Les aventures croisées entre le DJisme et la musique symphonique ne sont pas toujours heureuses, loin s’en faut. Ça finit trop souvent par une trame orchestrale soutenue par du beat et des colorismes vaguement impressionnistes. Je ne dis pas que c’est désagréable, ou même mauvais, mais on n’a pas souvent l’impression d’aller très en profondeur dans l’échange.
Cette Symphonie no 1 ‘’quantique’’ de l’artiste électro, producteur et DJ français Romain De La Haye-Serafini, alias Molécule, ose creuser. Ici, l’électro ne sert point à donner une pulsation techno-pop, mais bien à servir de palette de couleurs et de diverses textures qui évoluent tout au long de l’œuvre en se moulant, tel un nouvel instrument, à la plasticité orchestrale.
Véritable expression post-moderne, cette symphonie ‘’moléculaire’’ construit une narration abstraite mais intuitivement cohérente dans son déploiement à travers l’appel à un vaste ensemble d’outils stylistiques modernes et contemporains. On y entend du spectralisme, de l’impressionnisme, du romantisme cinématographique, quelques aspérités expérimentales, etc.
Les sons ‘’artificiels’’ sont en réalité très naturels, car captés in situ (sur l’océan Atlantique et au Groenland, entre autres) par le compositeur. Celui-ci les ‘’retravaille’’ complètement en studio, en les triturant, en leur faisant changer de registre et de texture, etc. Ils deviennent ensuite de simples échos, des spectres évanescents par rapport à leur nature initiale, mais du coup également, de tout nouveaux outils qui lui permettent de colorer sa partition de façon inattendue.
L’ensemble est construit avec soin et avec une excitante attention à la qualité narrative. Se déploie ainsi devant nous, ou du moins dans nos esprits réceptifs, tout un spectre d’images. Certaines sont des abstractions colorées, comme un champ de particules chatoyantes, d’autres évoquent un voyage spatial et d’autres encore une nature terrestre vaguement ondoyante.
Quelques citations explicites à Jupiter des Planètes de Gustav Holst ramènent impérialement l’auditeur à la nature ‘’cosmique’’ et cinématographique de la langue musicale du compositeur.
Même s’il est parfois ardu de différencier ce qui procède de l’électronique de ce qui vient de l’acoustique, on déduit tout de même aisément la grande qualité instrumentale et timbrale provenant de l’Orchestre de Lille, sous la direction soignée d’Alexandre Bloch.
Une véritable symphonie du 21e siècle, à la fois sophistiquée et accessible, et surtout un immense plaisir d’écoute.