Enregistré en septembre 2022, six mois seulement avant sa mort, Opus ressemble moins à un adieu qu’à une conversation silencieuse entre Ryuichi Sakamoto et son auditeur. Dépouillé, intime, sans fioritures et d’une humilité incomparable. Un piano et le poids de sa présence suffisent, voilà l’ultime cadeau à ses fans indéfectibles.
Accompagné d’un film en noir et blanc, l’album s’ouvre sur une tendre interprétation de Lack of Love. Ses mélodies à la Chopin imposent immédiatement ce ton sombre et réfléchi qui est celui de ce disque. Même avec une chanson comme Tong Poo, enregistrée pour la première fois avec le Yellow Magic Orchestra en 1978, Sakamoto ralentit les choses, troquant son énergie originale et agitée pour quelque chose de plus élégiaque – moins sur le mouvement et plus sur la mémoire. Deux nouvelles pièces, BB et for Jóhann, rendent hommage aux collaborateurs disparus Bernardo Bertolucci et Jóhann Jóhannsson. Toutes deux ressemblent à des prières, leurs accords dépouillés sont lourds de chagrin, d’amour et de finalité.
On peut entendre cette fragilité dans l’enregistrement lui-même. Sur Andata, les respirations douces de Sakamoto se fondent dans les notes, les craquements du banc de piano et des pédales nous rappellent qu’il y a un corps derrière la musique. Musique fragile, toujours en quête de quelque chose de beau. Même dans les derniers mois de sa vie, le jeu de Sakamoto semble plein d’émotion et d’engagement, on a une preuve supplémentaire que sa créativité n’a jamais faibli.
Opus ne ressemble pas à un grand adieu. C’est plus personnel que cela. C’est la célébration d’une vie passée à faire de l’art, c’est un album qui trouve la beauté dans la vulnérabilité et le sens dans chaque note. Il n’est pas parfait, mais il n’a pas besoin de l’être. Sa force réside dans l’absence de peur et l’honnêteté qu’il dégage, jusqu’à la fin.