Le quatuor moscovite Lucidvox fait ses débuts internationaux avec We Are et semble prendre la chose au sérieux. Comparativement à ses albums indépendants précédents, We Are est son disque le plus soigné, le plus professionnel et le plus puissant. Avec ses « R » roulés, le groupe demeure résolument russophone, mais ce qui pouvait être un inconvénient, ses membres ont trouvé le moyen de le retourner en leur faveur.
Lucidvox propose un son composé de grunge et de nu-metal, de post-punk et de prog (vous remarquerez les envolées occasionnelles de la chanteuse Alina à la flûte), de stoner rock musclé et de heavy psychédélique et hypnotique. Au fil des morceaux, l’accent a beau être mis tantôt sur un genre, tantôt sur un autre, le pied du guitariste Galla reste bien arrimé à sa pédale de distorsion. On a affaire à un modèle éprouvé de rock alternatif – à une exception près, soit sur l’impressionnante Runaway, qui flirte avec le jazz cinématographique.
L’élément essentiel, le prisme à travers lequel la formule rock alterno bien connue est réfractée et rafraîchie, c’est la sensibilité folklorique russe que Lucidvox a cultivée depuis ses débuts en 2013. Les premières parutions mentionnées plus haut étaient marquées par une dimension débraillée quasi païenne, mais celle-ci a considérablement diminué maintenant que le groupe a mûri et trouvé son son. D’un autre côté, cette merveilleuse saveur folk – riche en ombres, en fatalisme, en beauté épineuse et en éclairs de folie slave aux yeux fous – est beaucoup mieux maîtrisée par le groupe maintenant, et elle imprègne ses mélodies, sinistres mais douces, et la polyphonie de ses voix de femmes. C’est même précisément ce caractère russe qui permet à Lucidvox de se distinguer sur la scène rock.