drum & bass / Hip Hop / trap

La déesse tunisienne Emel nous présente MRA

par Sandra Gasana

S’il y a une chose qu’Emel Mathlouthi maîtrise, c’est bien l’art de la mise en scène digne d’une tragédie. Avec une entrée en scène spectaculaire, des effets de lumière de circonstance, et accompagnée de ses deux musiciens, à la batterie et aux claviers, celle que l’on surnomme « la voix de la révolution » est apparue telle une déesse du haut de son trône. Avec sa couronne sophistiquée, une robe blanche de style antique sortie du XVème siècle, l’artiste tunisienne nous présentait son plus récent album Mra, qui veut dire femme en arabe, paru en 2024 et entièrement réalisé par une équipe de femmes.
Toujours avec un écran en arrière, sa voix est rarement à l’état naturel, elle utilise beaucoup de réverbération et joue avec son micro, ajoutant un effet énigmatique à son univers dans lequel le trap, le hip hop et le drum n’bass cohabitent harmonieusement. Emel entre réellement dans son personnage et se laisse aller, insérant des mouvements de danse saccadés sur plusieurs morceaux. Elle tape sur son tambour par moment, venant complémenter le travail de son batteur, et ajouter l’effet dansant.

Au bout de la troisième chanson, le public se met tout doucement à danser, en contraste avec le style un peu solennel des deux premiers morceaux. Emel rajoute aussi des sons pré-enregistrés qui viennent fusionner avec les images qui défilent en boucle, un vrai cocktail sensoriel. La plupart de ses chansons sont en arabe mais elle chante également en anglais, une langue qu’elle maîtrise, tout comme le français. Elle passe d’ailleurs de l’un à l’autre lorsqu’elle s’adresse à l’audience.
Malheureusement, Naya Ali, qui devait être de la partie, n’a pas pu être présente finalement. Cela dit, un moment fort du concert est lorsque l’artiste Narcy est arrivé sur scène pour le morceau Yemenade. Et là, la soirée a pris un tournant tellement son énergie s’est fait ressentir dans toute la salle. Il a réussi à nous faire chanter, danser, en un seul morceau, pendant qu’Emel dansait derrière lui, tapant sur son tambour doré.

L’autre artiste que j’avais hâte de revoir était Ziya Tabassian. Également de la partie sur quatre morceaux, il a rajouté la touche Moyen-Orientale traditionnelle au spectacle. Il s’accordait parfaitement aux rythmes du batteur avec qui il échangeait des regards. 

« J’espère que vous aimez les percussions folles comme celles que nous faisons ! On ne sait pas comment ça sonne de votre côté mais nous, on aime ça » dit-elle entre deux chansons. « Je n’arrive pas à faire des chansons douces, je n’y peux rien », nous confie-t-elle. 

Pendant le morceau Souty, qui signifie Ma voix, elle fait défiler des feuilles sur lesquelles il est écrit « My voice is time less like the wind », comme s’il s’agissait des paroles de la chanson. Elle en profite pour mentionner le nom des détenus sur certaines de ces feuilles.

Emel a pris le temps de partager le message d’un militant palestinien qui lui a écrit pour lui donner l’état des lieux. En effet, la Palestine était en toile de fond tout au long du spectacle, incluant durant la première partie qui était assurée par Checkpoint 303, un duo de DJ qui ont mis la table pour le spectacle d’Emel.Ma chanson préférée est Mazel, qui veut dire Encore, et qui parle de l’espoir qu’elle porte encore en elle, et du nouveau lendemain qu’elle compte construire. En guise d’arrière-plan, plusieurs femmes militantes défilaient l’une après l’autre.
Elle a terminé avec Rise, faisant participer le public sur le refrain, avant de nous offrir un rappel qui a fait plaisir à l’audience. Je m’attendais à voir un National plein à craquer, mais ce n’était pas le cas. Mais une chose est sûre : les personnes qui y étaient sont rentrées satisfaites de leur soirée.

Crédit photo: Ola

baroque / chant lyrique / classique occidental

« I Feel Pretty, Oh So Pretty » avec Thomas Dunford et Arion Orchestre Baroque

par Judith Hamel

C’est un doux vent venu d’Angleterre qui soufflait sur la Salle Bourgie dimanche après-midi alors qu’Arion Orchestre Baroque accueillait le luthiste franco-américain Thomas Dunford pour une aventure musicale tissée sur le thème de l’amour. Le programme proposait un grand écart musical allant de Dowland aux Beatles.

