Le prince de la pop-variété française nous revient ces jours-ci avec un album, son 26 ième en studio, créé pendant le premier confinement covidien. La première pièce, Mon refuge, qui nous chaloupe dans des rythmes caribéens dansant parle, paradoxalement, de voyage et d’évasion sur un texte signé Clara Luciani. Une artiste phare de la jeune génération. Laquelle est bien présente sur cet album avec aussi Jeanne Cherhal ou le rapper Vincha. Si le Clerc ne réinvente pas les ressorts sur les sauterelles, il demeure diablement efficace sur le plan mélodique. Avec sa voix claire, puissante et son trémolo distinctif, le Juju nous a offert jadis des grandes choses. Pensons notamment à sa fructueuse collaboration avec l’exquis parolier Étienne Roda-Gil. Cette fois encore, cet amoureux du Québec sait saisir l’air du temps et l’écume des mouvements sociaux. Comme l’écologie avec le texte du rapper Vincha et la prise de parole des femmes, qui se reflète ici par ses autrices invitées (il y a aussi Carla Bruni et Marie Bastide). Pas de doute, Clerc veut rester « dans le coup » même si, a 73 ans, il n’est plus le jeune premier qu’il était du temps de ses débuts avec Johnny, Polnareff, Dutronc ou Eddy Mitchell. Mais, contrairement à d’autres, vieillir lui va à ravir. Bien que nous n’ayons pas affaire ici à un grand cru comme Utile qui, en 1992, célébrait ses retrouvailles avec de Roda-Gil après des années de froid, on y retrouve quand même quelques moments forts et de jolies chansons, dont la souriante Mademoiselle qui rend hommage à ces chères institutrices. Pièce qui, sous son air bon enfant, dégoupille cette ligne qui tue signée Didier Barbelivien : « Mademoiselle qui m’avez appris/À ne pas confondre les cris/Des marchands de révolution/Avec le peuple pour de bon/Je me dois de vous dire ¨merci¨».
Bref, si on se désole par moments des quelques chœurs qui sonnent vraiment eighties et gnagnan, on y passe globalement un moment agréable, ponctué d’instants très forts dont Automne, une chanson d’atmosphère cinématographique signée Bernard Lavilliers, ou La jeune fille en feu, un texte poignant dans lequel l’interprète de haut vol qu’est Julien Clerc évoque ces femmes victimes de la violence machiste avec un ton à la fois dramatique mais juste. Bref, lorsque l’on transcende l’image du chanteur un brin racoleur qui peut parfois coller à Julien Clerc, nous avons affaire à un artiste qui sait reconnaitre un bon texte parmi la pléthore qu’il reçoit sans doute et, surtout, parvient à les magnifier façon variété-pop frenchy. Talent trop souvent négligé.