Johnny Marr, concepteur du son de guitare obsédant et – soyons francs – du son tout court des Smiths, fonctionne à plein régime depuis la dissolution de la formation jangle-pop britannique, à la fin des années 1980. Il a fait partie des Pretenders, a collaboré avec les Talking Heads, Electronic, Hans Zimmer et Modest Mouse, entre autres. Et il a fait équipe avec Billie Eilish, l’une des jeunes stars les plus populaires de la pop, pour la chanson-thème du nouveau James Bond, No Time To Die.
Les albums solos de Marr ne sont pas tous des réussites. Fever Dreams Pt. 1, le quatrième, s’avère l’un des plus marquants. Il s’agit d’un microalbum de quatre chansons qui donne un avant-goût de Fever Dreams Pt. 1-4, l’album double qui paraîtra en 2022. Johnny Marr s’est toujours prêté de bonne grâce aux questions sur les Smiths, un groupe qui n’existe plus depuis près de… 35 ans. Pas étonnant, donc, qu’on mesure sa production solo à l’aune de son ancien groupe et que les critiques se résument souvent à « C’est bien, mais ce n’est pas The Smiths ».
Avec Fever Dreams Pt. 1, toutefois, Marr pourrait enfin transcender cette comparaison. Spirit Power and Soul, la pièce d’ouverture, s’apparente à du disco new-age avec ses nappes de synthés, sa batterie électronique et ses lignes de guitare minimales. Ce morceau est dément : on se croit dans une discothèque allemande lugubre en train de se commander une autre consommation, puis on se retrouve sous les néons, dans un rituel occulte que préside un Johnny Marr en chasuble. Cette chanson est diablement accrocheuse.
Le début de Receiver pourrait servir d’intro à un film de David Fincher, avec ses riffs synthwave maléfiques. Après quelques secondes survient une éclaircie de guitare passée au phaser, un son presque sous-marin. On imagine Marr couché par terre dans le studio, les yeux clos, en train de songer au son de guitare convenant parfaitement à cette pièce. Il y est question de toute l’information que nous consommons et décodons chaque jour. Marr n’est pas seulement un auteur-compositeur doué : c’est un chanteur, dont la voix épouse ici l’ambiance nostalgique de la chanson.
Ce sont sans doute All These Days et Ariel, les deux derniers titres, qui évoquent le plus les Smiths avec leur guitare accrocheuse et leur basse fuzzée. Au premier abord, on croit que ces riffs pourraient figurer sur The Queen Is Dead. Or, le mixage et l’expertise studio de Marr en font autre chose. L’arpège acoustique d’Ariel évoque également The Killing Moon d’Echo & the Bunnymen, copains de cohorte de Marr.
L’album complet comportera sans doute quelques ratages. Or, si Fever Dreams Pt. 1 en constitue un échantillon représentatif, il devrait contenir certaines des chansons solos les plus abouties de Johnny Marr.