Si l’on ferme les yeux en écoutant la musique de Mas Aya – pseudonyme du multi-instrumentiste et producteur Brandon Valdivia –, les formes libres d’une toile expressionniste se meuvent derrière nos paupières closes. Sur Máscaras, son plus récent album, des flûtes traditionnelles se superposent à des boucles rythmiques décalées; les sons se métamorphosent en périple ésotérique et cinématique. L’album est traversé par une délicate tension. C’est normal, puisque Brandon Valdivia crée les ferments sonores des idéaux des révolutions, particulièrement celles des années 1970 au Nicaragua, son pays d’origine.
La voix d’un guérillero inconnu appelle à la révolte, en espagnol, tandis qu’un rythme électronique se fait entendre, sur Momento Presente. Les mélodies servent les percussions, alors que des harmonies diaphanes servent de liant aux chansons. Il est ardu de rendre tous les composants musicaux fluides et tangibles à la fois, mais Mas Aya y arrive parfaitement. L’écoute de l’album transcende le reste, pour peu qu’on se libère de toute distraction. L’auditeur est seul avec la musique. Dans Key, la répétition des motifs de synthés et des boules rythmiques, conjugués aux gouttes qui s’écoulent d’une stalactite, produisent une impression de projection astrale. Je n’avais pas ressenti ça depuis le Music Has the Right to Children de Boards of Canada.
18 de Abril est belle dans sa violence, les cymbales et tambours retentissent par saccades alors qu’une femme semble demander de l’aide à sa mère en gueulant (les paroles sont presque indéchiffrables). Puis, Tiempo Ahora procure une quiétude complète, propice à la méditation. Il s’agit de la seule pièce chantée de l’album; Lido Pimienta, créatrice de R&B expérimental, est au micro.
Máscaras est un album à écouter lors d’une promenade en solitaire, le soir peut-être, puis à disséquer collectivement, comme dans une sorte de rituel ancien. Peu importe, les œuvres aussi empreintes de spiritualité ne nous parviennent pas souvent aux oreilles.