En tournée nord-américaine depuis déjà plusieurs semaines, c’était un dernier arrêt pour lui avant un retour en France.

Le concert s’ouvrait sur John Dowland (1563-1626), un compositeur et luthiste anglais reconnu comme l’un des plus grands de son temps. Dowland savait capter les élans du cœur humain avec des chansons à succès. Exilé sur le continent pendant une partie de sa vie, il a notamment servi à la cour du roi Christian IV de Danemark pendant près de dix ans.

Parmi les œuvres interprétées figuraient Come Again, Now, O Now I Needs Must Part, ainsi que la célèbre Lachrimae qui explorent les douleurs de l’amour et les débordements de la passion. C’est portées par la justesse du jeu d’Arion et l’expressivité de Thomas Dunford que ces pièces ont pris vie.

Le voyage se poursuit un siècle plus tard avec Henry Purcell (1659-1695), figure emblématique de l’époque baroque anglaise, reconnue pour avoir développé et réinventé la musique de son pays en y intégrant des influences extérieures. Thomas Dunford nous propose ici un véritable petit opéra, à partir d’airs tirés de The Fairy Queen et Dido and Aeneas. Les musicien·nes d’Arion se joignent alors à la soliste, laissant échapper leurs voix du dimanche avec une complicité visible du balcon.

Changement d’époque avec des extraits, version instruments baroque, de West Side Story de Leonard Bernstein (1918-1990). On voit le plaisir que prennent les musicien·nes à jouer les mélodies de cette comédie musicale culte. Surgit ensuite la soprano Marianne Lambert, qui livre un I Feel Pretty exaltant. Un moment décalé, digne d’un bal chez les Bridgerton, perruques en moins.

Puis, retour à un pilier du répertoire baroque avec Georg Friedrich Haendel (1685-1759), compositeur d’origine allemande devenu sujet britannique. Au programme, quelques-uns de ses tubes, dont la « Sarabande » de la Suite no 4 en ré mineur.

Pour clore cette traversée, une réinterprétation du moins surprenante de Something des Beatles, ponctuée d’un solo de luth au style de rockeur. Les musicien·nes ont finalement été présenté·es chacun·es à leur tour, sur une loop instrumentale additive à la manière d’un concert rock, sous les applaudissements nourris du public.

Un concert certainement divertissant, porté par des interprètes d’une grande qualité et un programme à la fois léger et bien construit.

crédit photo : Cédrina Laberge

chant choral / classique occidental / trad québécois

Sacré Gilles Vigneault | Entre Natashquan et Buenos Aires

par Judith Hamel

La musique sacrée nous raconte parfois plus que le catéchisme. Elle rassemble, elle élève, elle nous rappelle que nous sommes ici, ensemble. Ce samedi soir, le Chœur Métropolitain nous convie à une double messe à la croisée des Amériques. À la rencontre des peuples argentins et québécois, ces messes font vibrer les rythmes du quotidien, mêlant toutes deux les traditions européennes et les folklores locaux. 

Mais la véritable star du soir, c’était Gilles Vigneault. Une charmante vieille dame, assise à mes côtés, me souffle à l’oreille : « Monsieur Vigneault est là ! ». Les gens devant, derrière, se retournent et sortent leur téléphone pour capturer la présence de cette légende. Avant même que la première note ne résonne dans la Maison symphonique, une ovation s’élève pour saluer ce grand homme qui a forgé la nation québécoise. 

La première partie du concert était consacrée à l’Argentine à travers la musique de quatre de ses compositeurs : Carlos Guastavino, Astor Piazzolla, Juan de Dios Filiberto et Ariel Ramírez.

Le concert s’ouvre sur une note de merveille, de contemplation, avec Indianasde Carlos Guastavino. Ses mélodies charmantes nous chantent la pomme par des textes d’amour aux métaphores sur la nature. Dans Oblivion d’Astor Piazzolla, une œuvre initialement écrite pour bandonéon, l’arrangement pour chœur et voix soliste avec la soprano Myriam Leblanc nous a ensorcelé dès sa première note avec un timbre pur et coloré. Cette version mélancolique fait résonner la thématique de l’oubli dans l’œuvre comme une douce nostalgie. Avec Caminito de Juan de Dios Filiberto, on change de dynamique. Cette chanson légère, ancrée dans la tradition du tango, apporte une touche entraînante et conviviale au concert. 

