Sons of Kemet, Shabaka and the Ancestors, The Comet Is Coming… Le saxophoniste britannique Shabaka Hutchings a multiplié les projets plus que probants au cours des dernières années. Au point où une bonne partie de la presse musicale l’a présenté comme « le sauveur du jazz ». Le principal intéressé répond humblement qu’il ne fait que son travail et que la note bleue n’a jamais eu besoin qu’on vienne à son secours. Pourtant, les patrons de l’étiquette ressuscitée Impulse! ne s’y sont pas trompés en le repêchant : le jazz qu’il crée est aussi essentiel que l’était la fire music de Coltrane, Shepp et Mingus dans les années soixante.
La dernière fois que nous avons entendu parler des Sons of Kemet, c’était à l’occasion de la parution de Your Queen Is a Reptile, brulot antimonarchique qui avait valu au quatuor une nomination au prestigieux Mercury Prize qu’il aurait dû remporter. Hurtchings, le fabuleux tubiste Theon Cross et le duo de batteurs que forment Tom Skinner et Eddie Hick sont aujourd’hui de retour avec le tout aussi sismique Black to the Future. Les choses démarrent en lion avec Field Negus, introduction menaçante sur laquelle s’invite le poète Joshua Idehen dont chacun des mots est un coup de poing assené aux inégalités sociales dont est victime le peuple Noir. D’ailleurs, sur la première moitié du disque, les invités vocaux se succèdent : Angel Bat Dawid, Moor Mother, Kojey Radical, Lianne La Havas et l’artiste grime D Double E portent tous bien haut leur verve révolutionnaire au son des rythmes dansants joués par les instrumentistes. Tout ce beau monde s’acquitte très bien de sa tâche, mais c’est cependant sur les pièces instrumentales qui composent la seconde partie de l’album que le quartette brille avec le plus d’éclat en mariant les influences les plus diverses : jazz, cumbia et afro-beat sur In Remembrance of Those Fallen; rythmiques groovy et free jazz exploratoire sur l’apocalyptique Let the Circle Be Unbroken; reggae, dub et jazz sur la planante Envision Yourself Levitating. Les quatre membres de la formation éblouissent : Skinner et Hick grâce à leurs irrésistibles enchevêtrements percussifs, l’infatigable Cross qui joue de son tuba comme si c’était une basse électronique et Hutchings dont le jeu parfois rythmique, parfois mélodique, déborde d’inventivité. Et que dire de son timbre inimitable !
Une fois de plus, les Sons of Kemet nous prouvent qu’ils sont des joueurs clés de la révolution jazz qui s’opère actuellement un peu partout autour du globe en conjuguant ferveur free, épices afro-caribéennes et attitude punk. Alors que les consciences s’éveillent peu à peu, leur musique de combat est, plus que jamais, nécessaire.