour nous, et se débarrasser de ce qui est mauvais. Une chose est sûre, le concert de Bïa Ferreira a fait du bien aux spectateurs venus la voir, même si je me serais attendue à une salle plus comble, comme lors de son premier passage. Alors que nous sortons à peine du Festival Nuits d’Afrique, cet événement a peut-être échappé aux radars de plusieurs adeptes de sa musique.
Le soir du vendredi 26 juillet, Yannick Rieu lançait son dernier album, Symbiosis, à Dièse Onze. Accompagné sur scène et sur disque par de solides musiciens plus jeunes que lui (une pratique éprouvée dans les carrières d’Art Blakey et de Miles Davis, pour ne nommer que ceux-là), ses interactions musicales avec ses collègues semblaient en effet s’apparenter à une sorte de symbiose qui élevait la musique et l’expérience de son écoute.
Sur le plan de la composition, Rieu explique dans les notes de pochette de l’album que les pièces de Symbiosis ont été inspirées par la musique de Brahms, qui l’a toujours ému. Rieu a cependant cherché à invoquer l’esprit de Brahms sans nécessairement se limiter au vocabulaire harmonique et formel que l’on peut attendre d’un tel exercice. En conséquence, je dois admettre que je n’ai perçu qu’une ressemblance ténue ; et je soupçonne que c’est seulement parce que j’ai été informé à l’avance de l’objectif de canaliser le compositeur allemand.
Quoi qu’il en soit, le jeu (et la composition) ont été réalisés à un très haut niveau, Johnathan Cayer, Rémi-Jean Leblanc et Louis-Vincent Hamel apportant tous leurs compétences à la musique de leur employeur chevronné. Parmi les points forts, citons l’impressionnante dextérité de Leblanc à la basse, la solide composition de Cayer avec ses harmonisations brillantes, le ton puissant de Rieu et le jeu de batterie dynamique de Hamel qui, grâce aux micro-mouvements de ses poignets et doigts, a pu réaliser des motifs proches de la batterie et de la basse à certains moments.
Tout cela a généré l’appréciation d’un public qui a rempli le club presque à ras bord. Je dirais donc que ce lancement du nouvel opus de Rieu, jazz contemporain cette fois inspiré par la période romantique, s’est déroulé aussi bien qu’on pouvait s’y attendre.
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