Enfin, avant la messe québécoise, c’est la Misa Criolla d’Ariel Ramírez qui vient conclure cette première partie. Comme Gilles Vigneault avec sa terre natale de Natashquan, Ramírez explore ici le métissage des cultures, entre racines autochtones et héritages européens. Cette œuvre surprend par ses sections dansantes rythmées qui alternent avec des passages lyriques. Les solistes Antonio Figueroa (ténor) et Emanuel Lebel (baryton) étaient d’une magnifique complémentarité timbrale. Cette messe vivante et ancrée dans les traditions locales mérite d’être entendue et réentendue.

Comme Ramirez, Vigneault tisse les fils d’un peuple métissé dans cette messe qui évoque nos vents du Nord et la prière des gens ordinaires. Présentée en première mondiale, ce nouvel arrangement de la Grand-Messe par Sebastian Verdugo prend une forme légère et colorée, où les textures du chœur se mêlent à celles des guitares, du charango, du piano, de la contrebasse, du violon et des percussions. Si la plupart de la messe conserve une structure et des textes traditionnels, certains airs sont transformés en rigodon accompagné de cuillères et de guitare folk, ce qui surprend agréablement les auditeur·rices. 

Enracinée dans la mémoire de Vigneault de Natashquan, la première et dernière partie comprend des paroles en innu : « Shash anameshikanù. Matshik ! Ituték! Minuatukushùl etaiék. » (Maintenant que la messe est dite, Allez vivre en paix sur la terre). 

Enfin, après avoir patiemment attendu leur moment, les choristes de Vincent-d’Indy se sont joints aux musiciens pour les dernières chansons du concert. Sous les arrangements sensibles de François O. Ouimet, plusieurs chansons emblématiques de Gilles Vigneault ont été interprétées, en terminant évidemment par Gens du pays. Les regards rivés vers Vigneault, c’est tout un public debout qui lui a chanté notre hymne qui célèbre d’ailleurs cette année ses 50 ans, tout comme l’Alliance chorale du Québec. Un moment touchant où on ressentait l’amour d’un peuple pour notre Québec, mais surtout pour celui qui a fait naître cet hymne que l’on connaît tous et toutes si bien.

baroque / classique moderne / classique occidental / période romantique

Les Violons du Roy et Antoine Tamestit | Une performance saisissante et profonde

par Alexandre Villemaire

Deux ans après une rencontre musicale qui a été qualifiée de magistrale, l’altiste français Antoine Tamestit, considéré comme un des meilleurs au monde, renouait avec la scène québécoise en compagnie des Violons du Roy. Présenté jeudi soir à Québec, ce même concert qui a eu lieu vendredi soir à la salle Bourgie mettait de l’avant des thèmes tels la mort, la perte et les départs : des thèmes qui, malgré leurs côtés sombres, sont toutefois nécessaires à aborder et dans lesquels on peut trouver tout de même de la lumière et une forme d’humanité.

Sans préambule, une fois que l’orchestre et Tamestit ont investi la scène, la salle a été plongée dans le noir, avec comme seule source de lumière les lampes des lutrins des musiciens. Cette mise en scène préparait parfaitement le terrain pour la première pièce du concert, le choral Für deinen Thron ich tret’ich hiermit [Seigneur, me voici devant ton trône] de Johann Sebastian Bach, arrangé pour cordes. De l’aveu d’Antoine Tamestit, dans son allocution suivant cette courte pièce de Bach, il voulait faire vivre une expérience sensorielle où le public et les musiciens étaient amenés à ressentir la musique par la respiration, par les énergies intrinsèques du mouvement des lignes musicales. Le moment a effectivement été d’un grand apaisement, avec un son d’une douceur implacable, mais riche avec notamment ses harmonies et ses sons graves. Le soliste, qui pour la première partie officiait également en tant que chef, a enchaîné avec la Trauermusik pour alto et cordes de Paul Hindemith, composée quelques heures après la mort du roi George V. On entre alors dans un autre univers et langage harmonique aux textures et matériaux musicaux variés qui finit par se conclure par la citation du même choral de Bach.

