PAN M 360 aux Nuits d’Afrique | Alberto Salgado transforme le Balattou en laboratoire percussif
par Michel Labrecque
L’auteur-compositeur brésilien me l’avait dit en entrevue : « Je fais de la MPB, de la musique percussive brésilienne », faisant un jeu de mot avec la signification réelle de MPB (Musique populaire brésilienne). Nous avons pu constater, jeudi soir au Balattou, qu’il disait vrai.
Le guitariste et chanteur originaire de Brasilia nous a offert un concert en deux parties, constitué très largement de morceaux de ses disques Além do Quintal et Cabaça de Agua, ainsi que de l’album à paraître Tutorial de Ebo. La température a rapidement monté dans le club dédié aux musiques du monde.
Alberto Salgado est entouré d’un groupe musical restreint : Marcelo Marinho au cavaquinho, Valerio Xavier au pandeiro (petit tambour) et autres percussions diverses, et un joueur de triangle (ben oui!) occasionnel. Cela tranche avec la multitude d’instruments, y compris électroniques, qu’on entend sur ces enregistrements studio. En revanche, les accompagnateurs débordent d’énergie communicatrice. De quoi alimenter la Place Ville-Marie en électricité!
Marcelo Marinho est le John McLaughlin du cavaquinho, cette guitare minuscule aux notes aiguës. Il multiplie les envolées en solo, dévalant les notes par dizaine à la seconde. C’est lui qui assure la fondation mélodique du groupe, avec la voix et la guitare d’Alberto Salgado.
La guitare de Salgado est très percussive, c’est ce qui nous ramène à cette idée de musique très axée sur le rythme. Il y a des rythmiques de forró, de samba, d’afro-brésilien, souvent très subtiles. C’est une force essentielle de la musique brésilienne, au-delà de la Bossa-Nova et des formes plus connues chez nous.
C’est ce qui a fait que le Balattou s’est transformé en laboratoire percussif. En plus des musiciens, tout le public battait du pied ou tapait sur la table ou sur ses cuisses. Celles et ceux qui ne tapaient pas se sont levés pour danser.
Alberto Salgado et ses musiciens parlent un anglais très limité, ce qui les a privés de nous partager leurs univers au-delà de la musique. Mais ça n’a pas empêché le public de sentir la communion et le désir de partage.
PAN M 360 aux Nuits d’Afrique | Guinée en cirque !
par Alain Brunet
Premier « gros » spectacles des Nuits d’Afrique 2024, Afrique en Cirque s’est déployé mercredi à l’Olympia de Montréal dans une salle pleine. Il avait de l’appétit pour ce cirque afro-québécois, axé cette fois autour de la culture guinéenne, typique de l’Afrique de l’Ouest.
« J’ai travaillé pour presque tous les cirques québécois à l’international et j’ai trouvé qu’il manquait quelque chose, les acrobaties africaines me manquaient. J’ai donc voulu monter un spectacle qui parlait de mon pays d’origine qui est la Guinée », explique Yamoussa Bangoura, fondateur de la troupe. Multi-instrumentiste et acrobate, le leader de Kalabanté s’est penché sur le legs traditionnel de Guinée, sa patrie d’origine, pour en tirer une série de tableaux musico-circassiens, échelonnés sur environ 90 minutes.
Dynamique, impressionnant, palpitant, divertissant, humoristique, festif, martial, athlétique, virtuose. Voilà autant d’épithètes pour décrire ces manœuvres acrobatiques et chorégraphiques de haute voltige. Quatre hommes et deux femmes dont certain.e.s s’avèrent des contorsionnistes hallucinants, adaptent les arts du cirque aux traditions africaines. On en reproduit les pratiques quotidiennes et traditionnelles comme la pêche, le marché, la fête au village, sans compter quelques clins d’œil à la vie occidentale comme ce numéro hilarant de mâles musclés à la Village People.
