Sâil y a une chose quâEmel Mathlouthi maĂźtrise, câest bien lâart de la mise en scĂšne digne dâune tragĂ©die. Avec une entrĂ©e en scĂšne spectaculaire, des effets de lumiĂšre de circonstance, et accompagnĂ©e de ses deux musiciens, Ă la batterie et aux claviers, celle que lâon surnomme « la voix de la rĂ©volution » est apparue telle une dĂ©esse du haut de son trĂŽne. Avec sa couronne sophistiquĂ©e, une robe blanche de style antique sortie du XVĂšme siĂšcle, l’artiste tunisienne nous prĂ©sentait son plus rĂ©cent album Mra, qui veut dire femme en arabe, paru en 2024 et entiĂšrement rĂ©alisĂ© par une Ă©quipe de femmes.
Toujours avec un Ă©cran en arriĂšre, sa voix est rarement Ă lâĂ©tat naturel, elle utilise beaucoup de rĂ©verbĂ©ration et joue avec son micro, ajoutant un effet Ă©nigmatique Ă son univers dans lequel le trap, le hip hop et le drum n’bass cohabitent harmonieusement. Emel entre rĂ©ellement dans son personnage et se laisse aller, insĂ©rant des mouvements de danse saccadĂ©s sur plusieurs morceaux. Elle tape sur son tambour par moment, venant complĂ©menter le travail de son batteur, et ajouter lâeffet dansant.
Au bout de la troisiĂšme chanson, le public se met tout doucement Ă danser, en contraste avec le style un peu solennel des deux premiers morceaux. Emel rajoute aussi des sons prĂ©-enregistrĂ©s qui viennent fusionner avec les images qui dĂ©filent en boucle, un vrai cocktail sensoriel. La plupart de ses chansons sont en arabe mais elle chante Ă©galement en anglais, une langue quâelle maĂźtrise, tout comme le français. Elle passe dâailleurs de lâun Ă lâautre lorsquâelle sâadresse Ă lâaudience.
Malheureusement, Naya Ali, qui devait ĂȘtre de la partie, nâa pas pu ĂȘtre prĂ©sente finalement. Cela dit, un moment fort du concert est lorsque lâartiste Narcy est arrivĂ© sur scĂšne pour le morceau Yemenade. Et lĂ , la soirĂ©e a pris un tournant tellement son Ă©nergie sâest fait ressentir dans toute la salle. Il a rĂ©ussi Ă nous faire chanter, danser, en un seul morceau, pendant quâEmel dansait derriĂšre lui, tapant sur son tambour dorĂ©.
Lâautre artiste que jâavais hĂąte de revoir Ă©tait Ziya Tabassian. Ăgalement de la partie sur quatre morceaux, il a rajoutĂ© la touche Moyen-Orientale traditionnelle au spectacle. Il sâaccordait parfaitement aux rythmes du batteur avec qui il Ă©changeait des regards.


« JâespĂšre que vous aimez les percussions folles comme celles que nous faisons ! On ne sait pas comment ça sonne de votre cĂŽtĂ© mais nous, on aime ça » dit-elle entre deux chansons. « Je nâarrive pas Ă faire des chansons douces, je nây peux rien », nous confie-t-elle.
Pendant le morceau Souty, qui signifie Ma voix, elle fait dĂ©filer des feuilles sur lesquelles il est Ă©crit « My voice is time less like the wind », comme sâil sâagissait des paroles de la chanson. Elle en profite pour mentionner le nom des dĂ©tenus sur certaines de ces feuilles.
Emel a pris le temps de partager le message dâun militant palestinien qui lui a Ă©crit pour lui donner lâĂ©tat des lieux. En effet, la Palestine Ă©tait en toile de fond tout au long du spectacle, incluant durant la premiĂšre partie qui Ă©tait assurĂ©e par Checkpoint 303, un duo de DJ qui ont mis la table pour le spectacle dâEmel.Ma chanson prĂ©fĂ©rĂ©e est Mazel, qui veut dire Encore, et qui parle de lâespoir quâelle porte encore en elle, et du nouveau lendemain quâelle compte construire. En guise dâarriĂšre-plan, plusieurs femmes militantes dĂ©filaient lâune aprĂšs lâautre.
Elle a terminĂ© avec Rise, faisant participer le public sur le refrain, avant de nous offrir un rappel qui a fait plaisir Ă lâaudience. Je mâattendais Ă voir un National plein Ă craquer, mais ce nâĂ©tait pas le cas. Mais une chose est sĂ»re : les personnes qui y Ă©taient sont rentrĂ©es satisfaites de leur soirĂ©e.
Crédit photo: Ola Choukair