Tamestit invitait par la suite le public à un jeu de piste auditive avec le Lachrymae de Benjamin Britten où le compositeur cite sous forme de variations la chanson du compositeur élisabéthain John Dowland, If my complaints could passions move. Afin d’apporter du contexte, il a interprété l’original dans un arrangement de son cru précédé du très beau Flow my tears. Un moment particulièrement touchant où le jeu de Tamestit s’est exprimé dans un jeu sensible alors que les cordes l’accompagnaient en pizzicato. Dans la pièce de Britten, Tamestit a convié les auditeurs à essayer de repérer les extraits musicaux de ces chansons de la Renaissance disséminées dans l’œuvre de Britten. Il y avait un fort attrait à venir piquer l’attention des auditeurs et les invitait à ouvrir grandes leurs oreilles à cet univers sonore. Mettant de l’avant une interprétation des lignes musicales avec une épaisseur de son enveloppante et un grain pur et charnu, il a fait montre d’une musicalité investie et sensible. Il faut cependant l’avouer, c’est Britten qui a gagné la partie de cache-cache musicale, les extraits de Dowland demeurant peu identifiables, même pour des oreilles aguerries.

La pièce de résistance du concert consistait en l’arrangement pour orchestre à cordes, toujours de la main de Tamestit, du Quintette pour cordes en sol majeur de Johannes Brahms. Pour cette ultime pièce où Antoine Tamestit se joint à la section d’altos, nous avons eu droit à un feu roulant d’émotions et de vivacité lumineuse, notamment dans le premier et le dernier mouvement, alors que les mouvements centraux – Adagio et Un poco allegretto – flirtaient respectivement avec des accents folkloriques hongrois et des affects mélancoliques. Dans cette nouvelle texture à l’amplitude sonore augmentée, jouer à 21 instrumentistes ensemble sans chef est un défi que Les Violons du Roy ont relevé avec brio et aplomb, donnant un résultat particulièrement entraînant et saisissant, surtout dans le dernier mouvement, extrêmement dansant aux inflexions tziganes.

Au vu de la chaleureuse ovation que le public a offerte et à voir les sourires radieux des musiciens, cette deuxième collaboration entre Antoine Tamestit et les Violons du Roy mérite d’être renouvelée. Ayant commencé dans la pénombre et le recueillement, c’est dans une grande lumière et une énergie humaine que s’est donc conclu ce concert. Faire ressortir du beau d’un programme qui trace en filigrane les thématiques de la mort et de la perte n’est pas novateur en soi. Mais, dans ce programme empreint d’une savante organicité, où l’on est transporté naturellement d’un état d’esprit à un autre, on vient rappeler que même dans les moments les plus sombres, on peut trouver du beau. Pour citer Félix Leclerc : « C’est grand la mort, c’est plein de vie dedans. »

crédit photo : Pierre Langlois

baroque / chant choral / chant lyrique / classique occidental / musique sacrée

Ensemble Caprice | Une belle soirée sous le signe de la Passion

par Alexis Desrosiers-Michaud

À deux semaines près, l’Ensemble Caprice et Matthias Maute préludaient les célébrations pascales avec la présentation de la Passion selon saint Jean de Johann Sebastian Bach. Dans son discours d’ouverture, Maute raconte que cette œuvre a beaucoup de liens, surtout dans les airs, avec l’art opératique. Comme il nous l’a mentionné plutôt en entrevue, « La Passion selon saint Jean alterne récitatifs, airs et chœurs pour porter le récit avec intensité. Les récitatifs racontent l’histoire, les airs expriment les émotions des personnages, et les chœurs incarnent la foule, renforçant le drame. L’orchestre soutient l’ensemble avec une écriture expressive qui souligne les moments clés. » La preuve nous en fut faite vendredi.

En l’absence de mise en scène, caractéristique de l’oratorio, il faut un narrateur, dans ce cas-ci, l’Évangéliste, pour décrire les scènes. Soutenant toute l’œuvre sur ses épaules, le ténor Philippe Gagné réussit haut la main le défi d’interpréter ce rôle ingrat, mais ô combien important. On voit clairement son intention de raconter réellement une histoire, avec une diction allemande impeccable et laissant les phrases textuelles dicter son interprétation, au lieu de suivre la partition, prêtant une confiance absolue envers le continuo.

