Oh ! que de plaisir j’ai eu à écouter cet album ! Le Concerto pour violoncelle no 1, op. 85 de Nikolai Kapustin et le Concerto pour violoncelle no 1 d’Alfred Schnittke sont peut-être aussi différents l’un de l’autre qu’une vodka épicée et une soupe bortsch aux betteraves et crème sûre, mais rien ou presque ne fait plus « Europe de l’Est » que les deux, ensemble, lors d’un même repas ou d’une même écoute musicale.
Eckart Runge parle de l’enregistrement de cet album et des deux œuvres au programme (en anglais), ici.
Kapustin est ce compositeur qui répond oui à la question « Est-il possible d’écrire une partition qui donne l’impression parfaite aux auditeurs que les musiciens improvisent librement comme dans le jazz ? ». Dans les moindres inflexions/hésitations syncopées du soliste Eckart Runge (fabuleux !) et leur accompagnement excitant par Strobel et l’Orchestre de la Radio de Berlin, le Concerto de Kapustin est une merveille à découvrir. Un croisement entre le big band symphonique, le propos complexe d’une œuvre concertante moderne, le trio de jazz intimiste et le grand déploiement sonore d’un avatar Gershwin/Bernstein ayant grandi dans la steppe ukrainienne. Irrésistible !
Le Concerto de Schnittke est d’un tout autre acabit. Là où Kapustin est aisé, lumineux, franchement de bonne humeur, Schnittke est sombre, anxieux, torturé. Écrit à la suite d’une hospitalisation difficile (après une crise cardiaque, Schnittke passa quelque temps dans le coma), le violoncelle semble incarner l’individu seul face à l’oppressante et intangible menace de la mort. Mais il y a tout de même de l’espoir, si évanescent soit-il, dans tout cela, nous informe le compositeur. Un tour de force pour le soliste et l’orchestre, qui se termine dans une finale presque insoutenable d’émotions.
Les interprétations sont excellentes et franchement palpitantes. Deux chefs-d’œuvre modernes fortement opposés stylistiquement, mais que vous devez absolument connaître, si vous aimez la bonne et trippante musique savante.