Brain Eno, pionnier de la musique électronique et d’une foule d’autres genres, a un jour affirmé que la musique ambient « doit s’adapter à divers niveaux d’attention sans en imposer un; elle doit être aussi négligeable qu’intéressante ».
Light Conductor est composé de Jace Lasek (The Besnard Lakes) et de Stephen Ramsay (Young Galaxy). Leurs nappes de synthé analogique sont ondoyantes en diable, mais pas complètement ambient. Or, l’affirmation de Maître Eno s’applique à leur deuxième album, Sequence Two : on peut s’y perdre tandis que le monde qui nous entoure semble s’estomper lentement; nos perceptions sensorielles se dissipent et tout ce qu’on peut entendre, ce sont les couleurs électroniques des drones et de la mélodie planante.
Sequence Two est un album parfait pour laver la vaisselle ou faire toute autre tâche répétitive n’exigeant aucune réflexion. Les moments d’accalmie sont dosés pour ne pas endormir notre attention, mais des explosions de créativité sonore nous incitent à monter le volume, comme les falsettos célestes à la fin de Splitting Light. Cela me rappelle l’euphorie que j’ai ressentie en entendant, pour la première fois, la guitare sur Echoes de Pink Floyd.
Il est difficile de déchiffrer complètement ce que l’on entend : un univers en train de naître (The Rooms Are Turning Inside Out) ou d’être anéanti (Pyramids in Slow Rotation)? Certains passages de Sequence Two suscitent une admiration pure. Ces deux musiciens sont en phase avec les possibilités infinies des synthétiseurs analogiques, ils s’en servent pour créer des « dimensions de poche » où règne une béatitude expérimentale.
Le flux musical est ininterrompu. L’auditeur ne perçoit pas de pièces distinctes, il flotte dans l’atmosphère chimérique de l’album. Sequence Two ressemble à la trame sonore d’un film de science-fiction pas encore écrit où se déroule une expédition, dans la même veine qu’Interstellar ou – dans un registre plus obscur – Beyond the Black Rainbow.