Trois musiciens les accompagnent (basse, batterie, saxophone, pédales d’effets, etc.), sans compter le maître de piste qui est en fait le musicien principal (kora, chant djembé et autres percus) en plus d’être acrobate et directeur artistique de Kalabanté. Installé à Montréal depuis plus de deux décennies, Yamoussa Bangoura connaît fort bien nos pratiques circassiennes, parmi les plus innovantes au monde, bien au-delà du Cirque du Soleil. Percussionniste aguerri, il a insufflé la pratique des percussions à ses collègues acrobates qui contribuent régulièrement à marteler de gros tambours, dont les horizontaux rappellent un tant soit peu le kodo japonais.
La direction musicale est hybride, entre la musique traditionnelle mandingue et la musique moderne occidentale (funk, une touche de jazz, etc.). Rien de sorcier lorsqu’on connaît ces styles, mais solidement exécuté. De cette soirée, il faut surtout conserver le souvenir d’une appropriation légitime du cirque universel par la riche culture d’Afrique de l’Ouest.
PAN M 360 aux Nuits d’Afrique 2024 | Kirá a mis le feu au Balattou
par Sandra Gasana
Accompagné de son batteur, percussionniste, bassiste et guitariste, Kirá a lancé le coup d’envoi de la 38ème édition du Festival Nuits d’Afrique, muni de sa guitare. C’est une salle comble qui attendait le fils de Manu Chao au Club Balattou hier soir, alors qu’il en est à sa première visite dans la métropole.
« Y a-t-il des Brésiliens dans la salle ? », demande-t-il. « Je suis content de partager ça avec vous », dit-il en anglais. Contrairement à plusieurs concerts donnés par des Brésiliens, celui-ci avait un public diversifié et multigénérationnel. Il alterne entre ses deux derniers albums, Semente de Peixe et Olho Açude, l’un étant plus introspectif et l’autre tourné vers l’extérieur.
Le public s’est mis à danser très tôt dans le concert, et plus le spectacle avançait, plus c’était difficile de rester assis. Les chœurs étaient assurés par le percussionniste et le guitariste, alors que le bassiste se faisait discret. Parfois, dans la même chanson, nous avions un changement complet de rythme, mélangeant parfois le reggae avec du baião ou du maracatu. Nous avons eu droit à des solos de guitare époustouflants avant d’écouter le morceau Mar Mangão. « Là, nous allons à la mer, dans la côte est du Brésil », nous explique-t-il avant ce morceau.
C’est lors de la 2ème partie du spectacle qu’il dévoile son côté bête de scène, notamment lorsqu’il met de côté sa guitare pour mieux danser. La scène du Balattou était clairement trop petite pour les envolées de danse de Kirá.
« Nous existons grâce à vous, alors merci de nous faire exister, de nous faire jouer, chanter, d’être en vie avec nous », confie-t-il entre deux chansons. On sentait une bonne synergie entre les musiciens, et Kiráinteragissait avec eux souvent durant le spectacle. « Là, on va direct à Bahia » dit-il en portugais avant de laisser sa guitare de côté et là, c’est la folie totale sur scène. Il fait sauter le public, il leur fait faire des mouvements de danse, il leur demande de descendre au sol et de remonter en sautant, ce qu’ils font avec grand plaisir. Il remercie la foule en français, en espagnol et en portugais, changeant de langues d’une chanson à l’autre. Il prend le temps de remercier chacun des musiciens, le technicien de son et le festival Nuits d’Afrique, sous les applaudissements de la salle. « C’est la dernière chanson, nous avons besoin de votre énergie maximale », demande-t-il avant de jouer son plus récent succès Bota Pra Rodar. « C’est la folie, cette chanson, au Brésil », nous apprend-il, avant de poursuivre avec deux ou trois morceaux, un peu plus rock. Je ne serais pas surprise de le revoir très vite à Montréal, sur une plus grande scène qui lui permettra de danser à sa guise.
Après les flûtes désenchantées d’André 3000, le FIJM en salle se concluait par celles, plutôt enchanteresses, de l’Afro-Britannique Shabaka Hutchings, un des chefs de file du renouveau jazz à Londres comme on le sait depuis une décennie -The Comet Is Coming, Sons Of Kemet, Shabaka and the Ancestors, etc. Cette fois, le optait pour une collection de flûtes artisanales ou traditionnelle, essentiellement des flûtes japonaises shakuhachi.
