Sur Sinister Grift, Panda Bear, soit 1/4 de la pop expérimentale Animal Collective, invite les fantômes à chanter avec lui. L’album exhale une chaleur analogique, facture apparemment usée comme si l’on feuilletait un vieil album de photos dont les couleurs se sont atténuées sur les bords. Finis les collages denses et kaléidoscopiques de Person Pitch ou les couches cristallines de Buoys. À la place, nous obtenons quelque chose de plus direct, de plus meurtri et, étrangement, de plus réconfortant.
Dès les premières notes de chansons comme Praise, qui me fait penser aux Beach Boys, ou Ferry Lady, il est clair que Noah Lennox travaille avec une palette différente : des harmonies doo-wop délavées, des sons acoustiques rauques et des rythmes désordonnés qui semblent à moitié oubliés. C’est comme s’il canalisait de vieux signaux de radio AM captés tard dans la nuit lors d’un voyage d’enfance, familiers, mais toujours sur le point de s’éteindre.
L’album est empreint d’une douceur amère, en particulier sur des titres comme 50mg et Left in the Cold, où ses paroles tracent les contours de la perte et de la nostalgie avec une grâce tranquille. La production est sobre mais chaleureuse, laissant sa voix prendre le devant de la scène comme elle l’a rarement fait auparavant. C’est vulnérable, mais jamais complaisant.
Mais Sinister Grift n’est pas que tristesse et danses lentes. Des chansons comme Anywhere But Here sont empreintes d’une espièglerie sournoise, et le final Defence, avec son solo fuzzé offert par Cindy Lee, ressemble à la dernière explosion de couleurs d’une vieille bobine de Super 8.
Ce n’est pas de la nostalgie pour la nostalgie – c’est un rappel vécu, fabriqué avec amour, que même dans le chagrin et l’incertitude, la beauté peut se faufiler à travers les fissures. Sinister Grift pourrait bien être le disque le plus puissant de Panda Bear à ce jour.