Tout était en place vendredi pour l’enrobage symphonique d’Émile Proulx-Cloutier dans une Maison symphonique bien remplie. L’Orchestre de l’AGORA sous la baguette de Nicolas Ellis, le Burning BRA’s Band et le Choeur du Plateau étaient sur scène pour ce triomphe de l’engagement chansonnier d’un artiste très aimé par les plus que trentenaires blancs de souche francophone d’Amérique.
Excellent acteur et auteur-compositeur talentueux, essentiellement prisé par le Québec blanc, francophone, progressiste, plus vieux que jeune, Émile Proulx-Cloutier a retrouvé son public. Il n’avait pas lancé de nouvelles chansons jusqu’à la sortie des généreux trois actes de Ma main au feu, sortis en mai dernier, et dont il était surtout question au programme, le tout assaisonné de chansons créés durant la décennie précédente. En s’imposant ainsi avec un tel arsenal orchestral, le chanteur était en selle pour un cycle propice à sa pérennité musicale, à la hauteur de ses succès mérités en tant que comédien.
Les textes d’Émile Proulx-Cloutier sont la mise en rimes de ses observations récentes d’un monde global et de ses conséquences sur un monde intime, mis a mal par moult menaces, le tout exprimé à travers le le prisme d’une langue toujours fragilisée sur ce continent. En prime, on est témoin d’un regard bienveillant sur les langues autochtones encore plus vandalisées par la colonisation, ceci incluant la nôtre avant que la conquête anglaise ne nous la fasse oublier – d’où une version anishinaabe-française de Mommy, jadis la sombre projection franco-futuriste de notre assimilation, popularisé par Pauline Julien et reprise notamment par Stephen Faulkner.
Grosso modo, ces observations lucides et progressistes de l’auteur s’inscrivent dans un sillon de l’engagement chanssonnier creusé par Pierre Flynn à l’époque d’Octobre ou à Richard Séguin ou encore Paul Piché, soit à l’époque où la chanson québécoise francophone était un puissant vecteur de changement… ce qui n’est plus exactement le cas de nos jours, sauf exceptions. Cet homme de 41 ans en est une et peut être considérée comme la suite logique au succès de masse des Cowboys Fringants, qui ont aussi labouré le même champ.
Qui plus est, les arrangements de François Vallières et Guido Del Fabbro, pour orchestre symphonique (en version relativement réduitte) choeur et fanfare, magnifient ces chansons conçues pour piano et voix. Le néoclassicisme des mélodies et harmonies mises de l’avant par son concepteur est assez riche pour qu’on en imagine d’ambitieuses orchestrations, bien exécutées par l’Orchstre de L’Agora et les deux autres ensembles sous la direction de Nicolas Ellis … et même celle du chanteur durant une sympathique parenthèse instrumentale.
Quelques apartés slam/rap en actualisent un tantinet la facture mais, de manière générale, triomphent les enveloppes consonantes de ces chansons dont les fondements sont parfaitement intégrés dans l’imaginaire collectif.
Crédit photo: Emilie Chamberland La Tribu