De retour à Montréal après une tournée européenne, le groupe mythique Godspeed You! Black Emperor a offert à ses fans une expérience à haute intensité lors de deux représentations à guichets fermés les 25 et 26 novembre 2024 au MTELUS.
20h59. Alors que les lumières s’éteignent, un silence respectueux s’installe. Le bourdonnement d’un drone grave et puissant se déploie dans la salle. Sur scène, les instruments sont silencieux. Le drone continue.
Enfin des musiciens arrivent, discrètement. C’est le contrebassiste/bassiste Thierry Amar et la violoniste Sophie Trudeau qui jouent les premières notes d’une introduction improvisée sur fond de bourdon, bientôt rejoints par les autres membres du groupe, les guitaristes Efrim Menuck, Mike Moya et David Bryant, le bassiste Mauro Pezzente et deux (oui deux!) batteurs: Aidan Girt et Timothy Herzog.
L’esthétique sonore de GY!BE se retrouve visuellement sur scène: c’est dark. On distingue à peine le groupe, seulement éclairé par la lueur orangée des projections de films en 16mm. Composés de textures, d’images abstraites et de séquences politiques évoquant un univers sombre et angoissant, ces films d’art sont créés par les cinéastes et collaborateurs de longue date du groupe, Karl Lemieux et Philippe Léonard.
Pendant presque deux heures, Godspeed nous emporte dans un monde rempli de feu, de sang et de colère divine. Des crescendos épiques, euphoriques et tonitruants, des vagues de distorsion assourdissantes qui se jettent contre des montagnes percussives. Les différentes pièces semblent se fondre en une seule, avec des moments de tempête furieuse, des accalmies mélancoliques et des transitions cinématographiques.
Tout au long du concert, on a vu très peu de téléphones s’élever au-dessus de la foule comme on en voit souvent. Au lieu de cela, le public, qui réunissait plusieurs générations d’adeptes, s’est abandonné à la catharsis sonore prodiguée par Godspeed. Certains étaient presque en transe, d’autres oscillaient un peu, mais pour la plupart, ils se tenaient là, graves et immobiles, fascinés par la symphonie anarchique qui se déroulait sur scène.
Ce concert était l’occasion de découvrir en live plusieurs morceaux du dernier album de GY!BE « No Title as of 13 February 2024, 28,340 Dead ». Le titre, qui fait référence au nombre de Palestiniens tués par les frappes israéliennes entre le 7 octobre 2023 et le 13 février 2024, est accompagné d’une déclaration abordant le rôle de l’art en ces temps obscurs: « No Title = Quels gestes ont du sens alors que de minuscules corps tombent? Quel contexte? Quelle mélodie brisée?…”
L’engagement politique a toujours été au premier plan de Godspeed You! Black Emperor. Leurs albums sont des manifestes, leurs concerts sont des appels à la résistance.