Quatorze ans après leur premier effort collectif, les musiciens de Gris et Sombres Forêts unissent à nouveau leurs forces et lancent un album qui leur fait se démarquer des autres acteurs de la scène black métal québécoise. Ordalie offre des arrangements sophistiqués, un jeu instrumental subtil et technique, mais surtout, cette atmosphère de désolation qui avait charmé l’auditoire en 2009.
S’ouvrant sur une mélodie de piano sur laquelle se superposent des strates au violon, Noir fauve évolue graduellement vers son instrumentation métal. La première cellule rythmique jouée à la guitare martèle la tonique—une ouverture digne d’un album des néo-zélandais Ulcerate—avant d’accueillir le plein déploiement de l’idée musicale qui germait.
Il faut applaudir l’exécution en général, le dynamisme du jeu de batterie étant un élément clé qui colore l’album sur toute sa longueur. Très peu de choix rythmiques semblent délibérément empruntés au canon du black métal, ce qui a pour effet rafraîchissant de subvertir les sections les plus pesantes avec une attaque percussive plus nuancée que brutale.
Trémolo d’archet à la guitare, arpèges noyés dans le délai, instrumentation étendue, montées progressives en intensité, profondeur de champ dans les arrangements, mixage créatif : tout y est! On reconnaît fort bien le son de Miserere Luminis. La plupart du contenu mélodique et harmonique de l’album provient des gammes mineures, faisant perceptiblement osciller l’atmosphère entre la nostalgie, la tristesse et le désespoir. Les voix y sont toutefois plus variées, quoique toujours davantage viscérales que techniques. Des types de cris laissant entendre des hauteurs définies viennent compléter les cris saturés dont on peut clairement entendre la cassure et les imperfections. Ces ingrédients laissent place à une musique vulnérable, travaillée et introspective, loin du black métal orienté sur le pur assaut auditif ou la noirceur occultiste. Une attente qui en aura amplement valu la peine.