Étant un authentique interprète d’instruments à vent (saxophones, clarinettes) avant de donner priorités aux flûtes asiatiques qu’il se permet d’africaniser dans un mini-album sorti il y a 2 ans (Afrikan Culture) et un autre lancé le printemps dernier (Perceive its Beauty, Acknowledge its Grace), il sait extirper des sons divers de ces petits instruments et construire des phrasés mélodiques tout à fait défendables. Les flûtes disposées sur la table sont jouées de différentes façons, certaines mode traversière, la majorité en mode flûte à bec. Chacun de ces bois émet des sonorités distinctes, leur interprète choisit souvent d’en exploiter les timbres tout en tissant des mélodies relativement limitées, vu les échelles de fréquences imposées par ces petits instruments à 5 trous dont l’atteinte de la justesse est toujours un défi.
Les accompagnements de ces flûtes solistes sont relativement sobres pour ne pas dire discrets, que ce soit la harpe de Brandee Younger (nettement plus engagée chez Makaya McCraven la veille), la basse de Junius Paul (autre sideman de Makaya) ou les percussions d’Austin Williamson. Cette soirée du samedi 8 juillet ne passera pas à l’histoire, nous n’en sommes vraiment pas aux premières expériences pour flûtes et jazz acoustique contemporain. Mais ce fut relaxant et agréable, même si peu excitant dans la conception comme dans l’exécution.
Crédit photo Benoît Rousseau pour le FIJM
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Karma Glider, The Wesleys et Sun Entire apportent le soleil au Quai Des Brumes
par Lyle Hendriks
Si certains privilégient avant tout une soirée musicale cohérente, je n’ai personnellement jamais eu de problème avec le fait que trois groupes très différents se partagent la scène pendant une soirée. C’est exactement ce qui s’est passé dans le cadre intime et faiblement éclairé du Quai des Brumes, où nous nous sommes retrouvés pour un mélange éclectique de musique électronique, de rock universitaire et de pop rétro.
La plus grande surprise de la soirée est venue très tôt avec Sun Entire, un trio qui dépasse de loin la somme de ses parties. Ce qui aurait pu être une écoute sombre (en grande partie grâce au chant déchirant de la poétesse June Moon) a été rendu vivant par les rythmes trip-hop irrésistibles d’Ivann Urueña et la guitare de Nico Serrus. Renouant avec les breakbeats croustillants et les rythmes aériens de la pop rock des années 2000, Sun Entire a marché sur le fil du rasoir entre des ballades profondément émotionnelles et des numéros de danse carrément groovy. À la fin de leur set, on peut dire qu’ils ont conquis la salle avec un son qu’aucun d’entre nous n’avait jamais entendu auparavant.
Le groupe The Wesleys, dont vous avez probablement entendu parler si vous avez assisté à un spectacle à Montréal au cours de la dernière année, était le suivant. Jeune et débordant d’énergie, ce groupe est la définition même du bon plaisir, comme un groupe de fête collégial qui a grandi et qui vise le grand jour. Avec les quatre membres qui se relaient au micro et le tempo qui ne faiblit jamais, il est difficile de trouver quoi que ce soit à redire sur les Wesleys et leur mélange unique d’indie-pop rock et de punk. Comme à chaque fois que je les ai vus, les Wesleys avaient l’air complètement excités de jouer – une énergie qui a été facilement rendue par le reste d’entre nous.
Enfin, nous avons eu droit à un set exceptionnel de notre attraction principale, Karma Glider. Il y a quelque chose dans ce groupe qui est à la fois moderne et ancré dans les traditions de l’indie rock d’il y a une ou deux décennies. Évoquant des sons d’Oasis et de The Killers, le leader Susil Sharma apporte quelque chose d’unique avec sa voix décontractée et sans effort et ses coups de guitare étrangement nonchalants et fulgurants. Le groupe respire la confiance, nous invitant dans un tourbillon de sonorités jangly et de basses gutturales dans lequel il est facile de se perdre, comme si l’on perdait la notion du temps par un après-midi d’été. À la première écoute, Karma Glider peut sembler simple – de la musique facile pour une écoute facile – mais ce concert a montré le véritable travail et le talent qui se cachent derrière les coulisses de cet ensemble élégant et ensoleillé.
