Nashville attire plus que jamais une foule de prétendantes au titre de Sweetheart of the Rodeo. L’Illinoisaise Margo Price, qui s’est établie dans l’Athènes du Sud il y a une quinzaine d’années, aurait pu faire partie de ce lot. À défaut d’avoir officiellement décroché la timbale, Margo Price mène à Nashville une carrière enviable. À preuve, sa réputation d’incontournable de la scène locale, ses deux albums – Midwest Farmer’s Daughter en 2016 et All American Made en 2017 – sortis des ateliers Third Man Records de Jack White puis plébiscités, sa popularité en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne, puis un opus encore chaud, That’s How Rumors Get Started, qui s’avère amplement digne d’éloges.
Ce recueil de chansons tendres et rugueuses, dont la plupart ont été coécrites par Margo et Jeremy Ivey, son conjoint, tire avant tout sa force du talent de plus en plus nuancé et de l’audace – face au conformisme nashvillois – de Margo Price à titre de compositrice, chanteuse, musicienne et auteure. Ensuite vient la réalisation triangulée autour de Margo, de Sturgill Simpson, baron néo-outlaw de la country distorsionnée, et de David R. Ferguson, éminent ingénieur du son et mixeur.
L’enregistrement s’est déroulé en grande partie chez EastWest à Los Angeles, dans le petit Studio Three où Brian Wilson et ses comparses ont gravé Pet Sounds. Les séances furent enrichies par un quatuor d’accompagnateurs aux innombrables collaborations : elles s’étendent de Johnny Cash à Run the Jewels chez le guitariste Matt Sweeney; de Marvin Gaye à D’Angelo chez le batteur James Gadson; d’Adele à Nine Inch Nails chez le bassiste Pino Palladino; et des Replacements à Elvis Costello chez le claviériste Benmont Tench.
Concluons-en que cet album-plaisir déborde abondamment de la cuve country, compte tenu de ses bouillonnements soul et rock. Et que Margo Price, jeune créatrice douée, accomplie et décidée, n’en a rien à cirer du titre de Sweetheart of the Rodeo.