Ifriqiyya Électrique : mon genre de possession

par Stephan Boissonneault

Quatre personnes perdent la tête sur la scène du Ministère; elles sont toutes de noir vêtues, arborant un look goth moderne, et exécutent une musique de transe lourde et enveloppante. Une femme jouant du carillon à main pousse un cri, comme si elle invoquait directement les puissances des cieux, tandis qu’une autre, affublée d’un corset et d’une coupe de cheveux à la Bellatrix Lestrange, produit des arpèges complexes au moyen de sa guitare basse, tout en roulant les yeux. Le guitariste est en nage, tandis qu’il fait des gammes aux sonorités moyen-orientales, tandis que l’autre percussionniste bondit sur la scène. Il y a bien sûr des tambours, préenregistrés mais tout à fait tonitruants. Cette pièce-rituel dure une quinzaine de minutes, à coups d’appels et de réponses répétitifs. Ceux-ci, mélangés à la musique lourde et bourdonnante, créent un tout omnipotent.

Il s’agit d’Ifriqiyya Électrique, une formation expérimentale d’inspiration marocaine qui met de l’avant le rituel de la banga. Ifriqiyya conjugue cette pratique thérapeutique, que les communautés noires du sud de la Tunisie utilisaient pour invoquer les esprits amis, aux bruits et rythmes industriels sombres afin de créer une expérience très singulière. C’est un peu comme d’assister à un concert de métal ou de NIN au milieu du Sahara. Chaque chanson se fond rapidement dans la suivante, chaque membre d’Ifriqiyya Électrique vivant sa propre forme de possession sonore. Sans aucun contexte, on pourrait trouver ce spectacle terrifiant, car il ressemble parfois à un exorcisme en direct. Mais ce n’est pas le cas, c’est un adorcisme, un type de possession qui est voulu par le praticien en vue de la transe.

Je ne comprends pas les mots, mais ces chants semblent porteurs de douleur et de tourments; ce sont des catharsis que chacun des musiciens projette dans notre monde cruel. Chaque interprète est un pro, et j’apprendrai d’ailleurs plus tard que le guitariste, François Cambuzat, et la bassiste, Gianna Greco, collaborent fréquemment avec Lydia Lunch, souveraine new-yorkaise du post-punk. À un moment donné, Cambuzat s’empare de son pied de micro et commence à jouer et à chanter dans la foule. Il se déplace comme un spectre, transpire à grosses gouttes et invite la foule à se joindre à lui. C’était peut-être trop pour un public du jeudi soir, mais Cambuzat a maintenu l’intensité.

Ifriqiyya Électrique est un projet dont bien des gens n’entendront jamais parler de leur vie. Or, je peux vous certifier que leur prestation ne ressemble à rien de connu.

Tout le contenu 360

Nuits d’Afrique | Fulu Miziki Kolektiv à la recherche de nouveaux sons

Nuits d’Afrique | Fulu Miziki Kolektiv à la recherche de nouveaux sons

FIJM | Pour le centenaire d’Oscar Peterson, le plus célèbre Montréalais du jazz

FIJM | Pour le centenaire d’Oscar Peterson, le plus célèbre Montréalais du jazz

FIJM | Marcus Strickland et la suite du black fusion

FIJM | Marcus Strickland et la suite du black fusion

FIJM | Jean Michel Blais & Lara Somogyi : fruits du désert

FIJM | Jean Michel Blais & Lara Somogyi : fruits du désert

FIJM | Fievel is Glauque au dessert… Chargé!

FIJM | Fievel is Glauque au dessert… Chargé!

FIJM | Une fin de jeudi avec Suuns

FIJM | Une fin de jeudi avec Suuns

FIJM | Misc: Beat Bouquet bien garni!

FIJM | Misc: Beat Bouquet bien garni!

FIJM | Alexis Lombre et l’Esprit Saint dans le South Side de Chicago

FIJM | Alexis Lombre et l’Esprit Saint dans le South Side de Chicago

FIJM | Concert apothéose d’Allison Russell dans sa ville natale

FIJM | Concert apothéose d’Allison Russell dans sa ville natale

FIJM I Le mieux habillé, le plus possédé : Fantastic Negrito stupéfie la scène Rogers

FIJM I Le mieux habillé, le plus possédé : Fantastic Negrito stupéfie la scène Rogers

FIJM  | Beth McKenna nous révèle son Momentum

FIJM | Beth McKenna nous révèle son Momentum

Nuits d’Afrique | Immersion dans l’univers de Stogie T

Nuits d’Afrique | Immersion dans l’univers de Stogie T

FIJM | Julius Rodriguez, as du jazz groove

FIJM | Julius Rodriguez, as du jazz groove

FIJM | Men I Trust brille de tous ses éclats sur la place des Festivals

FIJM | Men I Trust brille de tous ses éclats sur la place des Festivals

FIJM | Anomalie et Lettieri : nouvelle amitié musicale naît devant nous,  en temps réel

FIJM | Anomalie et Lettieri : nouvelle amitié musicale naît devant nous, en temps réel

FIJM | Linda May Han Oh, modèle pour les femmes contrebassistes

FIJM | Linda May Han Oh, modèle pour les femmes contrebassistes

Nuits d’Afrique | La Chiva Gantiva vue par Rafael Espinel

Nuits d’Afrique | La Chiva Gantiva vue par Rafael Espinel

Suoni | La quête spirituelle, la fin dans la transcendance

Suoni | La quête spirituelle, la fin dans la transcendance

FIJM | Thundercat, félin en pleine liberté

FIJM | Thundercat, félin en pleine liberté

FIJM | Bill Frisell, Thomas Morgan et Rudy Royston « exposés »

FIJM | Bill Frisell, Thomas Morgan et Rudy Royston « exposés »

FIJM | Branford Marsalis parmi quatre MF’s Playin’ Tunes

FIJM | Branford Marsalis parmi quatre MF’s Playin’ Tunes

FIJM  | A propos de l’idée de Derrick Hodge sur la « couleur du bruit »

FIJM | A propos de l’idée de Derrick Hodge sur la « couleur du bruit »

FIJM | Reine des afrobeats, Ayra confirme son statut de méga… Starr

FIJM | Reine des afrobeats, Ayra confirme son statut de méga… Starr

FIJM | Le jazz black selon Marquis Hill

FIJM | Le jazz black selon Marquis Hill

Inscrivez-vous à l'infolettre