New York demeure toujours cette pépinière de talents et de métissages. DJ Python en est un exemple. Brian Piñeyro, habitant de Queens aux origines équatorienne et argentine, a construit un héritage musical en brassant ses racines latines et les productions électroniques actuelles ensemble : de la scène reggaeton de Floride à l’IDM typique du label Warp (Autechre, Boards of Canada), DJ Python s’inspire autant de genres différents que de cultures diverses. Sa musique est difficile à circonscrire, Piñeyro y invente un style propre, la « deep reggaeton », que Mas Amable illustre avec brio.
En comparaison de ses derniers albums, Dulce Compañia et Derretirse, Mas Amable est une épure. Les assemblages musicaux y sont inattendus et Piñeyro pousse sa créativité aux confins des genres. Des huit pistes, la palette est simplifiée : parfois balearic, souvent tropical, toujours techno, Mas Amable commence sur des silences insulaires (Te Conoci) que des percussions déchirent, décontenancent avec moiteur, douceur (Pia, Alejandro). 48 minutes de house non-stop comme un coup de chapeau. Le rythme est ample avec des fulgurances mélodiques (Descanse) mais il prend toujours son temps, chose rare dans nos productions actuelles. Il y a de l’audace, les pads sont hypnotiques sans être renversants et changent de ton (ADMSDP, avec LA Warman). Les nappes mélodiques ne sont jamais criantes ou hors-normes. Pourtant, on ne peut pas dire que la composition est minimaliste, mélancolique ou planante. Les ruptures de ton proviennent de gammes imprévisibles redonnant aux atmosphères des premiers titres une harmonie accidentelle. Il n’y a aucune facilité musicale si ce n’est un groove inouï dans Mas Amable. Mas Amable est un véritable « sazon » selon les bons mots de Piñeyro : inimitable, une recette sans recette, il est un mélange d’épices qui nous surprend et nous fascine.