Après avoir impressionné les curieux au sein du groupe afrosonique et très expérimental de samba-punk Metá Metá, la chanteuse et compositrice de São Paulo Juçara Marçal sort Delta Estácio Blues, un album solo peut-être un peu plus accessible, mais non moins inventif et inspiré. Et, bien que le détestable président brésilien Bolsonaro n’y soit jamais nommé, l’album véhicule une énergie politique irrésistible. La diversité des sons peut être attribuée à la ribambelle de compatriotes brésiliens qui ont participé à la production. On retrouve, dans la merveilleuse néo-tropicália de Juçara Marçal, une partie des penchants exploratoires de Metá Metá. Cela nous rappelle que le disque est le fruit d’une collaboration avec Kiko Dinucci, collègue de Metá Metá. Thiago França, le troisième membre du groupe, était vraisemblablement occupé par son projet de bloco anti-réactionnaire; il vient de lancer un album tout à fait espetacular. Delta Estácio Blues est excellent d’un bout à l’autre et offre même au musicophile veinard des moments vraiment exceptionnels, comme Vi de Relance a Coroa, pièce d’ouverture élégante et dramatique, l’hallucinatoire chanson-titre et le rap incendiaire Crash. Mentionnons également La femme à barbe, reprise aussi décapante que l’originale de la grande Brigitte Fontaine. Iyalode Mbè Mbè, le dernier morceau, tire sa structure d’un chant de louange yoruba. Assaisonnée de saxophone piquant, cette chanson clôt l’album en beauté et confirme l’attachement de ces musiciens au candomblé et à la spiritualité africaine de leur région.
