Tanya Ekanayaka est une pianiste originaire du Sri Lanka. Elle compose abondamment en s’inspirant de son pays natal. Je vous ai déjà parlé de l’un de ses albums ailleurs sur PanM360 (critique de l’album 18 Piano Sutras and 25 South Asian Pianisms ICI), et ce avec bienveillance. Je réitère l’aspect positif de l’art pianistique de Mme Ekanayaka manifesté cette fois dans cet album inspiré de 16 des quelque 100 petites îles qui entourent l’île principale qui constitue le Sri Lanka sur une mappemonde.
Le style Ekanayaka est un mélange d’écrit et d’improvisation. Elle attribue des motifs assez courts (quelques secondes) à chaque élément suggéré (ici une île, unique en son genre avec une faune, une flore et des attributs organiques ou minéraux distincts), à partir desquels elle tisse ensuite une trame relativement spontanée. C’est du moins ce qu’elle a fait avec une bonne partie des pièces de cet album. D’autres ont été travaillées comme tel auparavant, mais le principe demeure généralement le même.
Le résultat ne ressemble en rien à ce que peut faire Gabriela Montero par exemple. Cette dernière manipule très bien le moment présent en y insérant des références folkloriques, baroques, romantiques, etc. Mme Ekanayaka a un style bien à elle qu’elle respecte tout du long, sans puiser à même le répertoire classique occidental, du moins pas précisément. Elle est de tout évidence solidement formée à l’école occidentale, mais elle a su construire un langage qui la place dans une sorte de néo-romantisme/impressionnisme/exotisme extra-européen, sans citer explicitement des compositeurs du passé. C’est en tout cas une musique lyrique, bien ancrée dans le tonalisme consonant et coloré d’abondantes gerbes d’ornementations. On peut être un tantinet rappelé à l’esthétique de Colin McPhee, dans ses explorations balinaises. Mais très vaguement. Je pense aussi aux envolées foisonnantes de l’Éthiopien Girma Yifrashewa. Un peu.
Bref, la musique de Tanya Ekanayaka a quelque chose d’à la fois familier, accueillant, mais aussi dépaysant. C’est surtout très beau, et malgré sa provenance sri lankaise, demeure quand même un produit bien planté dans la musique classique occidentale. Je l’ai déjà dit dans ma critique de l’album précédent : publier cet album sous étiquette Naxos World plutôt que Naxos classique me semble être de l’ethnicisme superficiel, sans égard à la nature même de la musique exprimée. M’enfin.
Une plongée hyper séduisante, parfois envoûtante, dans un exotisme savant et raffiné, et surtout un jeu de piano d’une splendide délicatesse.