En fin de compte, c’était une soirée d’été chaude, douce et brumeuse, avec la musique qui va avec, et je recommanderais n’importe quelle combinaison de The Wesleys, Sun Entire, et Karma Glider à ceux qui recherchent des sons adaptés à la saison.
PAN M 360 au FIJM 2024 | L’assomption de Milena Casado
par Alain Brunet
Lorsqu’on fouille un tantinet sur le web afin de trouver des contenus de Milena Casado, on apprend de sa bouche même qu’elle a été élevée par une mère espagnole monoparentale et d’un père absent de République dominicaine – qu’elle a connu plus tard. Métisse afro-espagnole, cette jeune femme hyper douée a découvert l’assomption heureuse de son identité multiple par le jazz. Cette forme, selon ses propres mots, l’a autorisée à exprimer pleinement l’être humain qu’elle est et ainsi atteindre son plein potentiel.
Au sortir d’un concert gratuit donné au Pub Molson sur L’Esplanade Tranquille et ce dernier samedi du FIJM 2024, on peut aisément affirmer qu’elle est sur la bonne voie!
Trompettiste et bugliste aguerrie, de fort belle sonorité et d’une articulation des plus fluides, Milena Casado est aussi une soprano encline à d’élégantes vocalises qu’elle pose sur des grooves funk pas piqués des vers. L’esthétique jazz post-bop et et les explorations polyrythmiques de type M-Base font aussi partie de sa palette, l’amalgame est typique du jazz contemporain de la période actuelle.Très au fait des avancées technologiques en relation avec la musique improvisée, la musicienne peut aussi modifier en temps réel les textures de son instrument.
Assistée d’un ensemble jazz de très bonne tenue (trompette, claviers, saxo électronique, contrebasse, batterie), d’un calibre clairement international, Milena Casado propose un répertoire de ses compositeurs dont l’inspiration première est l’amour-propre, l’écoute de la petite voix intérieure. Le jazz de Milena Casado est une continuité sans rupture avec les formes que l’on connaît. On devine que la musicienne, compositrice et leader parachève l’édifice de son identité musicale, ce qui nous motive d’autant plus à suivre sa trajectoire.
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PAN M 360 au FIJM 2024 I L’univers mystifiant du Cinematic Orchestra, un film en direct
par Stephan Boissonneault
J’ai vécu une expérience bizarre au collège, où je me suis débattu avec mon identité. Pendant cette période, j’ai parfois eu besoin de m’évader, c’est ce qui s’est passé avec l’album Man With A Movie Camera(2001) de The Cinematic Orchestra, que j’ai écouté en boucle sur mon ordinateur personnel et sur mon appareil mp3 Sony Bean. C’est donc avec une certaine nostalgie que j’ai accueilli The Cinematic Orchestra sur la scène principale du FIJM pour interpréter cet album en direct, un samedi soir de clôture.
Je n’ai vraiment écouté que deux des albums de The Cinematic Orchestra, mais je n’avais jamais imaginé que je les verrais un jour en concert. Je n’avais d’ailleurs pas vraiment envie de les voir sur scène car, pour moi, leur musique semblait être mieux servie sur enregistrement, où l’on écoute les partitions de films imaginaires dans sa propre tête. J’avais tort.
L’un des aspects que vous devez comprendre à propos de The Cinematic Orchestra est qu’il y a beaucoup de pièces en mouvement ; une batterie jazzy constante, un florilège de synthétiseurs et d’échantillons, une contrebasse bien droite et bien serrée, et la pièce de résistance, l’art vidéo en direct créé par le fondateur, Jason Swinscoe. Pendant que le groupe construit les chansons, Swinscoe passe d’une caméra à l’autre, reliée à un projecteur, et manipule ses images en direct ; il y ajoute des images kaléidoscopiques et des effets de déformation, le tout filmé en noir et blanc pour créer une ambiance de film muet. Il lui arrive aussi de jouer avec une machine à écrire sur fond de nu jazz, les effets sonores de la frappe s’accordant parfois avec la batterie ou les claviers et racontant les images du projecteur en temps réel.