L’autre découverte de la soirée est le choriste-soliste William Kraushaar – dont la composition nous avait subjuguées au dernier concert de Caprice -, dans le rôle de Jésus.  Non seulement sa voix est claire, mais Dieu qu’elle porte ! Nous avons déjà hâte de l’entendre comme soliste lors de la prochaine saison. Bien qu’ils interviennent peu, le contre-ténor Nicholas Burns et la soprano Janelle Lucyk livrent leurs arias avec beaucoup d’émotion. Burns est très émouvant en duo avec la larmoyante viole de gambe dans Es ist vollbracht (« Tout est achevé »). Quant à Lucyk, sa voix est quelque peu retenue, mais se fond bien avec les flûtes dans l’ariaIch folge dir gleichfalls (« Je te suis »). Ces deux solistes livrent non seulement leurs arias avec musicalité, mais également avec une présence scénique envoûtante et émouvante.

Le chœur est très bien préparé, et les articulations sèches qui lui sont conférées cadrent bien avec le rôle qu’il occupe, soit la plèbe qui ordonne et acclame l’action du récit biblique. Le meilleur exemple est le morceau « Kreuzige » (Cruxifiez-le! ») où les articulations courtes et accentuées sont incisives.

À la toute fin de l’œuvre, il y avait quelque chose de solennel de voir les solistes (sauf Jean l’Évangéliste) rejoindre le chœur pour entonner un Rut Wohl dansant, et le choral final, en guise d’accompagnement, de remerciement et de célébration de la vie du Christ.

crédit photo : Tam Lan Truong

chant lyrique / musique contemporaine

Nouvel Ensemble Moderne |Des airs nouveaux pour une nouvelle ère

par Judith Hamel

Le Nouvel Ensemble Moderne (NEM) écrit les premières pages d’un nouveau livre en cette saison 2024-2025 séparée en trois chapitres et portée par le vent de renouveau de Jean-Michaël Lavoie qui succède à Lorraine Vaillancourt après 35 ans à la barre de l’orchestre de chambre. Pour ce deuxième chapitre de trois cette saison, le NEM nous invite à la Cinquième salle de la Place des arts pour un concert en collaboration avec l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal. 

Intitulé Chapitre 2 – Des airs nouveaux, ce concert d’après-midi proposait un répertoire paritaire, mettant de l’avant trois compositeur·rices du Québec ainsi que la compositrice coréenne Unsuk Chin. Dès l’entrée dans le foyer, le public était accueilli par une équipe de médiation dirigée par Irina Kirchberg, professeure invitée à l’Université de Montréal, qui proposait notamment un dispositif d’enregistrement permettant de superposer les voix des spectateur·rices ainsi qu’un panneau interactif sous forme de jeu de mémoire qui invitait à en découvrir davantage sur les œuvres au programme. 

Puis, le concert s’est ouvert avec Vision de José Evangelista, une pièce pour petit ensemble et mezzo-soprano à l’aura mystique. La chanteuse brésilienne Camila Montefusco a brillamment interprété cette œuvre qui met de l’avant les origines espagnoles du compositeur ainsi que ces multiples influences.

Suivait ensuite Bouchara de Claude Vivier, une longue chanson d’amour entièrement chantée dans une langue inventée. La soprano Chelsea Kolić, portée par l’expressivité de l’écriture, nous donnait l’impression de comprendre son message, alors même qu’il nous échappait. Comme quoi, nous n’avons pas besoin de parler la langue pour comprendre l’amour. 

En deuxième partie, Orpheus on Sappho’s Shore (Sur le rivage de Shappo) de Luna Pearl Woolf a impressionné avec la riche voix du contreténor Ian Sabourin qui naviguait habilement entre ses multiples registres. 

Enfin, le NEM a offert Cantatrix Sopranica de Unsuk Chin, seule pièce hors Canada du programme. Écrite pour deux sopranos, un contreténor et ensemble, elle était ici portée par Chelsea Kolić, Ariadne Lih et Bridget Esler, trois sopranos dont les timbres s’entrelaçaient parfaitement dans cette œuvre qui fascine par ses textures. Chin y explore l’acte même de chanter, convoquant des échauffements vocaux, des jeux de rôles et des renversements inattendus entre chanteuses et musicien·nes. Son écriture éclatée en fait une œuvre hyper-vocale où l’ensemble orchestral prolonge et magnifie les voix. Accessible et complexe à la fois, mêlant virtuosité, humour et émotion, cette pièce s’accorde avec la nouvelle direction du NEM.

