Osons le dire : Herman Poole Blount, alias Sun Ra, est un des plus grands créateurs jazz de tous les temps et de tout l’univers connu et inconnu. Son vaisseau spatial avait une antenne plantée dans la tradition des big bands swing de l’âge d’or et l’autre dirigée vers d’étranges nébuleuses d’où provenaient des sonorités inouïes sur notre planète. En 1993, il quittait notre orbite pour s’envoler vers Saturne d’où il disait être originaire. Un de ses disciples, le saxophoniste John Gilmore, prenait alors les rênes de son Arkestra jusqu’à ce qu’il nous quitte à son tour en 1995 pour être remplacé par son collègue Marshall Allen, lui aussi saxophoniste. Aujourd’hui âgé de quatre-vingt-seize ans – ce qui fait de lui l’un des plus vieux jazzmen de notre galaxie – Allen préside à la parution de Swirling, premier album de l’extra-terrestre troupe depuis 1999.
L’orchestre du dieu-soleil n’a toutefois pas cessé d’écumer les scènes du globe depuis toutes ces années et ça s’entend ! Ce nouvel enregistrement nous démontre que sous la houlette de maestro Allen, la divine bande a conservé toute sa force de frappe. Sur ces treize titres – une nouvelle composition du leader et douze relectures de standards créés par son altesse cosmique – l’Arkestra fait danser les couleurs sidérales. Les cosmonautes habitués à cette musique ne seront pas trop dépaysés, mais les nouveaux arrangements imaginés par Allen brassent suffisamment la sauce spatiale pour éviter que l’on crie à la redite. Le blues des origines, les airs hérités d’une Égypte fantasmée, les stridences free jazz sous contrôle et les effets électroniques futuristes cohabitent une fois de plus avec bonheur. Espérons que les oreilles qui entendront cette joyeuse bande pour la première fois aient, par la suite, le goût d’explorer l’opulente discographie du grand Sun Ra. Des années-lumière de plaisir les attendent !