Je n’ai jamais vu un spectacle comme celui-ci et la musique était fantastique, remplie d’un tourbillon de riffs qui restent avec vous après une première écoute, mais la composante visuelle est ce qui vaut la peine d’être écrit. Swinscoe est un maître de la vidéographie, probablement un gars qui a des centaines de caméras chez lui, sachant quand improviser et impliquer la foule. Les moments les plus mémorables ont eu lieu pendant le rappel, lorsque Swinscoe a filmé la foule avec un effet de cascade, des corps sur des corps, des visages sur des visages, tous s’écrasant lentement les uns sur les autres pendant que le titre phare To Build A Home était joué. C’était vraiment majestueux et les mots ne peuvent pas lui rendre justice.
Avant l’entrée sur scène du trio qui fait fureur au Brésil, Gilsons, leur percussionniste Ricardo Guerra et leur trompettiste Osiel Junior s’installent d’abord avant d’accueillir José, João et Francisco Gil, sous les applaudissements d’un public majoritairement brésilien. Tous vêtus de bleus et de blanc pour l’occasion, les trois descendants de Gilberto Gil ont une complicité indéniable sur scène, ce qui rend l’atmosphère agréable d’emblée.
Ils débutent avec Pra gente acordar, qui figure dans l’album qui porte le même nom, paru en 2022. Au centre de la scène, Francisco qui chante la plupart des morceaux, avec José et João, parfois aux chœurs, parfois uniquement à la guitare et/ou à la basse. C’est fascinant de les voir interchanger les guitares tout au long du spectacle, une véritable chaise musicale mais avec les guitares. Ils enchaînent avec Algum ritmo, une collaboration avec Jovem Dionisio.
En fait, ils ne sont pas tous fils de Gilberto Gil, comme je pensais, mais seul José est le fils, tandis que João et Francisco sont les petits-fils du grand nom de la musique brésilienne. « Nous sommes contents d’être ici, pour la première fois au Canada », nous partage José, avant de poursuivre avec Vento Alecrim, tiré de l’album Varias Queixas, paru en 2018. Cet opus fusionne plusieurs styles tels que la samba, le rap, le funk, l’afoxé mixés avec de l’électronique.
Pour le morceau Vem de là, c’est José qui prend le lead cette fois-ci et les deux autres font les chœurs, tout en encourageant le public a chanté avec eux sur Devagarinho, sur laquelle ils ont collaboré avec Mariana Volker. La complicité de trois artistes est palpable tout le long du concert. Ils se taquinent, se parlent parfois à l’oreille en rigolant, se lancent des blagues à tout bout de champ.
Un autre morceau que la foule semblait apprécier, India, une collaboration avec Julia Mestre. C’est au tour de João de répéter à plusieurs reprises qu’ils sont contents d’être au Canada, qu’ils n’auraient jamais imaginé que leur musique les aurait amenés jusqu’ici, suivi d’applaudissements.
Lorsqu’ils jouent les premières notes de Swing de Campo Grande, la foule se met à crier et à se trémousser aux rythmes de la musique. Idem avec Love, Love sur laquelle ils font chanter le public avec des lalalala sur fond de trompette délicieuse à l’oreille.
Ils alternent entre les deux albums, avec A voz, ou Proposta, qui contient des solos de João à tomber à la renverse. Ils ne pouvaient pas clôturer le show sans chanter Varias queixas, le tube qui a mis ce trio sur la map, comme on dit.
