Il a beau délirer solide depuis nombre d’années, il a beau ne réprimer aucune incohérence de ses psychoses maniaco-dépressives (visiblement) non traitées, on continue de le prendre au sérieux et lui accorder l’importance médiatique des plus grands de ce monde. Pourquoi donc ? Parce qu’il est encore considéré par plusieurs comme un artiste génial. En quoi Kanye West, génie autoproclamé, l’est-il au juste ?
La première phase de sa carrière pouvait toutefois laisser présager un certain « génie »; rendus publics entre 2004 et 2013, ses six premiers albums ont été jugés brillants avec raison. Jusqu’à la sortie de Yeezus il y a 8 ans, Kanye West fut l’un des meilleurs concepteurs de la nation hip-hop, notamment pour les micro-productions superposées dans ses titres, pour cette méthodologie adaptée au contexte numérique, pour le mélange des genres au service de son art alors inspiré. Le rapper et beatmaker de Chicago se maintenait alors dans le peloton de tête au chapitre des avancées hip-hop, le succès critique était pleinement mérité, le succès commercial pleinement justifié.
La suite fut moins reluisante, soit à partir de The Life of Pablo, un album persillé de très bons titres et d’autres carrément erratiques. Depuis lors, son parcours artistique fut assorti d’un mode de vie flamboyant et ostentatoire, à commencer par ses accointances au sommet du vide télé-réel, là-même où trône la famille Kardashian – de laquelle il aurait pris ses distances. On se rappellera aussi de son étrange léchage de bottes trumpistes, de sa position confuse et provocatrice sur la condition afro-américaine, de la gestion chaotique de ses finances personnelles, de sa conversion au fondamentalisme chrétien, pour ne citer que ces incongruités. Voilà autant d’exemples infirmant tout diagnostic de génie, que Kanye ne cesse pourtant de marteler à son public et aux médias de masse qui en font leurs choux gras. Jusqu’à quand cette mascarade ?
Quel sera le prochain chapitre? Un album réalisé en Corée du Nord avec Dennis Rodman et Kim Jong-un pour invités spéciaux ? Un autre à Kaboul avec le mollah Abdul Ghani Baradar? Qui sait où mènera cette fuite en avant… De rapper doué et innovant, Kanye West est progressivement devenu une bête de cirque. Faire parler de lui et obtenir une attention de masse, voilà la principale qualité que l’on puisse lui accorder.
Ses productions récentes sont les courtepointes de ses découvertes antérieures, avec pour seule avancée une propension au chant sacré et aux déconstructions hip-hop qui lui sont propres. Le nouveau chapitre le suivant : Donda, titre de la nouvelle offrande qui est aussi le prénom de sa défunte mère, est une autre gigantesque psalmodie mise en rimes sur fond de minimalisme informatique. L’intérêt musical de cet album repose sur ses adaptations hip-hop du chant sacré. Pour le reste, c’est du travail cool mais… pas de génie à l’horizon.
Pas moins de 27 titres simplement construits, pour la plupart incomplets, jolies maquettes bidouillées avec claviers, ordinateurs portables et compléments instrumentaux, sorte d’écriture automatique avec un savoir-faire hors du commun. Kanye a beau se plaindre que sa maison de disques a sorti ce travail trop tôt, il n’en finit plus de finir et le produit s’avère invariablement inachevé…
Quant au pénible propos prêchi-prêcha de Kanye West, il plombe les rimes ici proposées, ses réflexions révèlent une fois de plus son incohérence et ses tourments intérieurs… loin d’être résolus. Quant à son casting de réputés sociopathes on repassera: Chris Brown, batteur de femmes à commencer par la célébrissime Rhianna, DaBaby, rapper enclin à l’homophobie, Marilyn Manson, rockeur maintes fois dénoncé pour agressions sexuelles, voilà autant de trous noirs de la galaxie auxquels se greffe une constellation de MCs et chanteurs R&B – Jay-Z, The Weeknd, Travis Scott, Kid Cudi, Young Thug, Playboi Carti, Ty Dolla $ign, Westside Gunn, Pop Smoke, Lil Baby, Jay Electronica, Baby Keem, Roddy Ricch.
Alors? Aujourd’hui, le génie présumé de Kanye West tient de la bullshit totale. Cette lamentable fiction ne cessera que lorsqu’on cessera de lui prêter attention… ou encore lorsqu’il retrouvera ses esprits au terme d’une thérapie concluante. Permettons-nous d’en douter…