La collaboration entre l’Atelier lyrique et le NEM a été un succès. L’engagement des jeunes chanteur·ses aux voix expressives et précises s’allie très bien avec l’esprit du NEM. 

Jean-Michaël Lavoie dirige avec une telle fluidité. Lorsque les lumières éclairent le travail des musicien·nes, on peut parallèlement arriver à décortiquer chaque petite intention du chef, voir avec clarté les variations de souplesse dans ces gestes. Ainsi, le NEM est entre de bonnes mains. 

Pour leur prochain concert, on a la chance de ne pas avoir à attendre trop longtemps. Le 10 mai prochain, c’est un rendez-vous à la Salle Pierre-Mercure où ils présenteront le Chapitre 3 – Dérive 2 Pierre Boulez

minimaliste / musique contemporaine

Les quatuors de Steve Reich à Bourgie : une mécanique minimaliste parfaitement huilée

par Frédéric Cardin

Pour la première fois à Montréal étaient donnés, le mardi 1er avril, l’ensemble des quatuors à cordes de Steve Reich, trois au total. Quand je dis quatuors à cordes, je veux dire en vérité quatuors à cordes ET bandes sonores, car tous ont recours à cet ajout. Joués en ordre chronologique décroissant par le Quatuor Mivos, les trois œuvres sont emblématiques de l’univers sonore de l’États-Unien, un pionnier du Minimalisme et, pour plusieurs artistes des générations suivantes, le grand-père de la musique techno et de la technique du sampling (échantillonnage). 

LISEZ L’ENTREVUE RÉALISÉE AVEC L’ALTISTE DU QUATUOR MIVOS, À PROPOS DES QUATUORS DE STEVE REICH

En effet, deux des trois quatuors utilisent l’échantillonnage sonore (sons concrets, bribes de voix, etc.) dans une perspective rythmique et mélodique. Si l’utilisation de sons concrets en musique ne date pas de Reich (Schaeffer, Henry, Stockhausen sont passés par là avant), sa façon instinctive et rythmiquement accrocheuse d’en décliner la répartition a été inspiratrice d’un mouvement créatif dont le hip hop est le dernier genre en date à en reprendre, souvent sans le savoir, certains impératifs. 

Le plus récent, WTC 9/11, utilise des sons tirés de la tragédie du 11 septembre 2001 à New York, alors que le premier, ‘’Different Trains’’ (qui reste le meilleur de tous), fait un parallèle entre les trains voyageant entre New York et Los Angeles (que Reich a souvent utilisés à une époque), et ceux qui transportaient les Juifs vers les camps d’extermination pendant la Seconde guerre mondiale (Reich est Juif, et l’allégorie lui est venue à l’esprit avec force). Entre les deux, le Triple Quartet requiert une bande sur laquelle deux autres quatuors jouent chacun une partition pendant que l’ensemble interprète la sienne live sur scène. 

Le Quatuor Mivos a enregistré ces trois mêmes quatuors pour Deutsche Grammophon. Ses musiciens sont donc bien trempés dans les exigences de cette musique. Il reste malgré tout qu’une performance de ces partitions sur scène est extrêmement exigeante. Il faut une concentration de tous les instants pour réagir précisément à ce qui se passe dans la bande sonore et chez les collègues, en plus de ne pas perdre le fil de toutes les répétitions, régulièrement ponctuées de petits changements aussi subtils que fondamentaux dans l’énergie dynamique de la musique. Comme on dit, c’est facile de se perdre là-dedans. 

Chapeau bas aux quatre excellents musiciens de l’ensemble new yorkais (en première visite chez nous!) Olivia de Prato et Adam Woodward aux violons, Victor Lowrie Tafoya à l’alto et Nathan Watts au violoncelle. Leur lecture a été épatante de précision et de coordination. 

C’est presque un rendez-vous annuel de grands noms du Minimalisme que nous propose la programmation de la salle Bourgie (dans les dernières années nous avons eu Glass et Missy Mazzoli), et nous le saluons avec enthousiasme. On espère que cela continuera et, pourquoi pas, qu’il y en aura même plus. 

alt-rock / Indie / shoegaze

This Will Destroy You au Ritz PDB

par Rédaction PAN M 360

This Will Destroy You est un groupe texan qui compose de longues pièces instrumentales atmosphériques en utilisant une variété d’effets guitare et de changements dynamiques. Incorporant des influences comme le shoegaze, l’ambient et le doom metal, ils rejettent l’étiquette de « post-rock » qui leur est souvent attribuée. Apparue pour la première fois avec un EP démo bien accueilli en 2005, Young Mountain, le groupe a continué à faire évoluer son son à travers des sorties suivantes, dont l’album influencé par le metal Tunnel Blanket (2011) et le drone lourd Another Language (2014).