Le rappel est arrivé très vite, sous les cris « Eu não vou embora » ou « Je ne m’en vais pas », de la foule qui tapait du pied, faisant trembler le plancher du National. Ils reviennent donc pour nous partager Um so, Duas cidades et Voltar na Bahia, en intégrant le cavaquinho de José, qui s’amuse aussi sur les percussions par moments, laissant les deux autres dialoguer avec leur guitare. Ils reprennent ensuite quelques classiques de samba, comme Alguém me aviso, de Dona Ivone Lara, au grand plaisir des spectateurs qui semblent apprécier le long rappel. Mon coup de cœur restera certainement João, dont la voix s’apparente le plus à celle de Gilberto Gil, et qui semble être le rebelle du trio. Et on aime tous les rebelles, n’est-ce-pas ?
La première partie a été assurée par une chanteuse brésilienne de Toronto, JØY Brandt, qui a partagé plusieurs de ses compositions originales avec le public, telles que son plus récent morceau Vem. Elle a aussi fait le plaisir de l’audience lorsqu’elle a repris la chanson classique d’Edson Gomes Árvore qu’elle a revisité en y mettant sa touche. Elle était accompagnée pour l’occasion par des musiciens tous originaires de Bahia, le percussionniste et batteur The Real WheresBaiano, Bernardo à la guitare et Luciano Vila Nova à la basse. Bien entendu, tout cela n’aurait pas été possible sans les Productions Showzaço, plus particulièrement Ulysses de Paula, qui nous ramène des artistes de haut calibre à Montréal depuis quelques années déjà. Entre Emicida, Zeca Pagodinho, Nando Reis et bientôt Jorge Aragão en août, il n’a plus besoin de faire ses preuves. Ce visionnaire est devenu un joueur clé dans la scène artistique brésilienne au Canada.
PAN M 360 au FIJM 2024 | George Coleman à l’Upstairs, le pari d’un quasi nonagénaire
par Alain Brunet
Tant qu’on ne peut en témoigner, le concert d’un octogénaire, voire quasi nonagénaire, est loin d’être un succès assuré. Il se peut même que la performance soit pire que la plus récente de Joe Biden… Il arrive qu’une vieille personne ne peut plus offrir grand-chose sauf sa propre légende, il vaut mieux alors rester à la maison. Ce ne fut heureusement pas le cas de George Coleman, 89 ans, pas arrêtable ! Et pas un seul cheveu gris, avons-nous noté. Nous sommes bel et bien à l’aube de la trans-humanité!
Blague à part, ce désormais mythique tenorman, invité deux soirs consécutifs à l’Upstairs cette semaine, manifestait une verdeur remarquable, bien assis devant son ténor. Jeudi soir, son petit ensemble était constitué du batteur Darrell Green et du contrebassiste Ira Coleman – aucun de lien de parenté avec son employeur, on exclut également les équipements de camping de ses accointances.
S’ajoute à ce noyau un invité aux ivoires, Montréalais d’adoption depuis qu’il y enseigne au niveau universitaire : le pianiste français Jean-Michel Pilc accepte de relever moult défis dont celui d’accompagner George Coleman, visiblement satisfait de cette contribution virtuose à sa propre escale montréalaise. On peut le comprendre. Pilc a une maîtrise admirable du répertoire ici proposé.
Et quel est ce répertoire ? Bebop et hardbop dans les thèmes et progressions harmoniques, swing polyrythmique jamais éloigné du blues, et pourquoi pas Some Day My Prince Will Come ou même la Fille d’Ipanema en fin de parcours ?
Grosso modo, se dit-on au sortir de ce set généreux et très sympa, les phrases de George Coleman n’ont certes pas le tonus de ses grandes années (50 et 60) , mais se dégonflent pas pour autant en cours d’exécution. De son saxo, le vieux sorcier extirpe des sonorités moins robustes et moins agiles mais riches, rondes, belles, sages.
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PAN M 360 au FIJM 2024 | Makaya McCraven devenu tête d’affiche
par Alain Brunet
Sous la gouverne du batteur et compositeur visionnaire Makaya McCraven, musicien de Chicago dont je suis un thuriféraire depuis quelques années, nous avons eu droit vendredi à des relectures de son matériel récent, surtout la matière de l’album In These Times, matière rendue publique l’automne suivant sa résidence au FIJM en juillet 2022. Moins de surprises, moins d’étonnement, mois d’excitation, autant autant de qualité et de brillance dans le jeu. Autant de compétence au sein du personnel mis de l’avant.
