Le plus grand groupe d’indie folk vient de lancer un quatrième album studio en douze ans d’activité, trois années après avoir marqué les esprits avec le fabuleux Crack-Up, que l’on peut d’ores et déjà qualifier de classique. Cet album s’avère un tantinet plus conformiste dans l’ensemble que le précédent, bien que vibrant, raffiné, inspiré, brillant. Les arrangements sont parfaitement maîtrisés mais plusieurs s’inscrivent dans un certain classicisme folk-pop des années 60-70. Certaines chansons sont tout de même assorties de ponts audacieux qui n’éteignent en rien la ferveur consonante du folk orchestral ou choral de lignée nord-américaine.
Le multi-instrumentiste et compositeur Robin Pecknold, artiste central de Fleet Foxes, fait le pari de la limpidité compositionnelle mise au service de la grande mélodie chansonnière. Ainsi, ces chansons magnifiques sont enrobées d’orchestrations fastes et subtiles (notamment les sections de cuivres) et d’une splendeur chorale digne des meilleurs groupes folk américains de l’histoire moderne – CSNY, The Byrds, The Band, The Mamas & the Papas, etc. On ne peut donc parler d’un coït interrompu par rapport à Crack-Up, sachant que Fleet Foxes est d’abord un puissant vecteur de lyrisme consensuel et demeure le grand leader du « folk de chambre », traversé par la musique classique moderne, le jazz moderne ou même la musica popular brasileira.
Shore a été enregistré à Hudson (NY), Paris, Los Angeles, Long Island City et New York de septembre 2018 à septembre 2020 avec le concours de la réalisatrice et ingénieure du son Beatriz Artola. Robin Pecknold, nous apprend son texte figurant sur la page Bandcamp, se serait inspiré de ses grands modèles littéraires et chansonniers pour rédiger les textes de ces 15 chansons : Arthur Russell, Nina Simone, Sam Cooke, Emahoy Tsegué-Maryam Guebrou, Walt Whitman, des artistes qui selon lui « ont célébré la vie face à la mort ».
Dans ce même texte de présentation de Shore, Pecknold confie ses états anxieux quasi permanents, relativisés par cette pandémie mondiale qui nous afflige tous et toutes. Cette réflexion aurait été libératrice artistiquement pour le frontman de Fleet Foxes, à l’évidence un artiste d’exception dont l’œuvre passera à l’histoire de la musique populaire américaine.
« Nous n’avons pas besoin de musique pour vivre, conclut-il, mais je ne pourrais pas imaginer la vie sans elle. C’est un grand bonheur de ne plus avoir de soucis ou d’angoisses au sujet de l’album, compte tenu de tout ce qui se passe. Une tournée pourrait ne pas avoir lieu avant un an, les carrières musicales pourraient ne plus être ce qu’elles étaient. Quoi qu’il en soit, la musique demeure essentielle. »