À 68 piges, le leader et contrebassiste William Parker ne donne aucun signe de ralentissement de ses activités créatrices et continue d’aller au cœur du sens de la musique et de son mystère. Le voilà qu’il propose un avant-goût d’un cycle intitulé Migration of Silence Into and Out of the Tone World – je vous laisse méditer sur l’emploi des prépositions – qui comptera rien de moins que dix CD et paraîtra à la fin de l’été.
On ignore si chacune des pièces retenues est la meilleure de son disque respectif mais le coefficient de qualité y est élevé. À commencer par celle construite à partir d’extraits d’interview de l’auteur James Baldwin accompagnés des ambiances électroniques d’Ellen Christi, de la trompette de Jalalu-Kalvert Nelson et de la contrebasse et des percussions de Parker. Fort. Suit immédiatement une pièce à l’instrumentation frugale – voix féminine, Fay Victor, tambour sur cadre, Hamid Drake, et guembri (instrument à cordes en peau d’Afrique du Nord aussi appelé hajouj), W. Parker, mais qui a le mérite de nous faire entre de plain-pied dans un univers vibrant, primitif, sans artifices.
Le choix des instruments est souvent une formule magique qui donne accès à un univers inouï. C’est le cas sur Leoni, mettant en vedette l’harmonica d’Ariel Bart, le hautbois de Jim Ferraiuolo, la trompette à sourdine de William Parker et la voix d’Andrea Wolper, appuyés par une section rythmique jazz classique. C’est aussi le cas sur It Is For You qui, bien que la pièce soit tirée d’un album intitulé Mexico, s’articule autour d’un oud – instrument qui n’a pourtant rien à voir avec le Mexique –, et se termine par le leitmotiv « Never Give Up »; on est bien chez William Parker. Idem pour Lakota Song, tiré de l’album Manzanar. Manzanar est un lieu de résidence amérindienne sacré situé en Californie qui a servi de camp d’internement aux Nippo-Américains de mars 1942 à novembre 1946. Cette pièce met en vedette l’Universal Tonality String Quartet dont l’un des violonistes est Jason Kao Hwang. Le tout se termine par une superbe pièce pour flûte et percussions, à la fragilité toute terrestre, aussi apaisante qu’elle donne à réfléchir sur l’ordre des choses en ce bas monde.