This Will Destroy You are a Texan group who compose lengthy, atmospheric instrumental pieces utilizing a variety of guitar effects and dynamic changes. Incorporating influences such as shoegaze, ambient, and doom metal, they reject the « post-rock » label that is usually applied to them. Initially appearing with a well-received 2005 demo EP, Young Mountain, the group continued to evolve their sound through subsequent releases including the metal-influenced Tunnel Blanket (2011) and the drone-heavy Another Language (2014).

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Ce contenu provient d’AllMusic et est adapté par PAN M 360

baroque / chant lyrique / classique occidental / opéra

Opera McGill | Imeneo ou l’art du « less is more »

par Alexis Desrosiers-Michaud

Opera McGill donnait vendredi soir la première de sa série de représentations de Imeneo de Georg Friedrich Handel, au Théatre Paradoxe, une ancienne église située rue Monk, transformée en salle de spectacle, le tout dans une formule cabaret, où les convives sont invitées à déguster un verre pendant la représentation. 

Des cinq interprètes principaux, c’est la ténor Patricia Yates dans le rôle-titre qui se démarque. À la fois par l’interprétation scénique de son personnage, un peu trop fier et par l’amplitude de sa voix, elle assure une présence qui dépasse le cadre du Paradoxe, et qui marcherait tout autant dans une salle d’opéra plus conventionnelle. Dans le rôle de Trinto, son opposant, le contre-ténor Reed Demangone, ne vend pas sa place non plus, mais pour des raisons contraires. Plus effacé, timide, Demangone fait preuve d’agilité et de délicatesse dans ses arias, tout comme dans son jeu de celui qui se fera piquer sa promise. 

Chez les dames, Elizabeth Fast en met plein la vue en Clomiri dans la première moitié de l’opéra, voulant séduire Imeneo qui l’a sauvée d’une attaque de pirates, en compagnie de Rosmene. Cette dernière jouée, par Patricia Wrigglesworth, prend du galon dans la seconde partie, s’affirmant de plus en plus, ce qui lui donne de la crédibilité dans son choix de mari à la toute fin. Au final, Fast et Wrigglesworth offrent une performance égale, chacune sachant quand et comment prendre le dessus sur sa rivale. 

Mis à part des costumes « à la Romaine », rien dans ce qui nous a été présenté nous indique avec précision l’époque ou le lieu dans lequel l’action se déroule. À ce titre, la mise en scène simple et efficace de Patrick Hansen tient la route. Le décor ne tient qu’à quatre bandes verticales descendant du plafond et une roche gigantesque ayant l’air d’un grain de popcorn éclaté, suspendu en plein centre. Une roche qui ne semble qu’à servir à rediriger les éclairages et à obstruer les surtitres, nécessaire étant donné que l’opéra est chanté en italien. 

Également, puisqu’il n’en est pas obligé, il n’y a aucun changement de décor ni de costumes. De ce fait, Hansen élimine le risque que l’auditeur se pose des questions à savoir « on est rendu où ? » ou « qui est qui maintenant ? » et peut se concentrer sur l’action. Bref, cette mise en scène est tellement efficace qu’on ne se rend pas compte tout de suite de sa simplicité, sans être ennuyante non plus. En voulant faire trop, parfois, on passe à côté de l’essentiel… Ce n’est pas le cas ici et c’est fort bien mené. Il est intéressant de noter que chaque personnage a un double, comme il est coutume dans les productions estudiantines; la distribution « B » chantera en solistes demain et le « A » sera de retour dimanche. Sauf que dans cette production, la notion de la doublure est finement et judicieusement exploitée. Les dix artistes font partie des trois concerts, mais ceux « en congé » interviennent comme choristes, mais dans leurs costumes de personnages. Le paroxysme de ce jeu du double arrive à la fin du premier acte, lorsque les doubles exécutent leur homonymes, tels des émotions qui déchirent l’âme, plongeant la salle dans un rouge macabre. 

