Fidèle à ses thématiques très terre-à-terre, le plus inaccessible des inaccessibles du death metal revient en force avec le séditieux
Exhaust. Cet album surprise de Pyrrhon est une exploration du déclin sociétal des États-Unis sur la métaphore de la voiture épuisant son carburant. Mais le quatuor, lui, est loin de manquer de gaz!
Pyrrhon a toujours été l’un des plus subversifs groupes de death metal d’avant-garde, une niche déjà assez inaccessible en elle-même. Trop expérimental pour bien vendre sur le fameux Relapse Records, le quatuor américain a néanmoins continué à pousser son art de l’avant, assumant pleinement la position très souterraine qu’il occupe dans l’écosystème de la musique extrême. À la sueur de leur front, ces musiciens explorent les marges moins évidentes du death metal complexe et brutal: des sections répétitives rappelant l’industriel de Skinny Puppy, des sections lentes et crues dignes de Swans et beaucoup d’escapades noise bien placées donnent une couleur bien particulière, frôlant le post-punk, le noise rock et même de l’improvisation libre.
Pourtant, tout cela est méticuleusement ficelé ensemble par un jeu technique hors pair et une créativité débordante, qui s’apprécient surtout avec les bonnes références en tête pour bien situer l’esthétique dissonante et angoissée de Pyrrhon. Le jeu de batterie de Steve Schwegler, qui en est à son troisième opus avec le groupe, est impeccable et encore plus impressionnant à voir en spectacle. Il faut également souligner la performance vocale de Doug Moore, qui fait un usage fréquent, mais bien dosé d’effets contrôlés depuis un processeur vocal (délai, looper, flanger, filtres fréquentiels variés).
Pyrrhon a toujours livré des albums originaux et intéressants, mais Exhaust est très probablement leur meilleur. Les 50 minutes s’écoulent naturellement et maintiennent l’attention jusqu’au bout. Les accroches rythmées et pesantes font bon contrepoids aux éléments plus difficiles à suivre, le tout restant cohérent. Une écoute exigeante, mais gratifiante.