L’œuvre Die Seejungfrau présentée par le Netherlands Philharmonic Orchestra met en valeur les talents d’un compositeur viennois prolifique, mais moins fréquemment joué aujourd’hui que ses compatriotes, soit Alexander von Zemlinsky. Zemlinsky (1871-1942) était très actif en Autriche et en République Tchèque durant la première moitié du XXe siècle, tant comme compositeur et chef d’orchestre que comme pédagogue. Il eut sous son aile de grands musiciens tels qu’Alban Berg, Anton Webern ou encore Erich Korngold, puis travailla avec nuls autres que Gustav Mahler et Arnold Schönberg, avec lequel il partageait d’ailleurs une relation d’amitié. Reconnu pour ses talents de chef d’orchestre et renommé pour ses interprétations des opéras de Mozart et de Strauss, Zemlinsky composa bon nombre d’œuvres en restant dans une tradition principalement tonale, même si on dénote de façon très claire dans ses compositions l’influence du début du XXe siècle musical autrichien.
Die Seejungfrau est une fantaisie symphonique pour orchestre en trois mouvements inspirée du conte La petite sirène de l’écrivain Hans Christian Andersen (1805-1875). Dès le début de l’œuvre, on constate l’aisance avec laquelle Zemlinsky se sert des timbres des différents instruments de l’orchestre pour situer l’auditeur ou l’auditrice dans le monde au sein duquel se déroule sa pièce : les jeux de harpes, ainsi que l’utilisation des cordes graves, font directement référence aux fonds marins. Le premier violon, à qui le compositeur a confié de nombreux solos, semble représenter quant à lui la magnifique et chantante voix de la petite sirène. Die Seejungfrau se caractérise par ses nombreux climax d’une force incroyable qui mettent en valeur l’endurance et la constance de l’énergie de l’orchestre. Le jeu débordant d’expressivité accentue les effets narratifs contenus dans la pièce de Zemlinsky : on croit entendre et ressentir toute la douleur que vit la pauvre sirène durant l’entièreté de son histoire. Une ambiance lugubre couronne également chacun des mouvements de l’œuvre, respectant donc le fil conducteur de la thématique. Die Seejungfrau n’étant pas munie d’un programme spécifique écrit par le compositeur, tous et toutes peuvent associer à la musique leur propre perspective du conte d’Andersen. La virtuosité et la constance des membres de la formation orchestrale néerlandaise donnent vie à l’œuvre et rendent un merveilleux hommage à ce compositeur que l’on croirait parfois oublié.