En 2010, le poète, chanteur et militant afro-américain refaisait surface au terme d’une pénible
traversée de déserts narcotiques et carcéraux. Spectaculaire mais très courte renaissance, il
faut le rappeler : d’usure prématurée, Gil Scott-Heron passait à une autre dimension le 27 mai
2011.
Diffraction d’une existence marbrée de lumière et de noirceur, I’m New Here fut l’un des
grands opus recensés pendant l’année de sa sortie, bilan aigre-doux d’une existence gonflée
de dysfonctions familiales, espoirs révolutionnaires, euphories, déviances personnelles,
déceptions existentielles, bilan annonciateur d’une mort prématurée.
Qu’y avait-il donc à rajouter à cette ultime offrande? Comme l’a déjà fait Jamie XX, Makaya McCraven tente ici de répondre
à cette question.
Icône de la culture contemporaine, modèle néanmoins paradoxal, GSH demeure une source
d’inspiration pour le percussionniste, compositeur, improvisateur, sans conteste parmi les
nouveaux leaders conceptuels d’une musique que l’on peut encore nommer jazz, le musicien
a échantillonné l’œuvre de son aîné afin d’y greffer de nouvelles composantes.
Chansons, poèmes et extraits de conversations de I’m New Here sont ici préservées, souvent
dans leurs structures originelles. Apparaissent autour ces nouveaux grooves, prolongements
harmoniques, arrangements, improvisations, textures électroniques, et voilà un remix jazzo
électro nuevo conçu dans un espace hybride de musique instrumentale et de création
numérique. S’il avait eu la charge de la réalisation de l’opus paru il y a dix ans, Makaya
McCraven aurait probablement fait les choses ainsi.
Au service de feu Gil Scott-Heron, qui fut jadis un artiste d’allégeance jazzy-soul, son
relecteur lui a redonné des caractéristiques de même cousinage, et ce dans un contexte
actuel. Les ornements ici proposés s’avèrent créatifs, bien en phase avec les nouvelles
méthodes de composition impliquant la défragmentation, le filtrage, le traitement et la
reconstitution, mais ne modifient pas les fondements de la donne originelle.
Pour qu’il en fût autrement, McCraven aurait dû déconstruire entièrement le corpus
chansonnier pour ensuite en intégrer les matériaux dans une œuvre plus proche de la sienne.
Il nous aurait ainsi mené dans des zones inédites, ce qu’il a sciemment évité. Admettons néanmoins qu’il a adapté ce classique de GSH aux formes qu’il façonne lui-même: suite de cellules compositionnelles compactes, succinctes, visionnaires. We’re new again? Quand même.