D’entrée de jeu, la signature chansonnière d’I Thought That You’d Been Raptured renvoie au référent Dylan de la deuxième moitié des années 1960, et ce, à plusieurs égards : chant nasal, phrasé sautillant, harmonica emblématique, accompagnement alerte à la The Band, propos mystique.
Ensuite, avec What’s in a Name, un boogie doux au piano, on passe se recueillir sur la tombe de feu Elliott Smith. Puis, au fil des pièces, Little Kid s’inspire des trouvailles indie folk-rock de feu Jason Molina (Songs: Ohia), de feu Mark Linkous (Sparklehorse) et du Sufjan Stevens (toujours bien vivant celui-là) des débuts, pour nous peaufiner un opus décidément captivant.
Little Kid regroupe Kenny Boothby (chant, piano, guitares acoustique et classique, harmonica, orgue et clavier d’échantillonnage Casio SK-1), Megan Lunn (chant et banjo), Paul Vroom (guitare basse, percussions, Casio SK-1), Liam Cole (batterie) et Brodie Germain (guitares électrique et acoustique, batterie). On peut aussi entendre la voix de la musicienne montréalaise Brigitte Naggar, alias Common Holly, sur deux chansons. Après trois albums publiés à compte d’auteurs-compositeurs-interprètes indépendants, les membres du quintette torontois lancent Transfiguration Highway sous les auspices de l’étiquette brooklynoise Solitaire.
Le musicophile se souviendra que Toronto fut, de la fin des années 1980 jusqu’au milieu des années 1990, un vivier néo-country-rock et folk majeur, dont les figures de proue étaient Mary Margaret O’Hara, les Cowboys Junkies et Blue Rodeo. Une trentaine de printemps plus tard, Little Kid rajoute une couche d’innovation en conjuguant les traditions et les avancées, au moyen de l’infusion d’interrogations chrétiennes aux textes et du bidouillage au clavier Casio SK-1, notamment.
À la réécoute, on goûte davantage (comme le pâté chinois de la veille) le riff ensorcelant et la finale distordue, à la Wilco, de Thief on the Cross, ainsi que les entrelacs vocaux de Megan Lunn et Boothby sur All Night (Golden Ring). Close Enough To Kill prend fin sur des sons de fusillade cosmique. Sur Losing, on retombe en mode The Band, on se remémore l’agilité et la cohésion – demeurées inégalées – de Rick, Richard, Levon, Garth et Robbie. Gill est une courte pièce instrumentale, fausse outro avant Pry, la vraie finale, dont la coda nous tient en suspension pendant trois minutes.
Ivan Doroschuk et ses comparses sans chapeau nous avaient jadis confectionné un Folk of the 80’s. Le folk de Little Kid pourrait bien incarner celui des années 2020.