L’idée est lumineuse : fusionner les chants soufis de l’Islam, les musiques de transe du désert et les musiques autochtones du Canada. Katia Makdissi-Warren, excellente compositrice québécoise francophone aux origines arabo-celtiques, a mis au point le concept le plus fédérateur de sa carrière. En chantier depuis quelques années déjà, ce projet déborde clairement de ses adaptations de musiques aux musiques contemporaines occidentales, écrites ou improvisées.
Ce projet collaboratif est tout indiqué dans le contexte de la renaissance culturelle autochtone canadienne : mettre en valeur la musique des peuples aborigènes dans un contexte transculturel, fusionner les cultures traditionnelles et/ou sacrées.
Sous la direction éclairée de Katia Makdissi-Warren (aussi à l’oud), s’exprime un puissant aréopage autochtone et arabo-maghrébin : Moe Clark (chant métis & poésie), Anouar Barrada (chant soufi), Eya-Hey Nakoda & Buffalo Hat Singers/Norman Achneepineskum (tambours pow wow & chants), Nina Segalowitz (chant de gorge inuit), Joséphine Bacon (poésie innu), Nuné Mélik, Valérie Belzile, Amina Tebini & Carla Antoun (quatuor à cordes), Bertil Schulrabe, Mohamed Raky, Eric Breton & Firas Haddad (percussions), Nazih Borish & Khalil Moqadem (oud), Didem Basar (qanun), Marianne Trudel et David Ryshpan (piano), Étienne Lafrance (contrebasse), Michel Dubeau (flûtes) – lorsque sur scène, ces interprètes sont côtoyés par les danseuses Barbara Diabo (danseuse Mohawk) et Tanya Evanson (dervish tourneur).
On assiste ainsi à l’érection d’une langue musicale commune, déserts de sable et de neige constituent une même destination : l’extase, la transe, la connexion avec la nature, l’univers, le divin. De manière générale, les structures sont simples et accessibles: chants de pow wow, jeux de gorge et rythmes binaires d’un côté, polyrythmes nord-africains et modes orientaux de l’autre, musiques contemporaines et jazz contemporain au centre.
Katia Makdissi-Warren ne propose pas ici d’architectures complexes d’un point de vue compositionnel, la compositrice et leader s’applique plutôt à lier deux cultures traditionnelles du monde dans le respect, soit en en identifiant le liant fondamental. Pour les gens curieux et ouverts, cette connexion est plus que séduisante et ouvre la porte à de nouveaux langages musicaux.
Sauf l’intervention de la pianiste de jazz contemporain Marianne Trudel dans ce contexte, sans les cordes arrangées avec une réelle complexité harmonique, ces musiques restent simples, très faciles à absorber. Les rythmes élémentaires des chants autochtones sont ainsi étoffés par les percussions jazzo-orientales, ces grooves séduisent.. jusqu’à ce qu’on en ressente une certaine redondance. C’est dire que le prochain chapitre de ce superbe projet collaboratif devra miser sur la sophistication de ces formes fusionnées. Voilà un souhait de mélomane, restons néanmoins conscients que la forme actuelle comblera la majorité des esprits curieux.