Après un microalbum lancé en 2015 et, la même année, un premier recueil complet coréalisé avec Dany Placard (Rivière Rouge), un deuxième coréalisé avec Guillaume Arsenault deux ans plus tard (Gaspericana), puis des Sessions liégeoises parues en 2019, voici l’album Vallée embrumée du binôme gaspésien Dans l’shed. Mais, n’y a-t-il qu’en Gaspésie qu’on masculinise l’anglicisme « shed »? « Je sors par la shed, j’mets mes écouteurs » chante Richard Séguin dans La maison brûle. À Havre-Saint-Pierre se trouve une salle de spectacles appelée « La Shed-à-morue ». Toutefois, dans son Dictionnaire de la langue québécoise, l’inénarrable Léandre Bergeron donne rétroactivement raison au duo.
Trêve d’interrogations géolinguistiques, Dans l’shed a coréalisé Vallée embrumée avec Benoit Pinette, alias Tire le Coyote, auteur-compositeur-interprète qui sillonne avec succès la folkosphère québécoise. Sur la Face A, Pinette amène les comparses André Lavergne et Éric Dion en incursion dans le folk indé. Ça s’entend notamment dans la voix réverbérée des couplets et dans les changements de tempo de la chanson-titre. Ensuite, Tu observes le vent a une gueule d’atmosphère, comme Arletty dans Hôtel du Nord; Magnifique Amérique oppose l’espoir à la déchéance en mode blues semi-synthétique; Naufragés évoque les sans-papiers océaniques et les sans-abri terrestres, sur fond intersidéral; puis nous accompagnons Tuthur, un vieux garçon à mobylette qu’on dirait échappé de l’imagination de Victor-Lévy Beaulieu, dans une chevauchée à la Calexico.
Sur la Face B, Benoit Pinette ramène Dans l’shed dans ses sentes gaspéricaniennes. Laoder Délaoder raconte la vie de Rose, yodeleuse country plébiscitée par son public, mais boudée par l’industrie. Suivent la complainte La vie est un open sol, l’hymne country-rock à la fin de semaine Tenir le tempo et la ballade existentielle Quatre 25 cents.
Soulignons l’apport du bassiste Marc-André Landry et du batteur Vincent Carré à cet opus qui plaira aux admirateurs de Martin Léon et de David Marin. Grâce à des artisans de talent comme Éric Dion et André Lavergne, la Gaspoésie se porte bien.