indie pop / indie rock

Karkwa, prise 2 | Une entorse au temps

par Théo Reinhardt

Tel qu’annoncé dans la critique précédente, une autre génération s’exprime ici sur le retour de Karkwa sur scène, question de rappeler que tout ressenti a ses particularités propres et doit être exprimé. À PAN M 360, nous ne croyons pas au relativisme des opinions et des goûts, mais lorsque nous avons l’occasion de faire valoir plus d’un point de vue sur un concert ou un enregistrement, nous le faisons. Et voilà le texte bien senti et bien construit de Théo Reihardt sur le show de Karkwa au MTELUS.

Karkwa au MTELUS? Si vous me l’aviez demandé avant cette année, c’était pour moi un album live enregistré lors de l’ultime concert du groupe en 2011. Un album que j’écoutais pour vivre une expérience par procuration.

Mais ce n’est heureusement plus le cas. Après 12 ans, Louis-Jean Cormier, François Lafontaine, Martin Lamontagne, Stéphane Bergeron et Julien Sagot sont de retour dans leur vieil uniforme, à fouler les planches du Québec. Et en fin de semaine, c’est leur occasion de revenir à leur vieux Metropolis, cette salle qui les a inscrit dans l’Histoire.

Attendez un peu… Qu’est-ce que je fais, moi, à aller voir Karkwa? J’ai 20 ans, on pourrait croire que le groupe aurait passé par-dessus la tête des gens de mon âge. Or, ce n’est décidément pas le cas. Disons que je ne me suis pas senti seul du tout dans la salle du MTELUS. On aurait pu supposer que la foule soit composée principalement de rockeurs de la génération Y, de trente-quarantenaires trippeux voulant rajeunir le temps d’une soirée. Mais non, si Karkwa accrochait les jeunes en 2010, ils en font autant aujourd’hui. Louis-Jean Cormier, entre deux chansons, communique leur agréable surprise de jouer devant tant de jeunes. Il dit que nous avons « ouvert une brèche dans le temps ». En revenant après 12 ans, vous aussi, les gars. Comment le manquer?

C’est vrai que, malgré le silence, l’absence de pub, et le faible espoir avant cette année de revoir le groupe se former, Karkwa a su se frayer un chemin vers les gens de ma génération. Pour moi, ce sont les auteurs de chansons que j’ai entendues plus ou moins régulièrement en grandissant, mais c’est un groupe que j’ai réellement découvert à l’adolescence, alors que mon intérêt pour la musique québécoise s’intensifiait. Et même encore, cela a pris jusqu’à ces dernières années pour que je m’attache à leur œuvre. Fasciné par Les chemins de verre, son expérimentation, sa liberté, sa poésie textuelle et sonore – les cordes suraiguës de Le vrai bonheur sont à ce jour un de mes sons favoris en musique – et aussi toute la question du prix Polaris, Karkwa s’est confirmé à moi comme un classique de la culture musicale keb. Rien de bien différent d’il y a une décennie, donc, seulement en différé.

J’avais donc très, très hâte à leur concert. Chaque fois que j’écoutais la version live de Moi-léger, je me voyais, bouillonnant d’excitation juste avant l’éclosion de la chanson, comme on l’entend dans l’enregistrement.

Heureusement, je peux dire que le groupe a comblé les attentes, et, avec  ce nouvel album indéniablement écrasant en live, les a sans doute dépassées.

D’abord, on sent les cinq membres au sommet de leurs moyens. « Il y a 12 ans, on voulait conquérir le monde. Ce soir, on est juste ben relax. », dit Louis-Jean Cormier. Lui et ses amis n’ont plus grand chose à prouver, tant de choses à jouer, et le public est conquis d’avance. Ainsi, on assiste à cette collégialité des membres sur scène, comme Cormier l’exprime. Une décontraction qui permet au groupe d’être complètement présent. Car cette absence de stress ne doit pas être confondu avec la paresse. Non. Karkwa en 2023, ça brasse. La batterie de Stéphane Bergeron et les percussions de Julien Sagot, particulièrement, sont bestiales. On parlait d’ouvrir une brèche dans le temps; c’est peut-être l’œuvre des manigances synthétiques rugissantes de François Lafontaine. 

Des anciens classiques aux titres du nouvel album, Dans la seconde, on remarque que la force de Karkwa est de maîtriser une dynamique étendue, osciller entre douceur et puissance. Le meilleur exemple que je peux en donner est la récente Nouvelle vague, une de mes préférées du nouvel album, véritable tsunami sonore sur scène. Le titre pousse au max le contraste à l’œuvre sur Le pyromane, Moi-léger, Le bon sens, Le compteur, L’acouphène… vous comprenez. C’est lourd, c’est bruyant à s’en tendre les muscles, parfois c’est doux. C’est ça, Karkwa. À saluer aussi, un excellent travail d’éclairage, qui faisait ressortir le meilleur de cette caractéristique.

En sortant sur la rue Ste-Catherine, je ne ressentais rien d’autre que de la satisfaction et de l’émerveillement. Des chansons qu’on connaît depuis longtemps et qui prennent finalement vie, c’est spécial.

Le temps s’est peut-être arrêté, ou ralenti, ou il s’est rattrapé pour 12 ans en une heure et demie. En tout cas, quelque chose a changé, la brèche est bien ouverte, parce que désormais, en écoutant l’album live, je ne pense pas à 2011, mais bien à décembre 2023. Karkwa, c’était peut-être avant, mais pour moi, c’est maintenant. 

Et maintenant, c’est toujours.

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