On imagine le ravissement des jazzophiles à leur première rencontre avec cette musique jouée en temps réel ! Ainsi, le Théâtre Jean Duceppe était plein à hauteur d’environ 90%, pour une prestation d’environ une heure et demie.
Il y avant Joel Ross, à l’évidence un virtuose du vibraphon qui eut l’occasion de démontrer toute sa science à deux maillets. Marquis Hill, trompette, a accompli toutes les tâches demandées par son employeur avec qui il travaille depuis un moment; l’exposition des thèmes était parfaite, les solos circonspects, sans éclat majeur.
Junius Paul, basse électrique, est un autre collaborateur fidèle de Makaya McCraven, et le soutien principal des extraordinaires figures rythmiques générées par la batterie. Le bassiste sait aussi chanter et s’exprimera aussi par sa voix dans l’excellent mashup de Makaya McCraven de sa musique avec celle de l’album I’m New Here de feu Gil Scott Heron, ceci incluant des extraits audio du poète disparu, et aussi d’un refrain chanté par le Junius Paul.
Quant à la harpiste Brandee Younger, on l’a entendue déjà dans cet environnement (sur disque comme sur scène), et on lui connaît aussi une carrière solo. Elle était à MTL en juillet 2023 et son concert fut vraiment apprécié au Studio TD. Côté Makaya, la harpiste fait corps avec l’ensemble, en tant que soliste douée et aussi en tant que génératrice d’harmonie. L’aura de la harpiste mythique Alice Coltrane n’est pas très loin. Encore une fois, on a pu constater la profondeur du batteur, certes l’un des plus innovants de la période actuelle.
On a hâte au prochain chapitre de Makaya McCraven mais il est encore temps de savourer ce qu’il a mis de l’avant jusqu’à ce jour. Avant a sortie de In These Times, le percussionniste avait créé des pièces inspirées des procédés électroniques pour les reconvertir en musique instrumentale. Vendredi soir, cette impression était moins forte, comme ce fut le cas à l’écoute de son dernier album.
Pourquoi donc ? Ce travail plus récent du compositeur intègre des codes esthétiques beaucoup plus proches du jazz moderne et du jazz groove. Les fondements rythmiques restent visionnaires, les approches mélodique et harmonique sont plus conservatrices, et c’est probablement pour cela que ça marche si fort auprès des mélomanes. Pour la suite des choses, en tout cas, soyons assurés que Makaya McCraven sera une tête d’affiche sur le territoire qu’il ratisse. Réjouissons-nous, très peu d’artistes d’une telle profondeur peuvent prétendre à un tel statut.
PAN M 360 AT FIJM 2024 | Fred Hersch, l’un des pianistes de jazz les plus appréciés de notre époque
par Varun Swarup
Le concert de Fred Hersch au Festival de jazz de Montréal, qui s’est déroulé comme il se doit vendredi soir dans la salle intime du Gesù, a été un véritable tour de force en matière d’interprétation au piano solo. À la fin, on avait la nette impression d’avoir assisté au travail d’un maître.
Le jeu de Hersch se caractérise par une extraordinaire précision d’articulation. Chaque note était produite avec clarté et détermination, mais le toucher restait délicat et nuancé. Cette précision lui a permis de traverser des passages complexes avec aisance, le toute en veillant à ce que les mélodies sous-jacentes restent claires, même dans les moments où les harmonies sont denses et les harmonies dissonantes. L’un des aspects les plus remarquables de la prestation de Hersch est peut-être son usage magistral du silence et de l’espace. Il laisse la musique respirer, créant des moments de calme profond qui ont renforcé l’impact émotionnel de son jeu.
