Peut-on définir Brigitte Fontaine? Le cas échéant, comment? Quels qualificatifs pourrait-on lui accoler pour lui rendre un tant soit peu justice? Osons-en deux : libre et insaisissable. Si Napoléon était son contemporain, il dirait de Brigitte Fontaine « Musicophiles, songez que, du haut de cette Pythonisse, plus d’un demi-siècle de punkitude vous contemple ».
Jeune octogénaire animée plus que jamais du feu sacré, Brigitte Fontaine a récemment mis au monde Terre neuve, album résolument rock que coréalisent Yan Péchin et Jean Lamoot, musiciens et maîtres du son qui soutinrent naguère Alain Bashung. Areski Belkacem, complice éternel, a composé des musiques. Dix-sept plages au programme, dont quatre brefs interludes.
Le tout pour le tout ouvre cette offrande foisonnante; Brigitte y déclame calmement, de sa voix âpre, un énoncé extralucide sur la finitude humaine. Dans Les beaux animaux, chanson écrite avec feu Jacques Higelin en 1969, une guitare twangy et une basse bondissante portent les murmures inquiétants de Brigitte. J’irai pas est un mini-réquisitoire anti-tout. Ensuite, les riffs se contorsionnent sauvagement dans Chrysler.
Si vous cherchez l’apex poétique de l’album, vous le trouverez dans Haute sécurité. Ragilia est une relecture concluante d’une pièce figurant à l’origine sur L’incendie, album passablement culte créé avec Areski en 1974. Dans God go to hell, complément d’Au diable Dieu (sur J’ai l’honneur d’être, avant-dernier album de B. Fontaine), Bouddha passe dans le tordeur également. Terre neuve, où il est question d’un grizzly volant, se distingue par ses arrangements goûteux. Puis, dans Parlons d’autre chose, Brigitte reprend les mots qu’aurait prononcés Goethe avant de mourir : « mehr licht », c’est-à-dire « plus de lumière ». En conclusion, Terre neuve est un album à absorber entièrement, pour quiconque veut devenir un peu plus libre et insaisissable.