crédit photo: Stephanie Sedlbauer

Chanson francophone / électro-pop / Indie

Zaho de Sagazan au MTelus

par Rédaction PAN M 360

Zaho de Sagazan c’est une voix singulière et puissante, de celles qui font dresser nos poils. Un timbre grave porté par des rythmes électroniques qui côtoient la techno berlinoise et l’electronica française.
Passant des murmures aux cris, l’artiste de 24 ans s’amuse, se raconte et dissèque les travers humains sur des textes en français d’une sincérité tranchante. Ses mots, drapés de mélodies puissantes à la mélancolie subtile, nous plongent dans une intimité partagée, où l’on goûte à la délicieuse liberté de danser, de penser et de s’émouvoir.
Au côté de son batteur Tom Geffray, Zaho nous livre une Krautpop moderne inspirée de ceux qui l’ont fait danser tels que Koudlam ou Autumn. Côtoyant la folie de Catherine Ringer ou Brigitte Fontaine vient toujours le moment où elle retourne s’asseoir les yeux fermés à son piano, fidèle allié de ses créations.

Zaho de Sagazan possesses a unique and powerful voice—one that sends shivers down your spine. Her deep, resonant tone is carried by electronic rhythms that blend Berlin techno with French electronica.
Shifting from whispers to cries, the 24-year-old artist plays, reflects, and dissects human flaws through razor-sharp, sincere French lyrics. Her words, wrapped in potent melodies with a subtle melancholy, draw us into a shared intimacy where we revel in the freedom to dance, think, and feel.
Alongside her drummer, Tom Geffray, Zaho delivers a modern Krautpop sound, inspired by artists who made her dance, such as Koudlam and Autumn. With echoes of the wild energy of Catherine Ringer or Brigitte Fontaine, she always finds a moment to return to her piano, eyes closed—her most faithful creative companion.

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Ce contenu provient de Bonsound et est adapté par PAN M 360

classique / période moderne

OSM : Isabelle Demers interprète l’Oiseau de feu

par Rédaction PAN M 360

Virtuose accomplie, Isabelle Demers séduit le public par le dynamisme de son jeu et l’originalité de ses programmes. Lors de ce concert, elle transformera le Grand Orgue Pierre-Béique en un somptueux orchestre, dévoilant tous ses atouts dans les transcriptions d’œuvres de Rimski-Korsakov et de Stravinsky.

Consummate virtuosa Isabelle Demers charms audiences with her dynamic playing and original programs. In this concert, she transforms the Grand Orgue Pierre-Béique into an opulent orchestra, bringing out its many facets in transcriptions of works by Rimsky-Korsakov and Stravinsky.

POUR ACHETER VOTRE BILLET, C’EST ICI!

Ce contenu provient de l’Orchestre symphonique de Montréal et est adapté par PAN M 360

hip-hop / rap

MIKE au Théâtre Fairmount

par Rédaction PAN M 360

Avec un flow grave et flottant, ainsi que des beats oniriques qu’il produit lui-même, le rappeur MIKE continue de pousser le rap vers des directions plus expérimentales. Il a commencé à toucher un plus large public vers la fin des années 2010, en sortant fréquemment des mixtapes, en collaborant avec Earl Sweatshirt et en recevant des éloges critiques pour son album lourd et endeuillé Tears of Joy en 2019. Ses projets suivants, comme Weight of the World (2020), Disco! (2021) et Burning Desire (2023), ainsi que ses albums collaboratifs avec Wiki et The Alchemist (Faith Is a Rock, 2023) et Tony Seltzer (Pinball, 2024), ont été tout aussi bien accueillis.

With a floating, woozy baritone flow and dreamlike self-produced beats, rapper MIKE continues pushing rap in more experimental directions. He began reaching more listeners near the end of the 2010s, frequently releasing mixtapes, collaborating with Earl Sweatshirt, and finding critical acclaim with his heavy, grieving 2019 album Tears of Joy. Subsequent projects such as 2020’s Weight of the World, 2021’s Disco!, and 2023’s Burning Desire, along with collaborative albums made with Wiki and the Alchemist (2023’s Faith Is a Rock) and Tony Seltzer (2024’s Pinball) have been similarly well-received.

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Ce contenu provient d‘AllMusic et est adapté par PAN M 360

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