Le répertoire était un voyage à travers un paysage musical diversifié, comprenant des œuvres de légendes du jazz comme Benny Golson et Thelonious Monk, ainsi que des compositions d’Antonio Carlos Jobim et des Canadiens Joni Mitchell et Kenny Wheeler. La capacité de Hersch à traverser sans heurt ces différents genres et styles témoigne de sa polyvalence et de sa profonde compréhension de la musique. Chaque morceau a été traité avec le plus grand respect et la plus grande attention, tout en étant imprégné de la touche d’improvisation caractéristique de Hersch, qu’il s’agisse d’une de ses propres compositions ou d’un standard réimaginé.
Les interprétations de Hersch étaient profondément personnelles, reflétant sa voix musicale unique et son lien profond avec les morceaux qu’il choisissait d’interpréter. Le rappel, And So It Goes de Billy Joel, a clôturé la soirée avec une tendresse parfaite, condensant les thèmes de l’introspection et de la résonance émotionnelle de la soirée. Il est facile de comprendre pourquoi il est l’un des pianistes de jazz les plus appréciés de notre époque.
PAN M 360 au FIJM 2024 | Erick the Architect, visite guidée à Brooklyn
par Jacob Langlois-Pelletier
« Puis-je vous emmener à Brooklyn ce soir ? » Voilà les premiers mots du rappeur, chanteur et producteur américain, Erick The Architect, lors de son entrée au Club Soda. Vendredi soir au FIJM, le tiers de l’iconique groupe new-yorkais Flatbush Zombies a transporté la foule au cœur de son histoire familiale et la réalité de son quartier d’enfance, tout en naviguant avec finesse entre hip-hop, rap, R&B, soul et dancehall.
En visite à Montréal pour y présenter I’ve Never Been Here Before, son premier album solo paru plus tôt cette année, « the Architect » a fait régner un climat de nostalgie dès les premiers instants. Du début à la fin, différentes projections d’archives de toutes sortes défilent derrière lui, allant d’une vielle partie de football à des extraits de l’émission Les Simpson, en passant par des enregistrements de jeux vidéo auxquels il jouait lorsqu’il n’était pas plus haut que trois pommes.
Un certain fil narratif conduit le spectacle: le MC discute pendant plusieurs minutes d’un membre de sa famille, enfile quelques morceaux qui y sont liés, puis répète le tout. Ainsi, les gens présents auront fait la connaissance de ses frères, sa mère, son père et même son chat.
Pourquoi l’artiste de 35 ans nous raconte-t-il tout ça? C’est simple: son entourage a façonné la musique qu’il fait aujourd’hui, que ce soit par l’amour de James Brown de la maternelle ou l’intérêt marqué de ses frangins pour le collectif Wu-Tang Clan. Les mordus de son œuvre auront certainement été séduits par les nombreuses anecdotes du rappeur, alors que les curieux diront que le rythme de la soirée en fut affecté.
Quoi qu’il en soit, les amateurs et amatrices présentes en auront eu pour leur argent vu la qualité des interprétations d’Erick the Architect, et ce pendant près de 120 minutes. Accompagné d’une DJ ainsi qu’une musicienne alternant entre clavier et basse, le rappeur a livré avec passion chacune des rimes de son dernier opus, tout en ayant une technique impeccable. Difficile de donner une performance plus juste, tout y était.
Ce qu’on retient le plus de son passage est sans aucun doute sa grande versatilité. Ça semble si facile pour l’architecte de voyager à travers ses différentes influences musicales, allant d’un morceau trap comme Parkour à l’excellente Breaking Point, une ballade pop envoûtante.
Près de deux heures après être monté sur scène, l’icône du rap psychédélique a conclu avec son succès disco Candle Flame, pièce collaborative avec le groupe soul-funk britannique Jungle. « Ce morceau vous fera danser et brûler les calories de vos poutines! », a-t-il lancé, sourire aux lèvres.
I’ve Never Been Before, à défaut de me répéter, est l’une des offrandes hip-hop les plus complètes et intéressantes à avoir été dévoilées depuis le début 2024. Nul doute, Erick the Architect est en train d’ériger de superbes fondations à sa carrière solo.
Crédit photo: Productions Novak
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