Life and Death. La vie et la mort. Un dialogue fait de contrastes tout aussi absolus que sont les chefs-d’œuvre au programme de cet album du quatuor à cordes anglais Navarra. Cela dit, s’il faut être bien vivant pour interpréter et apprécier ces bijoux du répertoire, le sujet des pièces choisies est toujours, sans exception, la mort. Une mort transcendée par des discours musicaux aussi différents les uns des autres qu’ils sont puissants et poignants d’émotion.
Le programme est lancé par la délicatement introspective Prière du toréador de Joaquin Turina. Une œuvre poétique et intime, qui donne voix à celui qui s’apprête à risquer sa vie dans une arène madrilène. Je ne peux m’empêcher, moi, homme du 21e siècle, de souhaiter qu’un jour ce soit au taureau qu’on dédie une prière. Cette confession anti-spéciste étant faite, Prière est une pièce magnifique.
Le Quatuor de Leos Janacek habite une généalogie prestigieuse qui part de la Sonate à Kreutzer de Beethoven, passe par la nouvelle éponyme de Tolstoï, un bijou qui parle d’amour passion, de trahison et de meurtre, et se rend finalement à Janacek. Le Quatuor de Janacek est un sommet absolu de beauté mystérieuse, parfois déroutante, mais incandescente de passion à la fois contenue et débordante. À l’image de la nouvelle de Tolstoï et de l’âme torturée de Beethoven.
La jeune fille et la mort de Schubert était un choix d’une imposante évidence. Les thèmes et mélodies de l’Autrichien s’incrustent sous la peau et dans la mémoire et envahissent l’âme comme peu de musiques savent le faire. L’interprétation des Navarra est convaincante et touchante. Entre les plus gros morceaux de l’album, quelques miniatures de Gyorgy Kurtag, dont une à l’attention d’un ami décédé, complètent une liste de lecture inspirante. Un album de haute tenue, qui marie la très grande musique avec l’exploration de questions existentielles.