Lors d’un concert de Ryan Adams au Théâtre Saint-Denis en 2007, une spectatrice lui avait lancé « Je veux qu’on se marie, Ryan », à quoi il répliqua « Oh non, crois-moi, tu ne voudrais pas d’une existence faite de tourments ». L’auditoire, qui avait ri à l’époque, réagirait sans doute autrement aujourd’hui à la lumière des allégations d’inconduite sexuelle qui pèsent sur Ryan Adams depuis l’an dernier. Pour le reste, laissons les instances compétentes – dont le FBI – faire leur boulot. Ajoutons toutefois que le suicide du musicien Neal Casal, qui fit partie de la garde rapprochée d’Adams avec les Cardinals, a dû aussi jouer sur l’humeur de ce dernier.
Ryan Adams, indéniablement l’un des chansonneurs états-uniens les plus doués et les plus prolifiques du rayon country-folk-rock, lance donc Wednesdays, son 17e album studio post-Whiskeytown et sa première parution depuis Prisoner en 2017. Adams devait amorcer en 2019 une trilogie commençant par l’album Big Colors. Les événements susmentionnés ont manifestement chamboulé le calendrier, puisque c’est Wednesdays qui fait office de tome 1. Sur la pochette virtuelle, on peut admirer l’œuvre La gare du Nord du peintre néerlandais Sieben Johannes Ten Cate. Un train arrive en gare et un autre part; le principal intéressé n’a pas précisé s’il s’agit d’une métaphore métamorphique le visant.
Adams nous présente souvent dans ses chansons un narrateur qui s’apitoie sur ses déconvenues sentimentales. Or, cette fois-ci, il se livre à un acte de contrition en bonne et due forme, en privilégiant le mode acoustique. Les titres sont plus qu’explicites : I’m Sorry and I Love You, Who Is Going to Love Me Now If Not You, Walk in the Dark, Lost in Time, Dreaming You Backwards et Poison & Pain, où Adams chante « Mes démons – L’alcool et la liberté – Un roi sans reine – Un roi sans royaume ».
Ryan Adams avait annoncé l’an dernier que Jason Isbell, Emmylou Harris, Benmont Tench et Don Was collaboreraient à Wednesdays. Bien qu’il ne puisse confirmer quoi que ce soit compte tenu de la rareté des renseignements (et Adams et les commentateurs habituels sont laconiques), le musicophile croit cependant entendre l’orgue du vétéran Tench sur Birmingham et Lost in Time, ainsi que la voix de la mythique Emmylou sur Mamma.
Tout compte fait, les onze pièces de Wednesdays confirment que Ryan Adams demeure, malgré tout, un chansonneur d’exception et un interprète bouleversant.